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Le défi du samedi
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3 janvier 2015

Mais qui danse encore la Rumba ? (Walrus)

1

Je me souviens d'une chanson qui disait "Je me souviens des beaux dimanches..." que je verrais bien fredonnée aujourd'hui par notre chère Lorraine. Celle dont c'est le pseudo, pas celle qui habite la Lotharingie (comme disent mes compatriotes du nord), encore que...

2

Je me souviens d'avoir entendu ma mère raconter plusieurs fois s'être jetée au sol avec moi dans ses bras sous les rafales d'un Messerschmitt 109, mais je ne me souviens pas du moindre goût de cette terre que j'aurais eue dans la bouche, ni de l'évènement lui-même d'ailleurs.

3

Je me souviens de notre petite maison de la rue du Pont Bary où, au matin du jour de la Saint-Nicolas, le poêle ronflait répandant une agréable chaleur et entourait d'une aura rouge les jouets disposés sur le sol.

4

Je me souviens d'une petite fille habitant la maison voisine de celle du coiffeur Isidore (que mon père traitait de "tailleur de pierre", fait que je n'aurais peut-être pas dû lui répéter) et dont la tenue ressemblait étonnamment à celle de sa poupée : souliers noirs vernis, soquettes blanches bien tirées sur les chevilles, robe à la jupe gonflée par un jupon plissé, gros nœud dans les cheveux, une vraie petite Martine, mais je ne me souviens plus de son prénom.

5

Je me souviens d'avoir, en compagnie de mes parents et d'autres curieux, marché la nuit en suivant les voies du tram jusqu'à l'endroit où elles plongeaient dans les eaux noires et sinistres de la Sambre sortie de son lit.

6

Je me souviens du saisissement que m'avait causé un sale gamin en me faisant observer une vieille boîte à sardines remplie d'eau tandis qu'il y envoyait le souffle de sa carabine à air comprimé. Éclaboussé, je pleurais comme un veau, ce qui m'a valu d'être consolé par une "grande" qui semblait faire office de chef de bande de ce ramassis de va-nu-pieds. Quelques jours plus tard, j'ai fait semblant de pleurer dans ses jupes, mais je ne devais pas être très convaincant car elle m'a envoyé sur les roses.

7

Je me souviens de cet étrange malaise, une sorte de vertige, qui me prenait chaque fois que je pénétrais avec mon père dans la salle des redresseurs qui alimentaient en courant continu les "trams verts" de Charleroi.

8

Je me souviens du slogan d'un apéritif au quinquina qui disait "Mieux vaut Laterre dans le corps que le corps dans la terre". Mes parents m'en envoyaient chercher à l'épicerie où j'entrais en saluant les tenanciers d'un joyeux "Bonjour Monsieur Mestdagh ! Bonjour Madame Mestdagh !", alors que c'était le nom de la chaîne de leur magasin d'alimentation.

9

Je me souviens d'avoir échangé avec mon ami André ma Sten enrayée, rouillée et un brin pesante pour mes petites mains contre un casque de l'armée américaine trop grand pour ma petite tête.

10

Je me souviens de ces petits galets enduits d'une couche brunâtre et emballés dans du papier de soie que l'on achetait sur les ducasses et qui "pétaient" quand on les jetait sur le sol.

11

Je me souviens de ce voisin qui avait l'outrecuidance de porter le même prénom que moi (mais le nom d'une marque de mayonnaise, bien fait !)  et dont j'ai porté longtemps l'empreinte des dents sur la poitrine après qu'il m'ait mordu jusqu'au sang avant d'être victime d'une crise d'épilepsie.

12

Je me souviens d'avoir bu de grands bols de sang de bœuf et de grandes cuillers d'huile de foie de morue, mangé du foie de veau cru, subi des séances de rayons UV, des douches glacées au jet, j'en passe et de meilleures, mais je ne me souviens plus s'il était question de rachitisme ou d'anémie ou des deux ou d'autre chose encore.

13

Je me souviens du chausseur "À la chapelle" où l'on pouvait voir ses pieds dans ses godasses au moyen de rayons X, un pédoscope ils appelaient ça, j'avais pas encore de dosimètre à l'époque.

14

Je me souviens des "barakis" qui vivaient dans leur roulotte un peu plus loin que chez ma grand-mère. En été, leurs enfants venaient balader leur "snotneus" sur le seuil de la porte tandis que nous goûtions et finissaient toujours par recevoir des tartines.

15

Je me souviens de Leila, la fille d'un voisin de ma grand-mère avec qui je préparais des compotes sur un petit poêle dans un appentis de sa maison et qui m'assura un jour avoir le cœur à droite et m'en administra la preuve en attirant ma tête contre sa poitrine (très modeste à l'époque).

16

Je me souviens de la passerelle enjambant la ligne de chemin de fer où je courais m'immerger dans la vapeur à l'odeur douceâtre des locomotives entrant en gare d'Havré-Ville.

17

Je me souviens de ma voisine Maria qui me demandait de tendre l'avant-bras puis exécutait une "roue" enroulant sa taille autour de ma main. Par bonheur elle ne m'a jamais demandé d'inverser les rôles, j'ai jamais pu faire la roue, j'aurais eu l'air de ce que je suis...

