À la dérive
Ça m'apprendra à lire Umberto Eco : maintenant, je suis paumé ! Jugez plutôt :
À l'origine, comme pour Guillaume de Baskerville (nom d'un chien !), le héros de son roman "Le Nom de la Rose", les bésicles étaient de grosses lunettes sans branches. Pour ainsi dire deux sortes de loupes assemblées par leurs manches de façon mobile pour pouvoir en régler l'écartement.
Aujourd'hui, bien sûr, on utilise le mot pour désigner de classiques lunettes, généralement sur un ton narquois.
Bien sûr également, l'étymologie de la chose est des plus vagues : le terme serait dérivé de "béricles" d'origine encore plus obscure, ce qui est bien le comble pour des lunettes, même si dans certaines régions de Wallonie, lunettes se dit "berriques".
Comme les bésicles sont sensées couvrir deux yeux, pourquoi ne pas les appeler bêtement "binocle"* ? Puisque pour un seul œil on dit bien "monocle".
Malheureusement, au lieu de monocle, on dit aussi "lorgnon", avantage très net de la chose : on comprend immédiatement son origine puisque son usage essentiel est de chercher la mouche assassine sur les seins pigeonnants de sa voisine dans sa loge à l'opéra. Remarquez qu'avec le temps il est devenu synonyme de binocle, entraînant par là même une confusion lamentable.
Nous préférerons donc "pince-nez" qui a l'avantage d'être descriptif, même si certains laissent entendre que ce mot, plutôt que l'assemblage total, désignerait le mécanisme à ressort maintenant le lorgnon sur le nez.
Pour les personnes trop sensibles du pif, il existe des binocles munis d'un manche, l'ensemble portant alors le nom de "face-à-main".
Voilà bien le français : une langue riche mais imprécise !
Je vous conseillerai donc d'utiliser le mot "lunettes" comme tout le monde, sauf si vous portez des lentilles de contact bien sûr.
Alors, pour les lentilles....
Comment ?
Vous en avez assez vu ?
Bon !
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*En dehors d'Émile Verhaeren, le plus célèbre binoclard du royaume de Belgique était un autre Émile.