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Le défi du samedi
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28 avril 2012

Ce soir-là (Célestine)

Il monte les marches qui le séparent de la tribune. La rumeur, en bas, s’amplifie, le monde est comme enrubanné d’une douce folie. La joie enfle, libérant enfin l’égrégore si longtemps contenu, de toutes ces volontés individuelles qui l’ont porté, transporté, amené peu à peu à ce jour tant attendu. Le jour de sa victoire. Un immense soupir de soulagement s’exhale de sa poitrine.

Il sait pourtant que  ce ne sera pas une sinécure, la réalisation de ce rêve. Il sait qu’il lui faudra compter avec la circonspection de toute une frange  révoltée ou désabusée de ceux qui ont pourtant contribué à son triomphe. Il sait aussi que ses ennemis ne connaîtront aucune trêve. Il s’apprête à devenir seul, terriblement seul, bien que constamment entouré. Le paradoxe de la fonction.

Il apparaît aux yeux de la foule en liesse, et jette un coup d’œil furtif à la feuille de papier, qu’il tient dans ses mains. La stupeur lui porte comme un coup de poing au cœur. Quel est ce sortilège ? Un effet du surmenage des dernières semaines ?  la feuille est vierge ! Plus aucune trace du discours qu’il a soigneusement préparé, dans la secrète espérance de ne pas être obligé de le jeter au feu le moment venu…

Et voilà que ses phrases toutes prêtes, soigneusement orchestrées par son conseiller en communication, elles aussi, s’effacent une à une de sa mémoire. Voilà que devant le peuple qui l’a choisi, il se retrouve nu comme un enfant au premier matin du monde. Un instant, le vertige le saisit.

Puis il surmonte le tremblement qui parcourt ses membres, et, laissant tomber, comme feuille au vent, ce papier où son texte prêt-à-lire a été tracé à l’encre sympathique par une facétie du destin, il entrouvre les bras dans un geste magnanime et protecteur. Contre toute attente, il se sent envahi d’un étrange calme. Le peuple l’écoute.

Privé de ses notes, il doit absolument dire quelque chose. Alors, une petite voix se fait entendre tout au fond de lui, avec des mots vrais, loin des compromissions, des manigances politiciennes. Il va la chercher, cette petite voix. Il se met à parler. Il  parle de sa joie, de son émotion, de son espoir, il parle d’humanité, de progrès social, d’entraide, de solidarité de créativité, d’échange mutuel.

Il se sent énergie, dynamisme, optimisme. Il va les soulever, ces montagnes.  

Il parle de culture, de différences, de chaleur, d’enthousiasme, de couleurs,  de partage. Sa voix vibre. Comme jamais. 

Il parle de Liberté, d’Egalité, de Fraternité. Pour la première fois, il mesure l’émouvante dimension de ces mots, gravés en lui à jamais par l’écrasante grandeur de sa fonction, et un désir de ne pas décevoir tous ces gens venus l’acclamer. Il se jure de n’être pas comme les autres avant lui, de ne pas céder à la facilité, aux menaces des puissants. Et après la fantastique ovation que déclenchent ses paroles, comme une tempête balayant les incertitudes, il entend les mots tant attendus, tant redoutés aussi.

« Bonne chance, Monsieur le Président ».

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Commentaires
A
Ton talent chère Célestine arriverait presque à me faire croire qu'une telle authenticité chez un politicien est possible. Mais celui pour qui elle le serait, ne passerait pas je pense par un conseiller en communication, et n'accèderait pas hélas au rang de président. Je pense pour ne citer personne à ce chevalier aux cheveux longs et hautes bottes, Francis de son prénom, dont j'apprécierais bien qu'il s'avance et tue le dragon (ailleurs que dans un écrit de Joe)! ;))<br /> <br /> Ou plus proche d'accéder à la présidence (c'est tout relatif), avec l'avantage pour moi d'être femme: Nathalie Arthaud. Elle parle de façon spontanée, simple et claire. Pourquoi les électeurs préfèrent-ils toujours ceux qui noient le poisson?
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V
c'est bien dans l'air du temps
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E
Oh le bel espoir, qui croit à ça !!<br /> <br /> Si l'on pouvait faire taire cette engeance : Les conseillers en communication !! Bravo Célestine !
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M
Ah ça c'est autre chose que la langue de bois !!!"Parler avec des mots vrais" !!!!ENFIN !!!
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V
Au delà des discours tarabiscotés, les mots du coeur semblent rassurer même si personne n'est dupe... ainsi va le monde et ton histoire écrite en vert est couleur d'espérance :)
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W
J'adore quand Célestine se prend à rêver...<br /> <br /> Je me demande si elle a déjà rencontré un politichien ?
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J
Ou Ségolène. Mais les Français sont dévots ! ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> Soyons justes et revenons à Célestine. C'est un très beau moment que tu restitues là, qui, du reste, peut être situé n'importe où. Il y a dans ce texte un côté "souffle de l'Histoire" qui le rattache bien au livre poussiéreux qui l'a inspiré. Or il y a tellement de comptes Twitter et de pages Facebook désormais qu'on se croirait revenus à Babel Tower au temps de sa construction ! Difficile d'être un bon "follower" ! Bravo et merci quand même d'avoir fixé cela aussi bien !
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J
Ça aurait dû être Aubry.
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