Ma grand-mère (TOKYO)
’Ma grand-mère était tout sauf une grand-mère, comme on peut voir dans les publicités.
Elle ne faisait pas de confitures, et ses cheveux violines qui viraient orange acide en disaient long sur cette manière de se décentrer de l’inéluctable.
Sa mort avait été une surprise, elle qui travaillait à son immortalité. Quand le notaire m’a tendue sa lettre du haut de mes quatorze ans je fus sidérée, fébrile je revois la scène.
Qu'est-ce qu'elle m'a laissé ? Elle ne m’aimait pas pourtant, je ne comprends pas, y a que moi qui ai quelque chose. Un morceau de papier jaillit, se dévide en ribambelle, prend la porte de sortie. Je cours derrière, dévale la pente, trébuche, pique du nez. Mes narines explosent, mes épaules s’éraflent, mes genoux se pèlent, finissent leur course dans un buisson de ronces et d’orties. Je m’essuie le tarin ensanglanté, d’un revers de main, me tourne, découvre, inscrit sur cette langue de grand -mère géante, un message : « Tu t’attendais à quoi ? »