Briefing en couleur (Tilu)
A la réunion de pochette transparente de vingt-trois heures zéro une, quand il a fallu choisir un volontaire pour le lendemain, ils avaient tous une bonne excuse….
Le grand rouge carmin était bien trop timide, il ne savait pas aligner trois mots sans se mettre à gribouiller.
Le plus foncé était noir, du matin au soir. Avoir la gueule de bois à longueur de temps, pour un crayon de couleur, c’est un comble, non ?
Le rose bonbon et le bleu ciel, fou amoureux l’un de l’autre n’étaient capables pour le moment que de ne dessiner des petits cœurs pastel et entrelacés, une vraie histoire à l’eau de rose...
Le violet était glacé et avait le bout du nez gelé, impossible d’écrire clair et net en ayant la tremblote. Il s’était fait porté pâle.
Le jaune citron avait une pointe bien trop acide pour écrire de jolies choses.
Le marron n’était pas très net, pas du genre véreux, mais presque.
Le rouge vermillon, délégué syndical et rebelle de toujours disait qu’il n’avait pas signé pour ça, lui, qu’il avait était embauché uniquement pour les corrections de cahiers et qu’en aucun cas ils ne voulaient faire des heures supplémentaires qui ne seraient surement pas payées et qu’il ne voulait pas se faire avoir comme un bleu, et que…
Le vert était pétrifié par le trac, la peur au ventre le paralysait. Il était prêt à rentrer dans un trou noir de taille crayon !
Le bleu marine boudait dans un coin, il en avait assez de se faire traiter de novice et faisait une mine de six pieds de long.
L’orange s’était fait tailler de travers, et avait vraiment mauvaise mine.
Je me suis donc porté volontaire, moi, le petit gris, toujours prêt, bien taillé, souple à la main, facile à gommer. J’ai pointé ma mine graphitée hors de la pochette translucide et c’est, bien sûr, moi qu’elle a attrapé en premier.
Et puis tant mieux que tous les autres bariolés se soient défilés parce que moi, j’aime bien être entre ses doigts. J’adore me retrouver à courir sur les pages blanches de son cahier à spirales pour les remplir de mots …
Même si j’ai trouvé que six heures du matin était un peu tôt pour commencer à travailler mais l’aurore rose orangée et ses écharpes violettes que l’on apercevait par la fenêtre avaient dû l’inspirer à cette heure matutinale…