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Le défi du samedi
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22 mai 2010

L’Alpha et l’Omega (Papistache)

Amédée-Fulbert de Saint-Alix jouissait d’une notoriété internationale ; à près de soixante-dix ans, sa présence continue sur les plus grands chantiers archéologiques des cinquante dernières années lui conférait l'estime de toute la profession.

Le célèbre archéologue dirigeait les fouilles qui consacreraient, aux yeux du grand public, le zénith de sa carrière — des années de prospection, des milliers d’heures d’étude de bribes de codex, une opiniâtreté de tous les instants et la sépulture oubliée de l’empereur aztèque Cuitlámechuac, inhumé en compagnie de mille guerriers ensevelis debout sous des tonnes d’or et d’objets précieux, se révèlerait au monde — quand son adjoint, Elspeth Johnsdaughter, lui annonça qu’il devait impérativement se rendre au chevet de sa mère, la très âgée Eugénie-Lilette de Saint-Alix-Vermaintois-Guillin ; à quatre-vingt-seize ans, la vieille dame expirait. Amédée-Fulbert de Saint-Alix ordonna de stopper les fouilles.


— « Mon fils, je dois me soulager d'un terrible secret qui…
— Mère…
— Écoutez-moi ! Quand vous êtes né, Fulbert, vous pesiez plus de neuf livres. Plus de neuf livres... J’ai cru mourir. En fait, j'ignorais... à cette époque… comprenez… enfin, je portais des jumeaux. Par un phénomène singulier — mais pas exceptionnel, m’a dévoilé le docteur Hippolyte, notre médecin — vous vous étiez nourri de la substance de votre frère… il était momifié quand le docteur m’a délivrée. J'ai caché la chose à votre père, à la famille, à tous… Le généreux Hippolyte s’est tu… Aujourd'hui, je voulais que vous sachiez. »

Amédée-Fulbert de Saint-Alix faxa, à son adjoint, Elspeth Johnsdaughter, l’ordre de reprendre les travaux de déblaiement du temple sans l’attendre et quand, six semaines plus tard, l’entrée du tombeau inviolé fut dégagée et que la lourde porte de basalte, pivotant sur ses gonds d'obsidienne, dévoila des trésors inouïs, le septuagénaire, mains croisées dans le dos, parcourait les landes bruineuses de la propriété familiale en laissant monter à ses narines l’odeur poivrée des lupins jaune et parme : une grande paix intérieure l’emplissait ; ce serait encore une journée magnifique.

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Commentaires
T
Un (très) long week-end hors de ce monde m'a privé du plaisir de vous lire, je tente de rattraper ..Une ambiance qui me fait penser à Adèle Blanc-Sec.. peut-être cette improbable momie !Un texte magistral très visuel, c'est la bonne taille pour entr'ouvrir notre imaginaire !
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P
Chère Kate, l'auteur n'en sait guère plus que vous, tout juste pourrait-il recueillir les sentiments de son personnage si celui-ci lui ouvrait les portes de son domaine. Merci.
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K
Je reste sous le charme des "lupins jaunes et parme" et sur la dernière phrase où l'auteur nous rappelle (gentiment) qu'il en sait plus que son lecteur : "ce serait encore une journée magnifique"...
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P
La version longue, Joye :<br /> « Je (celui qui signe ici) pesais 4,5 kg à la naissance.»<br /> <br /> Voilà, Sebarjo, j'ai livré mes sources.<br /> <br /> Pas autant que moi, Venise.<br /> <br /> Continuez à imaginer MAP, imaginer c'est vivre.<br /> <br /> La marque du stylo, Joe Krapov ? Un jour on retrouvera vos premières écritures tapissant la matrice de votre mère.<br /> <br /> Merci Valérie, un autre que lui aurait cherché à sa place, chacun trace sa route et nos voies se croisent et s'entremêlent.<br /> <br /> Poupoune, cherchez encore, un jour, une révélation vous ouvrira les paupières (pas celles-ci, les autres. Les autres ? oui, les autres...<br /> <br /> Merci, Trainmusical, parfois on découvre qu'on était aveugle et qu'on ignorait qu'on l'était.<br /> <br /> Merci zigmund, je crois plutôt que le texte était de la taille idéale. Je l'ai réécrit plusieurs fois en resserrant à chaque fois davantage. S'il a donné à rêver c'est qu'il fut donc un peu réussi.<br /> papistache - email : papistache@laposte.net
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Z
votre texte m'a beaucoup plu (pardon de le commenter tardivement)<br /> texte mystérieux et étonnant limite ésotérique <br /> serais partant pour une version longue
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T
Chance de vivre? Ou culpabilité? Quel mystère se cache encore?<br /> Moi aussi je voudrais en savoir plus.<br /> Mais si bien écrit. Bravo:-)
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P
que n'ai-je pas eu cette chance? de ma naissance j'ai dû ne retenir que le sang... ;o)<br /> <br /> J'aime beaucoup, d'autant qu'il s'en est assez bien tiré : à la place des fouilles archéologiques, il aurait pu verser dans les fouilles psychanalytiques sur un divan...
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V
Dommage que la maman ne lui ai pas fat cette confidence cinquante ans plus tôt. Il aurait profité de la vie, peut-être. Du moins l'aurait-il occupée à autre chose. <br /> C'est un bon texte.
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J
- De l'archéologie intra-utérine ? C'est possible ? Tout relèverait d'une espèce de prédestination ? Tout se passerait avant la naissance ?<br /> - Enfin, Joe Krapov ! Rappelle-toi ! Toi-même es né avec un stylo dans la main !
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M
Si étrange et toujours si bien écrit ! Vraiment original ! C'est vrai qu'on aimerait en savoir plus ... On peut imaginer tellement de choses qui se passent dans la tête d'Amédée-Fulbert !<br /> A quel mot m'y fier ????
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V
le cannibalisme version papistache m'a troublée.!!
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S
Je rejoins Joye. Cette histoire mérite parfaitement un développement.<br /> Original et très bien écrit.
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J
Si l'histoire avait eu lieu avant l'invention du fax, le télégramme se serait lu : MAMAN ET MOMIE M'ONT MIS AU MONDE. STOP. FAUT QUE LA TOMBE TOMBE. STOP. DON'T STOP.<br /> <br /> L'idée est intéressante, je la lirais volontiers dans une version plus longue.
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