Miracle (par joye)
J’avoue que j'attendais un miracle.
Mais Papa, rageant comme toujours, arracha la décoration de mes mains et la jeta dans la cheminée, mais maman refusa d’aller chercher les allumettes.
Alors, comme d’habitude, Papa lui fila un de ces gifles. Maman ne dit rien, mais je vis le sang couler de son nez.
Et voilà exactement pourquoi j’avais choisi le papier bleu pour la décoration. J’en avais marre du rouge, la couleur du sang sur le visage de maman, la couleur du vin que buvait papa. Pas de rouge pour moi, ni de vert, la couleur de l’espoir ? Bah ! Moi, je voulais ce bleu. Mon cœur tressaillit quand je le vis, mais je n’osai pas demander. Restant fidèle aux manières que les mains dures de mon père m’avaient apprises, j’attendis donc, silencieuse, pendant que les autres fassent leur choix et, je ne sais pas par quelle chance, mais le bleu me restait encore, rejeté par mes camarades.
Je passai une heure de bonheur pur à confectionner ma décoration.
La maîtresse m’avait dit que c’était spectaculaire, ce que j’avais fait, que cela plairait certainement à ma maman. Je repris courage sous les mots chaleureux de madame – les étoiles maladroites que j’avais collées sur le bleu souriait autant que moi quand c’était l’heure de rentrer. Pour une fois, j’avais hâte d’arriver chez moi. J’avais confiance que ma décoration allait tout changer. Jusqu’à entrer chez moi…
Alors non.
Plus tard ce soir-là, quand Papa s’assombrit enfin sous son alcool, j’allai récupérer ma décoration et la cacher derrière le placard, loin des yeux fielleux de mon père, ces yeux qui ne pardonnaient jamais rien.
Je me déplaçai sur la pointe des pieds, sans faire du bruit, comme je savais si bien faire. Les talents des enfants des ivrognes sont innombrables, ils viennent de l’instinct de survie.
Dépitée, je m’assis sur le tabouret devant la cheminée. J’entendis la toux étranglée de mère. Et puis rien.
J’attendis. Une minute. Deux. Peut-être même dix, je ne sais plus.
Alors, j’aimerais vous dire que je la retrouvai dormant paisiblement, ma décoration tenue soigneusement dans ses deux mains. Mais ce ne serait pas vrai. Et puis, j’aimerais vous dire que je gardai cette décoration, que je l’ai encore aujourd’hui. Mais ce ne serait pas vrai non plus. Enfin, j’aimerais vous dire que mon père apprit à dompter sa colère et son envie du vin…
Eh bien, je vous ai déjà dit que j’attendais un miracle.
Mais hélas.
Il ne vint pas.