Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le défi du samedi
Visiteurs
Depuis la création 1 050 541
Derniers commentaires
Archives
12 janvier 2013

Après le mariage de Charlotte et Capucine à Audrix (24) (Joe Krapov)

Il était sur le point de s'endormir quand, soudain, il vit briller dans la nuit la petite lucarne de sa radio qu'il avait oublié de fermer. Il l’avait installée là, dans la chambre de l’hôtel, en attendant l’heure de la cérémonie et il ne se souvenait même plus, tant il était bourré au retour de la fête, de l’avoir rallumée. Pour écouter quoi, du reste ?

Deux types causaient dans le poste :

- Pourquoi est-ce qu’on a un problème avec le pluriel de pet-de-nonne alors que personne ne se pose de question sur celui de prout de mammouth ?
- Y’en a plus des mammouths !
- Et des nonnes, plus beaucoup non plus.
(Rires)

Il étendit le bras pour éteindre mais n’eut pas la force d’atteindre le bouton.

- Le curé mordille le bas de la religieuse. Ca ne pose de problème à personne !
- Ben quoi, il faut bien prendre des forces avant d’aller à la manif contre le mariage pour tous !
(Rires)

C’était quoi, ce talk show débile ? Il roula, étendit à nouveau le bras et éteignit. Pas la peine qu’on lui prenne la tête, il avait déjà une migraine carabinée. Trop bu, trop mangé. Un beau mariage bien arrosé. Trop !

- Aucun problème non plus si l’évêque se tape des cuisses de grenouilles !
- Du moment qu’elles ne sont pas de bénitier !
(Rires)

Allons bon ! La radio éteinte, ça continuait. Etait-ce dans sa tête ?

- Deux escargots de Bourgogne qui vont à l’enterrement d’une feuille morte au pays du kouign-amann, ils ne sont pas rendus, crois-moi !
- Eh, je le connais ce poème-là, c’est de Prévert ! Je ne suis pas Douarnenez de la dernière pluie, tout de même !
(Rires)

Ou alors, il rêvait déjà et dans son rêve il assistait à l’enregistrement de l’émission de radio.

- Faire le coup de la panne aux frangines, autrefois, c’était royal.
- Aujourd’hui ce sont elles qui tirent les rois et vous barbouillent de frangipane !
(Rires)

Etait-ce parce qu’il avait repris deux fois des quenelles de sabre à la sauce aux lardons que ces deux idiots n’arrêtaient pas de parler de bouffe ?

- Quand on est fondu de bœuf bourguignon il faut veiller à ne pas se laisser embrocher !
- En effet, l’huile est déjà chaude et les anthropophages sont affamés !
(Rires)
- Tu connais le bruit que font les cloches de l’abbaye de Westminster ?
- Non ? Dis voir ?
- Plum pudding puddong ! Plum pudding puddong !
(Rires)

Il avait maintenant les yeux grands ouverts. Ce n’était pas un rêve. C’était dans la chambre d’à côté.

- Quand Charlotte ramène sa fraise certains trouvent qu’elle est chou, d’autres trouvent qu’elle est tarte. Mais tous la dévorent des yeux car elle est mignonne à croquer.
- Même avec sa fraise qui la fait ressembler, à n’importe quelle heure du jour, à Marie de midi six.
(Rires)

Mais combien ils sont dans la chambre voisine ? Les deux qui causent déjà et combien qui rient ? Tout tangue autour de lui, la pièce tourne, il est à deux doigts de perdre connaissance.

- A la maison, on ne faisait jamais de pissaladière. Rien que le nom du plat nous coupait l’appétit ! Du coup on mangeait des tartes à l’oignon.
- C’est pas plus appétissant si tu vas par là !
(Rires gras)
- Dans la Forêt noire, le voyageur qui est égaré depuis huit jours, s’il est vraiment en manque, il n’a rien contre le boudin blanc.
(Rires encore plus gras)

Il n’en peut plus il se lève.

- Mille feuilles dans la Pléiade, si elles sont signées Proust ou Houellebecq, je les ramène à la pâtisserie et je me fais rembourser sous prétexte que c’est avarié.

Il allume dans la salle de bains, se penche sur la cuvette et vomit. Quand c’est calmé, il reconnaît le canard à l’orange et sa mousse de carottes, la tarte aux noix de pécan et cerises amarena et le trop plein de champagne absorbé. Il tire la chasse d’eau, boit encore un grand verre de flotte au robinet et va se recoucher.

On n’entend plus rien dans la chambre d’à côté. Il s’endort comme une merde.

DDS 228 120429__009


Le lendemain, il se réveille tôt, aussi dégagé que le ciel. Il prend une douche, s’habille et descend prendre le petit déjeuner.

Outre le serveur il y a déjà deux types assis à une table. Il remplit son plateau de croissants, de pain, beurre et confiture, d’un grand bol de café chaud et va s’asseoir à une des tables.