18

Je me souviens de la fureur du colonel quand il avait découvert le halftrack de notre bureau de tir à l'ombre d'un pommier au sommet d'une colline de l'Eifel "On vous voit de Berlin(-Est)" qu'il gueulait. Mais c'était rien à côté de ce qu'il nous a passé quand ils nous ont retrouvés trois jours après la fin des manœuvres au fond de la grange d'une ferme en suivant la ligne téléphonique hors d'usage.

19

Je me souviens du visage extatique de MAP dégustant son premier advokaat à la petite cuiller.

20

Je me souviens de mon étonnement en découvrant sur "Chou romanesco, vache qui rit et intégrales curvilignes" un billet où une vidéo explique la démarche oulipienne au moment où cette même MAP nous demande de singer Georges Perec.

21

Je me souviens d'avoir arrêté ma lecture de "La vie, mode d'emploi" à la page 146 (sur 640) pour avoir commencé à trouver la chose plus chi pesante encore que le chef-d'œuvre de Marcel, et ce n'est pas d'avoir découvert le coup du cheval (voir 20) qui va me remettre en selle pour terminer le parcours.

22

Je me souviens d'avoir cherché sur quelle astuce était basée la rédaction du "Je me souviens" du même Perec, mais je n'ai rien trouvé de probant, sauf qu'il y a 480 de ces phrases numérotées. Alors, je pousse l'exercice jusqu'au bout ?

Comment ça, vous n'êtes plus là ?

 

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Commentaires
A
Il est super, ce billet, et il me fait toujours autant rigoler :-)
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B
;-)
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B
Ben si je suis encore là :-D<br /> <br /> <br /> <br /> Agréable détaillé et tout et tout ce qui donne l'excellence
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P
Très sympathiques remembrances aux parfums excitants des souvenirs. C'est une suite de cartes postales très détaillées avec les mots les meilleurs ; ce qui en fait une belle signature par son auteur.
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N
*seraiT
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N
Mais si, mais si, je suis toujours là, je suis resté jusqu'au bout, et comment ! <br /> <br /> Avec ces souvenirs, Walrus, tu pourrais écrire un roman, chacun d'eux pouvant être l'objet d'un chapitre entier ! Et je suis sûr que ce serai moins...rébarbatif que "La vie, mode d'emploi" ;)
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P
J'adore, Walrus ! Mets-le sur ton blog steplaît, il est génial ton texte... (Tiens, je n'ai jamais eu d'huile de foie de morue, mais putôt du Fletobiol, (huile de flétan?) que je trouvais très bon d'ailleurs... Et autres vitamines C.
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E
aucun doute, tu dois absolument nous développer tout cela dans un roman, la matière y est, riche et passionnante - merci de m'avoir rappelé "les baraquins" auxquels je n'ai pas pensé depuis... (ah oui, quand même !!!), et l'huile de foie de morue était pire qu'abominable parce qu'elle déployait ses tentacules gras et puants longtemps après avoir été entonnée de force
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J
Je me souviens qu'avant de regarder la vidéo du duc de Densmore et de m'endormir j'étais en train d'essayer de commenter ton billet. Bonne année 2015, cher oncle !
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A
oh si on est encore là, c'est bien plus rigolo que du Perec (pourtant j'aime Perec!), tu peux continuer aussi longtemps que tu veux!
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F
Mais si, on est là, et pas lassé du tout !! J'adore le souvenir 18 :)
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R
toujours là aussi, j'aurais pu en lire encore :) <br /> <br /> merci
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V
Je suis encore là, médusé par tant de souvenirs aux détails précis! J'en ai beaucoup moins - un cerveau rétréci peut-être - mais les odeurs des locos à vapeur, Oui! J'en ai peut-être abusé, alors :)
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M
Je viens de passer un très bon moment à te lire et je suis encore là !!! L'huile de foie de morue m'a rappelé des souvenirs amers (dommage qu'on ne puisse pas se soigner à l'advokaat tiens !!!) :-)<br /> <br /> Costaude la Méthode Oulipienne en effet !!! <br /> <br /> C'est quelques chose aussi ton voisin "mordeur" !!!<br /> <br /> Ton souvenir Numéro 8 m'a rappelé une farce que j'ai faite à mon ancien photographe : <br /> <br /> sur une des photos que je lui avais demandé de développer il y avait une statue qui disait : "Bonjour Monsieur Flash One" alors que c'était le nom de son magasin et pas le sien bien sûr !!! On en a bien ri ensemble !<br /> <br /> Allez cette fois ci je m'en vais pour de bon ! :-D
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K
au fait je danse la rumba encore un peu ! car on la joue peu dans les bals pop
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E
Deux souvenirs communs : la voie de chemin de fer et l'épicier du coin. Le mien, c'était : chez Baratier.
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J
J'ai l'impression d'avoir revu un film européen en noir et blanc. ;-)
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K
oui je suis là moiiiiiiiiiiiiii en tout cas tes je me souviens sont bien sympas et bien racontés , m'ont fait plonger avec toi dans un brin de ta vie ....<br /> <br /> j'aile beaucoup quand tu te lâches et que tu écris enfin !<br /> <br /> joli<br /> <br /> amitiés<br /> <br /> katyL
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