Waooh ! This is Jersey ! (Joe Krapov)
Jeudi 21 mai 2009. Départ ce matin à 10 h 30 en direction de Saint-Malo. Après avoir tournicoté près de l’embarcadère des ferries, on va garer la voiture à l’endroit habituel, dans l’avenue face à la gare. L’embarquement à bord est prévu à 16 h 30 pour un départ à 17 h 30. Si j’avais voulu jouer au con j’aurais emporté avec moi le « Guide du routard Catalogne » que Mme Chèvrefeuille m’a prêté. Nous avions prévu en effet de nous rendre à Barcelone avec la Maison de quartier mais ce voyage a été annulé. C’est Jersey qui s’y colle pour remplacer !
J’ai été aussi interdit de sac à dos rouge. Cela fait vingt-cinq ans qu’il voyage sur mon dos, le vieux coco, mais il a été délaissé au profit d’une valise à roulettes et longues poignées que l’on tire derrière soi comme les mamies font avec leur caddie sur le marché des Lices. Marina m’a acheté ça ! Elle me modernise à tour de bras ! Au secours ! Je vais recevoir un téléphone portable à Noël !
On laisse les valises dans le coffre et on va faire un tour à Saint-Malo intra muros. Je refais pour la énième fois des photos d’enseignes au fil de notre avancée dans des rues ensoleillées. Au moment de pique-niquer, Marina s’aperçoit qu’elle a laissé ses sandwiches dans le coffre de la voiture. Du coup on va déjeuner à la crêperie Gallo où nous avons nos habitudes. L’après-midi, après un tour sur les remparts, nous rendons visite à la tombe de Chateaubriand sur le grand Bé. C’est la première fois que je m’approche d’aussi près de cet empêcheur de respirer en rond.
Autrement dit, « Ferme ta gueule, passant, le poète romantique écoute ses ongles pousser » !
Nous redescendons jusqu’au sillon et nous nous adonnons sur la plage à une sieste de décompression. A trois heures et quart nous repartons tranquillement vers la voiture, débarquons les valoches et les traînons jusqu’à l’embarcadère. C’est quand même bien, Internet ! Madame Bourgeoizovna a commandé et payé ainsi notre voyage et du coup, en échange de sa feuille de papier, elle reçoit au guichet de Condor Ferries d’un genre d’hôtesse de la mer deux billets qui nous donnent le droit de monter dans un gros bateau et de partir aux îles !
Evidemment, pour moi qui ne voyage qu’en train, voiture et vaporetto d’habitude, tout cela est nouveau et je m’inquiète un peu du sort de ma belle valise qu’on m’a confisquée alors que je n’étais pas encore habitué au bruit d’enfer que font ses roulettes. On l’a jetée sur un tapis roulant. « Houla ! Aïe ! Ouille ! » crie-t-elle.
On attend une petite heure dans la salle d’attente puis on fait la queue à la porte 2. Il faut montrer son faciès (je l’ai) et sa carte d’identité (je l’ai aussi) au douanier qui n’est pas un imbécile puisqu’il connaît les sketches de Fernand Raynaud. Puis on passe dans une autre salle d’attente. Enfin on monte dans un bus qui nous libère à l’arrière du Ferry : on dirait un grand parking souterrain dans lequel s’engouffrent des tonnes de bagnoles (ça va flotter, ça ?) et une file indienne de piétons aussi peu ravis que moi qu’on leur ait pris leur valise ! Dans le garage, nous montons un escalier puis on s’installe dans une espèce de grand restaurant genre Flunch autour de tables de six personnes devant des télés allumées. Sur l’écran une fille montre comment déficeler le gilet de sauvetage qui est sous les sièges et faire joujou avec le toboggan d’évacuation en cas de collision avec le Titanic mais tout le monde a l’air de s’en foutre. Peut-être que le Titanic a déjà coulé ? On ne me dit jamais rien à moi !
