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Le défi du samedi
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25 mars 2023

Chère Marquise (Yvanne)

 

Oserais-je m'entretenir avec vous comme avec une amie ? J'ai trop de respect pour votre personne pour avoir cette audace. J'aimerais simplement que ma lettre vous soit un mince divertissement dans l'ailleurs où vous êtes aujourd'hui. Ailleurs où, je présume vous étourdissez les anges par votre esprit et votre talent.

Je n'affûterai pas ma plus belle plume d'oie pour vous écrire. Me croirez vous ? Ces volatiles ne sont plus plumés par de diligentes mains et de plume d'oie il n'y a point. Des machines barbares dépouillent ces volailles en un rien de temps. Ah ! Je vous devine : vous étouffez un petit rire discret derrière votre main joliment gantée de blanc. Je ne vous ferai cependant pas l'offense d'utiliser ce moyen moderne que l'on nomme informatique pour m'adresser à vous. Il reste encore, fort heureusement un peu d'encre au fond de mon encrier, non à vrai dire, de mon stylo.

Madame, si vous voyez le monde depuis le Paradis où vraisemblablement Dieu vous garde près de lui, vous ne cessez sans doute d'être étonnée. Horrifiée même certainement tant notre planète va à vau-l'eau. Mais quand vous tournez votre regard pour ne plus voir ce qui se passe ici bas, comment occupez vous votre temps ?
Vous écrivez encore et encore à votre fille et à tous vos amis, épistoliers fervents tout comme vous. Je vous imagine, penchée sur votre écritoire, tantôt sereine, tantôt triste ou amusée laissant « trotter votre plume la bride sur le cou » pour narrer avec spiritualité et impertinence les potins du jour.

Avez vous retrouvé votre livre du carrousel que vous aviez prêté ? Il me semble que vous l'avez finalement reçu. Il y figurait, je crois la quadrille que votre fille Madame de Grignan destinait à son frère Charles. Je comprends l'importance de cette brochure pour vous. Ne détaillait-elle pas les divers participants présentés par des madrigaux qui commentaient les devises choisies. On y retraçait n'est-ce pas la composition des diverses quadrilles commandées par le Roi avec leurs emblèmes. Ceci pour la fête grandiose, le Grand Carrousel, donnée dans la cour des Tuileries les 5 et 6 juin en l'honneur de la naissance du Dauphin Louis.

Vous dirais-je Madame que « quadrille » - enfin le mot - s'est masculinisé ? Il ne désigne plus un tournoi ou autre spectacle équestre comme vous aviez l'habitude de les vivre. Il est devenu plus tard une danse de salon avec quatre couples formant un carré. Aujourd'hui on parle de quadrille plutôt pour une danse folklorique. Mais je suis sûre que vous poufferiez encore comme alors quand vous contempliez les bourrées paysannes en vous exclamant : « ce sont des postures à pâmer de rire ». Je n'ose concevoir ce que vous penseriez des sauteries d'aujourd'hui !

Mais brisons là Madame. D'aucuns comme Monsieur Proust se moquerait en clamant que j'ai assez « fait ma Sévigné. » Ah ! Une dernière chose cependant. Voyez vous, malgré nos technologies modernes et sophistiquées nous n'avons pas encore réussi à communiquer avec l'au-delà. Et cela me chagrine quelque peu. Je n'ai pas peur de mourir, non, mais j'aimerais savoir ce qui se passe là haut et surtout comment l'on s'y distrait et s'amuse. Un petit billet de votre plume serait le bienvenu. Je vous laisse le soin de choisir votre messager.

Adieu donc, Marquise.
 

