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Le défi du samedi
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10 juin 2023

Ma Fine (Yvanne)


Ne me parlez pas de bourrique pour désigner un âne ou une ânesse !  C'est un gros mot pour moi. Je réserve cette appellation au genre humain. Et des bourriques, ma foi, il y en a. Peut être même que j'en suis une !

Un âne, ça se respecte. C'est intelligent et doux un âne. Qui n'a pas appris à l'école primaire cette jolie poésie de Francis Jammes : « L'âne » ? Je l'ai encore en mémoire parce que je l'aimais particulièrement cette récitation comme on disait alors. Et pour cause !

A la ferme familiale il y avait Fine. Elle était déjà là quand je suis née, Fine. Quand j'atteignis l'âge de cinq ou six ans, elle devint ma copine, mon amie. Je lui parlais et elle me comprenait. Nous utilisions le même langage : quand elle se mettait à braire, je poussais des « hi han » aussi sonores que les siens. Quand elle se roulait sur le pré, j'éprouvais un grand plaisir à la copier. Ce qui me faisait rire aux éclats. Fine riait aussi en montrant ses dents jaunes. Ces parties de plaisir ne passaient pas inaperçues à la maison bien entendu. Parce qu'elles avaient des conséquences. Ma mère se désolait : « regardez-moi cette gamine ! Tu n'as pas honte de brailler plus fort que la Fine ? Et tu es propre à te traîner dans la poussière . »
Cause toujours Maman ! Moi, je veux jouer avec Fine. Elle ne me gronde pas, elle ! Elle s'en moque que sa robe noire devienne grise et sale. Et moi aussi !

Quand j'ouvrais la barrière pour rejoindre Fine dans sa pâture, elle levait la tête à mon approche et me regardait avec ses grands yeux tendres. Elle remuait ses longues oreilles d'une certaine façon pour m'accueillir et semblait dire : « tiens, te voilà toi ? » Puis elle continuait à brouter tranquillement. J'emmenais souvent un livre et je m'asseyais sur l'herbe près d'elle. Je crois que Fine aimait bien les livres. Elle tentait parfois de saisir mon ouvrage. Je lui lisais alors mes histoires. Fine était contente. Enfin c'est ce que je me disais.

Fine ne quittait guère le pré derrière la maison. On ne pouvait pas la mêler aux vaches pour aller vers d'autres pacages. Les rares fois où cela se produisit il prenait à coup sûr à la demoiselle des envies de liberté et elle s'échappait à la moindre occasion. C'était sans compter sur Carlette, notre chienne qui n'attendait que cette opportunité pour s'accrocher à sa queue.  S'en suivaient des ruades et des aboiements frénétiques, ce qui désorganisait le petit troupeau. Je pensais que tout cela était un peu de ma faute : Fine voulait voir du pays sans doute à cause de mes contes.

De temps en temps ma grand-mère attelait Fine à une carriole et nous partions toutes les trois visiter des parents qui habitaient la commune voisine. C'était la fête. Fine était tellement excitée à l'idée de la promenade qu'il fallait tempérer son allure sinon nous aurions versé dans le fossé, les chemins que nous utilisions n'étant pas très praticables parfois. Au retour, ce n'était pas la même chanson. Fine, fatiguée et peu pressée de reprendre sa vie monotone s'arrêtait souvent et mémé Louise devait être très persuasive pour la faire avancer.

Je pense souvent à Fine quand je me rends dans mon village natal. Et comme Francis Jammes « qui voulait aller au Paradis avec les ânes »  je prie le Ciel pour y retrouver ma Fine un jour.


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Commentaires
T
Tendresse nous apprend l'âne
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A
j'aime :-) c'est beau, c'est touchant!
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J
Très belle évocation ! Merci pour la mélancolie !
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L
Je pense que les animaux ont tellement à nous apprendre ! Toi, tu l'as compris très tôt. Moi, c'était une chienne à qui je parlais et que j'appelais Floflo.
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W
Quelle chance tu as eue d'avoir eu une amie aux grandes oreilles et au grand cœur !
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K
Bel et émouvant éloge d'un animal familier inoubliable !
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J
Excellentissime, Yvanne !
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