En fait moi j’ai surtout peur de vomir après tout ce que j’ai mangé à la crêperie et tout ce que m’a raconté ma collègue Nelly qui vomit régulièrement sur ce trajet mais bon, je ne devrais pas l’écouter, c’est une fille qui a le mal de mer dès qu’elle monte dans une barque aux étangs d’Apigné. De fait, la traversée est hyper-tranquille, même si le commandant a dit que la mer était agitée, et on est moins balloté ici que dans un TGV. En plus on n’essaie pas de nous vendre des sandwiches SNCF ! Le seul désagrément c’est cette odeur de haricot de mouton à 6 heures de l’après-midi et le spectacle désolant des consommateurs indécrottables qui se ruent sur le magasin Duty-Free ! Les gens ne sont pas encore arrivés à Jersey qu’ils achètent déjà des souvenirs !
Au débarquement, douane à nouveau, contrôle de la carte d’identité et du faciès qui n’a pas changé et puis récupération des bagages sur un tapis roulant comme dans les aéroports. Trop drôle ! Mort de rire ! Sauf que tout le monde à la même Samsonite sans sonnette passe-partout et finalement c’est Marina qui reconnaît la mienne parmi la foule. L’achat d’un autocollant « My heart belongs to Daddy but this case belongs to Joe Krapov » va vite s’avérer indispensable !
Mon plan de Saint-Hélier, tiré sur l’imprimante à la dernière minute, s’avère plus pratique pour trouver l’hôtel que la carte à 11 euros que j’ai achetée à la librairie Ariane à Rennes. Le Norfolk Lodge Hotel se trouve sur le Rouge Bouillon, drôle de blaze pour une rue mais ici, ce sont les îles anglo-normandes : les noms de lieux sont en français mais on ne parle que l’anglais. Il est 19 h 15 en France mais du fait du décalage horaire, il est 18 h 15 ici. Le voyage n’a duré qu’un quart d’heure, un peu long, certes, mais un quart d’heure quand même !
Il y a une belle lumière de couchant. Je repère déjà quelques façades colorées et nous sommes réjouis du fait que les voitures, ici, roulent à gauche. C’est la première fois que je vois ça en vrai ! C’est dangereux aussi quand on veut traverser mais au bout des quatre jours on aura fini par s’y faire. Maintenant qu’on a le réflexe, c’est pour traverser en France que ça devient dangereux !
A l’hôtel, la petite réceptionniste qui porte un prénom italien ou roumain nous donne la clé n° 54 ! On comprend tout ce qu’elle nous dit mais comme la porte de l’escalier pour le premier étage est sans poignée, je demande à une autre personne de nous aider et… elle comprend ce que je lui demande ! Waooh ! Ca sert finalement pour quelqu’un qui a juste fait allemand-latin-russe au collège d’écouter les Beatles et de lire les licences des cochonneries électroniques que mon patron achète pour Madame Versité !
La chambre 54 est impeccable avec un lit qu’on dirait à trois places, les douches sont bienvenues. Après un petit peu de rangement, nous ressortons en repérage et surtout, en guise de repas de ce premier soir, nous pique-niquons devant la mer et le « Frégate café » sur un banc de l’Esplanade au bout de Kensington place. On avait faim ! Un vent frais se lève. On va faire un tour vers le centre, avec une jolie lumière sur Seaton place, Sand Street, King street et puis on tourne à gauche dans Halkett place et on revient par Burrard Street, Union Street, Parade street et Saville street. Déjà plein de photos de maisons colorées et d’autres repérées : une maison violette, une porte arc-en-ciel devant laquelle, au moment ou j’allais déclencher, une bagnole s’est garée !
Je crois que Jersey va nous plaire !
P.S. Pour celles et ceux
que cette destination intéresse, j’ai volé à Marina quatre pages de son carnet
de voyage : c’est son récit de la journée du lendemain. Le style est plus
sobre mais l’iconographie est plus classe !