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Commentaires
Y
Merci amis de plume ! Pour un peu on écrirait rien que pour lire vos commentaires ! 😊
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Madame,<br /> <br /> <br /> <br /> Je réclame derechef ici, sur ce site, oui sur Samedi défi, je dis bien, une réponse à votre Altesse, susdite, enfin, sans me moquer nullement, jamais, car c’est vous l’auriez deviné un exercice de style nécessaire dont le passé s'est tellement transformé dans l'esprit singulier des auteurs actuels, ici, les samediens, (ou bien les démarcations de changement qui existaient par exemple dans celui de Madame de Sévigné, écrivaine noctambule notoire, ont été toujours si absentes des leurs que ce qui est événement pour eux passerait complètement inaperçu pour celle-ci si elle pouvait revenir de l'au-delà) que ces derniers peuvent supposer que ma Noble Personne eût reconnu un embryon de changement ramassé chez eux, qu’ils voient comme efficace, et une problématique de délayage ailleurs, me faisant ainsi un passé de Grand Homme de Lettre mais ennuyeux qu'ils reculent même trop loin, sachant que cette notion du temps écoulé à lire une phrase qu’en temps qu'auteur pas si ancien que cela j'avais réussi à acquérir, nos contemporains vivants l'ont aussi, et même avec une illusion inverse de celle qui était la mienne de me croire moins prolixe que je ne ne l’écrivais, eux au contraire ils l'exagèrent, ils me font remonter trop haut, notamment sans tenir compte de cette infinie ligne de démarcation entre le moment où les mots et les idées sont pour moi une combinaison battante devant gagner, atteindre le but ultime sur le lecteur du Samedi, puis l'objet de ma perspective de solution, et le moment où ils ne sont pour moi qu'une décision stratégique quelconque, sachant que je n'étais allé lire des phrases fugaces chez d’autres auteurs pour mon intervention efficiente que dans ma seconde période, à partir du jour, où, ne me couchant plus de bonne heure, j'ai rencontré Madeleine, et ai fréquenté tous les endroits branchés, interdits, ceux des nuits parisiennes, l’esprit enivré d’absinthe, où du coup les mots étaient pour moi que des personnes nouvelles en terme d’analyse de l’efficacité brute du verbe, pour qui à leurs propres yeux ces différences échappent et ils ne trouvent pas plus singulier que je ne sois allé travailler alors sur ses expressions, le nœud de cravate défait, l’œil hagard, le cheveux dépeigné, mon phrasé se déliant, se délitant, allongés comme un jour sans fin, mes points disparaissant, perdus au fin fond des nuits, en suspension, avec cette optique nouvelle quelque temps plus tôt, ne sachant pas qu'ils sont d’autres façons d’écrire, ayant d’autres qualités et l’innovation de leurs styles n'offrant pas rationnellement pour eux-mêmes, ni pour moi, de discontinuité où je ne me moque pas de vous, donc, et CQFD …
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P
J'imagine que Madame La Marquise lût ta missive avec attention et en fût tout esbaudie ! :-)
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J
Tu l'as très bien imitée !<br /> <br /> <br /> <br /> Tu crois vraiment qu'elle va sortir à cinq heures pour te répondre ? Si c'était possible, ce genre de choses, Marcel Proust serait venu depuis longtemps botter les fesses de l"oncle W. et les miennes en raison de notre irrespect envers sa personne ! ;-)
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W
Quel style ! On vous écrirait rien que pour espérer votre réponse !
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V
C'est vrai ça... un petit texto ça n'engage à rien :)
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K
Marquise, quel plaisir immense vous auriez à utiliser les nouvelles technologies qui permettent d'être en contact immédiat avec les autres... Vos lettres magnifiques restent pour nous un ravissement, un plaisir, une délectation, une source d'inspiration...Quant à communiquer avec l'au-delà, cela peut attendre et puisons ici et maintenant la source de la vie et réjouissons-nous de pouvoir d'un "clic" entendre n'importe quelle chanson ou musique,)
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J
Mme de Sévigné m'a accompagnée lors d'un voyage en France, et c'est vrai que j'ai eu de mal à m'échapper d'elle, tout comme sa fille.<br /> <br /> <br /> <br /> Tu fais bien de lui répondre avec des vérités : une, deux, trois et quatre !
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