Il arrache une corne à son croissant, la trempe dans le café, la porte à sa bouche et à ce moment-là il entend le premier type dire à l’autre :

- Dans la voiture-bar du Paris-Bordeaux, ils ne vendent pas de Saint-Emilion, Loreille !
- C’est comme dans le Paris-Brest. On n’en trouve pas non plus, Lardu.
- Du Saint-Emilion ?
- Non, des Paris-Brest !

Il reconnaît les voix. Ce sont ses voisins de chambre. De chambrée, presque.

- Ce que j’aime par-dessus tout c’est enfiler mes pieds dans des charentaises et grignoter des chaussons aux pommes !
- Dans le Poitou, ils préfèrent faire l’inverse !

Puis les deux types se lèvent et sortent. Loreille et Lardu !

DDS 228 080510_458

Un peu plus tard dans la matinée, il règle sa note à la réception.
- Les deux types, dans la chambre à côté de la mienne, ils font de la radio ?
- Oui, monsieur. Ce sont Loreille et Lardu, les animateurs de l’émission culinaire de notre radio libre locale « Radio Marmiton Périgord ».
- Une radio libre ? En 2016 ? Ca existe encore ?
- Plus que jamais. Ils viennent ici pour enregistrer en direct live. En morte saison, on rentabilise les chambres de l’hôtel comme on peut. Vous n’allez pas vous plaindre du manque d’épaisseur des murs ? Les rires enregistrés ne vous ont pas empêché de dormir ?
- Non, pas du tout.
- Si vous l’aviez fait, je vous aurais répondu qu’au prix où vous avez payé la chambre il ne fallait quand même pas vous attendre au Carlton de Lille !
- Jacques Sternberg n’aurait pas coupé plus court.
- Jacques qui ?
- Laissez tomber, je ne me suis plaint de rien, Charlotte et Capucine sont mariées, la vie est belle et c’est tant mieux. Vous ferez mes amitiés à Loreille et Lardu !

Il sort au grand soleil, met la valise dans le coffre de la voiture, admire le ciel bleu, écoute les oiseaux et se prend à penser :
« Quand elle n’est pas signée de Stravinsky, la musique du Périgord est vraiment agréable ! ».

Publicité
Commentaires
A
Il n'y a que toi pour décrire le vomi de façon si appétissante.Tout est d'ailleurs fort goûteux et me paraît digeste malgré l'exubérance. Un miracle!
Répondre
D
Heureusement qu'il a croisé les types le lendemain, parce que c'est un coup à se jurer de ne plus boire, ça !
Répondre
T
ha ha ha! au début ton texte m'a fait repenser au livre "le rire du cyclope" de Werber.
Répondre
J
Merci à vous de vos gentils commentaires et de vos rires et bonne semaine à tout le monde ! A bientôt pour des slurp, des zbong et des pif paf pang et ah ah ah !
Répondre
E
Filiation : Boris Vian, Pierre Dac...Brillantissime !! :)
Répondre
V
Maintenant je suis certaines de ta filiation à Francis blanche longévité en ce nouvel an jo !!!!
Répondre
M
Grâce à "Radio Marmiton Périgord » on se régale de jeux de mots en tout genre !!! Sacrés Loreille et Lardu, ça faisait un petit bail qu'ils ne s'étaient pas manifestés ces deux-là qui ne sont pas "Douarnenez de la dernière pluie" :-D J'adore <br /> <br /> le bruit que font les cloches de l’abbaye de Westminster <br /> <br /> -- Plum pudding puddong ! Plum pudding puddong ! Hi,hi,hi !!!!!!
Répondre
K
un morceau de musique du Périgord aurait été bien à la fin du texte , juste pour vois si c'est mieux que Stravinski !! eh !! il faut prendre des hôtels 5 étoiles les murs sont plus épais .....hihihi<br /> <br /> katyL
Répondre
W
Il n'y a pas glissé les Bogdanov parce que "le frère Igor", ça ne voulait rien dire...
Répondre
B
époustouflant, Joe, quelle belle collection! quelle idée magistrale!<br /> <br /> pour le père Igor, j'ai dû lire une deuxième fois, elle est très auditive, ta littérature, mais c'est normal, vu que c'est destiné à la radio :-)<br /> <br /> vraiment bravo!
Répondre
C
Vingts dieux! quel festival! j'en ai encore mal aux côtes...<br /> <br /> Et le père Igor à la fin! non vraiment la grande grande forme, Joe, je suis amidonnée!<br /> <br /> Tout y est. Les références à la (chaude) actualité, les jeux de mots à la Pierre Dac, les phrases irrévérencieuses voire subversives et le petit côté scabreux ou scato je sais pas trop avec la grande scène du Vomi.<br /> <br /> Nan, vraiment, Joe, je me répète, mais là, tu es parfait.
Répondre
Newsletter
Publicité
Le défi du samedi
Publicité