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Le défi du samedi
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24 février 2018

Participation de Marco Québec

 

Texte inspiré par le tableau réalisé par Edward Hopper, intitulé Automat

 

image[2]

 

Le café

 

Je suis dans un café. Je pourrais quasiment dire mon café, tellement cet endroit est le mien. Il est pour moi un refuge, un cocon depuis je ne sais combien d’années maintenant. Je m’y sens bien. L’ambiance est feutrée et ce n’est jamais bondé de monde. La musique joue en sourdine des chansons françaises, les seules que j’apprécie vraiment. Malgré les grandes vitrines de la pièce, il n’y fait pas froid en ce soir de novembre. Les calorifères à eau chaude diffusent une chaleur confortable qui me fait du bien, autant qu’il m’est possible d’être bien ce soir. J’ai mis mon manteau vert avec la fausse fourrure au col et aux manches. Je le garde sur moi, comme pour me protéger. Un cocon dans un cocon, en quelque sorte. J’ai gardé mon chapeau, il masquera mes yeux si l’émotion devient trop intense. Je m’assois toujours à la même table, la table ronde près de la porte. Sa position par rapport à l’entrée du restaurant me protège de l’air frais extérieur qui s’engouffre lors de l’arrivée d’un client. 

La propriétaire et le personnel me reconnaissent toujours et me permettent de m’asseoir à cette grande table, même si je suis seule. Je crois d’ailleurs que je ne suis jamais allée à cet endroit avec une autre personne. C’est ma place à moi. Sans rien demander, la serveuse m’apporte un double espresso allongé, mais pas noyé, avec sucre, crème et lait. Elle me demande si je souhaite l’accompagner d’un dessert. Non pas ce soir, je n’ai vraiment pas d’appétit, lui dis-je. 

Je repense aux grandes décisions que j’ai prises dans ce lieu : ma rupture avec Louis, une relation qui n’allait nulle part; mon retour aux études qui allait me permettre de quitter un emploi que je détestais… Et la décision que je dois prendre maintenant : ablation ou non d’un sein.  Le médecin a parlé d’un cancer virulent, à un stade très avancé. À son avis, il vaut mieux procéder à l’ablation pour diminuer les risques d’une récidive. 

C’est tellement facile à dire. Il doit avoir plus de 60 ans. Sa vie est à un stade avancé, alors que moi, je n’ai que 25 ans et toute la vie devant moi. Les larmes me montent aux yeux et coulent sur mes joues. Est-ce que je peux encore dire que j’ai toute la vie devant moi? Je suis désemparée. Comment une telle chose est-elle possible? Je laisse les larmes trouver le chemin jusqu’à mon cou. Un frisson me traverse. 

Peu à peu la tristesse fait place à l’épuisement. Je me sens plus calme. Je fais signe à la serveuse de m’apporter l’addition. Je quitte le café, mon café, mon cocon.

 

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Commentaires
M
Merci beaucoup chère Bongopinot!
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B
Contente de te retrouver ici cher Marco Québec et de lire ton magnifique texte d'après ce superbe tableau un billet plein de tendresse, de mélancolie, et de tristesse J'ai adoré<br /> <br /> Bravo et Merci
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M
Merci monsieur Walrus!
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W
Ça m'aurait étonné aussi que Hopper ait pu inspirer un texte optimiste. Par contre, c'est très bien écrit, bon retour Marco !
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C
texte qui colle au tableau comme une seconde peau<br /> <br /> en touches d'impressions<br /> <br /> posées<br /> <br /> <br /> <br /> avec une émouvante chute<br /> <br /> <br /> <br /> 😎
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P
C'est le bistrot du mélo; j'aime bien le déroulement de l'histoire dans cette ambiance feutrée.
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M
Merci bien
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K
Très beau tableau pour lequel tu imagines un scénario (hélas si courant), qui nous met OK... Bravo et merci Marco !
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M
J'apprécie tes commentaires Petitmoulin.
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P
Excellent et très fort ! Très belle idée. Superbe écriture, par petites touches, tout en pudeur.
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J
Ah dis donc ! Quel réalisme ! On entend même la musique diffusée dans le café : un blues poisseux savamment distillé !
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V
géniale l cette idée de passer par ce tableau j'en suis presque jalouse .
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E
Hopper est probablement le peintre plus inspirant pour écrire , ses personnages seuls et immobiles crient des histoires ; tu as choisi une lecture bien noire de la vie de la dame, c'est vrai qu'elle ne respire pas la joie de vivre, et c'est raconté superbement
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M
Se retrouver seule pour affronter une telle épreuve doit être terrible...
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V
Hopper inspire et catalyse bien des émotions... cette histoire est bien triste et surtout bien écrite
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M
Je n'ai malheureusement pas vu l'original. C'est un artiste que j'aime beaucoup. J'essaierai de voir quelques-unes de ses œuvres au Whitney Museum of American Art lors d'un prochain voyage à New York. Mais je boude un peu ton pays pour le moment... Mais je suis très content de te lire et je te dis merci pour ton commentaire.
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J
Marco ! Tu es de retour ! Je te croyais parti/e en Inde avec ton superbement trognon pm, Justin ! Et puis, non, je vois que tu as été au Des Moines Art Center où loge la petite sur le tableau de Hopper - comme partie de la collection permanente. Mais c'était méchant de ne pas téléphoner, on aurait pu prendre un pot ensemble au...bistro. En tout cas, heureuse de pouvoir te lire cette semaine !
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