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Le défi du samedi
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5 novembre 2016

Chez Belmonte (Pascal)


Alors, chez le Défi, après l’imitation, c’est la mutation ; j’ai bien fait d’attendre parce que c’est exactement ce qui s’est passé dans la maison à côté de chez moi.

Mon voisin, il est bizarre. Sur sa boîte aux lettres, son prénom, c’est marqué Robert ; avouez que cela ne laisse pas beaucoup de place à l’affabulation. Il est routier chez Belmonte, le plus grand déménageur de la région…

Comment vous dire ?... Cet été, au détour de ma tondeuse à gazon, entre les massifs, je l’ai surpris enfin, c’est lui qui m’a surpris, en train d’étendre son linge, habillé tout en fille !
Quelle n’a pas été ma surprise quand je l’ai aperçu avec un Panty froufrouteux, des chaussettes blanches montantes et des chaussons roses en longs poils de coton ! Avec son chemisier flottant et sa plume de paon au chapeau, il était presque aérien ! Dans ces vêtements si peu orthodoxes, il semblait bien dans sa peau ! Sur le fil, il n’y avait que des petites culottes de toutes les couleurs, un vrai grand pavois pour future fiesta d’escale !...

J’étais scotché dans l’herbe avec ma tondeuse ; je ne savais pas s’il fallait que je me cache derrière la haie, faire le blasé qui a tout vu, ou que je l’ignore comme si je ne l’avais pas remarqué. Il imite, je me suis pensé ; après tout, vous me direz, il est chez lui, il fait ce qu’il veut. Mais entre nous, si les routiers en privé s’affublent de cette façon, comment sont loquées les sirènes du bord de la route ?...

Ce doit être une marotte, un pari, un violon d’Ingres, une satisfaction refoulée que sa libido de quarantenaire propulse au soleil ; il y en a qui collectionnent les timbres, d’autres des maîtresses, lui, c’est se vêtir avec des affiquets de femme, qui le ravit.

Pas gêné une seconde, il m’a fait un petit coucou avec sa menotte en éventail ! Il tortillait même du postérieur pour que je ne perde rien de son extraversion ! Le temps que je réalise tout cela dans mon entendement de primaire, il avait disparu chez lui non sans avoir virevolté comme un papillon hâbleur sur la fleur de mes questionnements…

Alors, il se travestit ; il imite les filles par je ne sais quel désir de contrefaçon. Avec sa corpulence, ses bras de déménageur et son quarante-six fillette, ce n’est pas gagné. Il paraît que c’est dans la tête que cela se passe ; l’ambivalence, c’est comme les gauchers contrariés ; lui, c’est un garçon contrarié. Pas évident de vivre une vie dans un corps qu’on n’a pas désiré. La Nature s’est plantée pendant sa conception ; au coup de dé du hasard, ses chromosomes duellistes ne sont pas arrivés à s’entendre sur le sexe : visible ou caché, érigé ou profond, brûlant ou humide… Pire, ses parents l’ont habillé en fille parce qu’ils en voulaient une. Lui, pour ne pas les décevoir, il a joué le jeu, il y a pris goût, déguisements, poupées, dînette, et le voilà, le cul sur la chaise de la féminité exacerbée. Mâle ou femelle, telle est la question !...  
Et cet organe de reproduction tendu à l’envi d’une envie qu’il n’a pas ?! Il est pêne alors qu’il voulait être serrure ! Ce transgenre, cet humain un peu olé olé, sa paire de castagnettes, qu’en fait-il ?! Des concerts pour flûtes traversières et travestis toréadors ? Et que fait-on des deux oreilles ?...

Il reçoit beaucoup. Ce sont des soirées déguisements ; ses meilleurs copains de chez Belmonte sont habillés en matelots ou en chefs de gare ! A voile et à vapeur, à la queue leu leu, ils doivent jouer au petit train ou escalader des grandes vergues en cherchant des cratères d’alunissage, ces uranistes. Il a une copine, aussi, très polie, mais elle paraît vulgaire avec ses fines moustaches et ses bras musclés aux tatouages inquiétants…

Il a disparu quelque temps, mon cher voisin sodomite ; je me suis dit qu’avec toutes ses inventions vestimentaires, il était peut-être parti gagner le concours Lapine. Et puis, il est revenu métamorphosé, tout beau et tout charmant. Il ne se cache même plus sous ses froufrous affriolants ; c’est une vraie femme. Aussi, si vous le permettez, je dirai « elle » à partir de la fin de cette phrase…  

Naturellement curieux, je suis passé devant sa boîte aux lettres ; maintenant, il… elle s’appelle Rebecca… Cette extraordinaire mutation, c’était l’opération du Saint Esprit, celle qui a réparé l’étourderie de la Nature. Depuis ce miracle inespéré, ce transfuge de son sexe rattrape les années perdues à coups d’amants (si je puis dire) ; quand elle discute avec ses copines, elle joue les coquines extraverties avec des gloussements de grande symphonie. Toute fofolle, elle m’interpelle parce que son petit chien passe sous notre haie mitoyenne et je dois, dare-dare, le retrouver avant qu’elle ne s’inquiète. Il pue le Chanel, son mignon Yorkshire : pas étonnant qu’il se barre loin de tous ces parfums racoleurs.
Elle a pris des roberts, le beau Robert ; sa poitrine est plus consistante que la plupart des femmes du voisinage ; quand elle se fait bronzer sur un transat, rien de son anatomie ne m’échappe. Elle est devenue secrétaire chez Belmonte, le plus grand déménageur…

J’ai revu le bel éphèbe, celui avec les fines moustaches et les tatouages provocants pour soirées enchevêtrées ; ce doit être le régulier. Il paraît, mais c’est la rumeur du quartier qui le dit, il paraît qu’ils vont adopter. Un chien, pourquoi pas, le jardin est grand. Mais quand j’ai vu un landau sous une ombrelle, quand j’ai entendu pleurer un bébé et accourir Rebecca alarmée, j’ai compris que même les transsexuels pouvaient se reproduire…

 

NDLR :

Cette participation de Pascal constitue la six-mille-six-cent-soixante-sixième réponse aux défis du samedi !

Si 666 est la marque de la bête, 6666 doit être plus terrible encore, non ?

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Commentaires
B
Très drôle
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B
Encore un Super moment de lecture ton personnage est très touchant <br /> <br /> Merci et Bravo Pascal pour ton récit
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M
Une mutation joyeusement décrite et très au goût du jour !!!
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A
Il aurait pu s'appeler Arthur! ( Mme )<br /> <br /> Mais Robert, c'est bien!<br /> <br /> 6666? Comment est-ce possible? Cela ferait 128 ans!<br /> <br /> Bonne semaine!
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M
Très bien écrit comme toujours. Drôle et contemporain!
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P
Merci pour vos commentaires toujours pleins de verve, vos bons mots toujours pleins d'à propos.
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W
Elle n'avait qu'un Robert cette amazone ?
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J
Veni, vidi, verti.
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J
Est- ce dans le Robert que tu as appris toutes ces explications mutantes ?????<br /> <br /> <br /> <br /> 666 quelle prouesse, est-ce un concurrent de 69 ??? <br /> <br /> <br /> <br /> Jak la mémé (morte de rire )
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T
Bravo Pascal ! Diablement remarquable comme toujours ;-)
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J
6666 ? Cette participation est d'enfer dans son genre !
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V
On attend impatiemment ta participation 6667 :)
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