Dans l’ascenseur (Brigou)
Aujourd’hui j’ai rendez-vous au 10e étage d’un immeuble.
J’évite toujours de prendre les ascenseurs. Ainsi j’ai voulu ouvrir la porte pour emprunter les escaliers soit 90 à 100 marches à grimper… mais cette dernière était verrouillée. C’est donc avec beaucoup d’appréhension que je me suis résignée à me diriger vers la bête d’acier.
Je ne suis pas la seule à monter. Une femme bon chic bon genre, les cheveux décolorés, le visage liftée ou botoxée accompagnée d’un toutou patientent également.
10 h 15 : je pénètre dans la cabine, coincée entre madame et son clebs couché devant la porte, le museau entre ses pattes. Le chien pue et sa maitresse également. Elle a dû abuser du flacon de parfum ce matin…
10 h 20 : elle m’informe qu’elle monte comme moi au dernier étage. J’appuie donc sur le bouton nerveusement mais…… rien ! Bizarrement le néon orange de secours s’éclaire.
Dans cet univers fermé, étroit, malgré une multitude de miroirs comme pour nous donner l’impression que c’est plus grand, je ne veux pas me laisser envahir par l’émotion. Celle qui peut devenir violente, intolérable et destructrice. J’aperçois mon visage qui change de couleur et mon teint qui devient blafard.
10 h 40 : l’ascenseur ne semble plus réagir à aucun ordre. De longues minutes passent. La blonde platine imperturbable joue avec son sautoir en perles. Le chien ronfle bruyamment. Nous entendons enfin la voix de la concierge qui nous annonce que le courant vient d’être coupé, que la société de dépannage va venir ouvrir les portes et qu’il faut rester calme.
10 h 55 : c’est en écoutant ces derniers mots que je ressens les prémices d’une angoisse. Je reconnais déjà les douleurs dans le corps. Il m’est difficile de respirer, j’ai la sensation que ma gorge enfle, mes mains tremblent et des points noirs apparaissent devant mes yeux. Il faut que je revienne au réel, que je m’accroche au présent. Je me concentre sur le chien en me disant qu’il ne faut pas que je tombe dans les pommes d’autant que je n’aimerai pas me retrouver nez à nez avec sa langue pendante et son œil vitreux.
11 h 50 : Le zéro libérateur apparaît enfin en diodes rouges sur fond noir. Les portes s’ouvrent.
Et tout à coup, en une fraction de seconde, je suis là, bien ancrée dans le présent, au rez de chaussée et dans le brouhaha. Je déguste ce moment d’être enfin libre, juste vivante !