Orchidées (PHIL)
La nuit. Sur le plafond de la chambre, en chiffres rouges, l’heure. 3h36.
La nuit. Éveillé je suis.
Elle dort peut-être. J’entends le bruit régulier de sa respiration. Elle est calme. Si elle ne dort pas elle n’en laisse rien savoir.
Éveillé je reste. Et calme. Je ne tente rien. Elle m’émeut pourtant. Comme toujours.
Dehors un chien aboie.
Dehors une chouette ulule. Tiens, une chouette, me dis-je. Et je pense que les défis du samedi, la consigne de la semaine, la chouette, la joie, le jeu des mots, le détournement. Je ne sais pas si je pourrai écrire. Si matériellement je trouverai le temps.
Et pourquoi non ?
Il suffit d’un clavier et d’une page blanche dans un traitement de textes. Il suffit de quelques minutes.
Je repense à notre dernière promenade dans la campagne.
Nous marchions sur un chemin empierré, en lisière d’un plateau calcaire où autrefois avaient pait les troupeaux d’ovins.
L’herbe sèche, la pierre affleurant, le printemps aux mille couleurs.
Et nos yeux. Attirés soudain comme par des aimants.
Chouette, s’écriait-elle. Des orchidées.
Et l’instant suivant, nous étions affalés dans l’herbe, braquant nos objectifs sur les frêles fleurs aux allures d’insectes. Emmagasinant de la beauté dans les boîtiers. Rêvant déjà de notre possible fierté à la vue du résultat.
Ophrys mouche ou abeille. Ou bécasse. Il y a donc des orchidées-oiseau.
Des orchidées-chouette ? Je n’en ai aucune idée. Il faudra que je me renseigne, que je me documente.
La nuit, l’heure rouge inscrite au plafond, et dehors le hululement d’une chouette. La vie qui va, inexorable. Je souris de satisfaction à l’écoute de ce cri.
Chouette une chouette !
Chouette ?
Pas si sûr.
J’ai oublié de fermer la porte de la grange où nous rangeons nos voitures. Et la chouette qui ulule si gaiement la nuit. Les stigmates de son passage. Des pelotes de réjection. Quelque campagnol téméraire aura péri. Et mon pare-brise complètement souillé d’une fiente blanchâtre, comme si j’avais le temps de m’occuper de ça ce matin, déjà que je marche au radar à cause de l’insomnie. Pas de chance.