Poussières de chimères (Sandrine)
"Tiens on cloche à la porte..."
Laissant mon aiguille de feutrage se reposer un peu, je suis partie m'enquérir du carillonneur...
Bien droite, sur les marches de l'entrée, elle n'eut pas besoin de se présenter, largement identifiable avec ses os saillants et sa faux, la Camarde se dressait là. Grande et muette... presque majestueuse, impressionnante en tous cas. Elle me tendait une minuscule boite, pas plus grande qu'une coquille de noix, plus petite qu'un petit pois.
C'était donc le glas qu'on sonnait ce matin à ma porte, je ne l'avais pas reconnu.
Elle n'eut rien à me dire... En voyant la poussière grise dans ce menu réceptacle, j'ai su. Je les aurais reconnues même mélangées aux cendres d'un vaste feu de la saint Jean. Oui, comme Cendrillon triant les lentilles pour aller au bal à l'heure, j'aurais trié les cendres grain par grain, les reconnaissant entre mille, et je serais arrivée à temps pour la mise en bière même sans carrosse.
Eux si gros, si grands qu'ils me gonflaient jadis le cœur à m'en faire éclater la poitrine, ils en étaient réduits à n'occuper que cet espace, à peine plus gros qu'une tête d'épingle ! A peine croyable et pourtant...
J'ai pris l'objet des mains de la faucheuse. J'ai dit merci avec un petit accent anglican qui me paraissait de circonstances et j'ai enterré sous les pâquerettes en fleurs (heureux présage de printemps) la cendre de mes rêves.
Un escargot heureux d'être arrivé à l'heure à son premier enterrement fut tout content de faire mentir Prévert... Il m'a offert dans son sillage, en discret hommage, un léger trait de bave argenté.
Et sur la terre, noire comme la nuit, s'étalait la voie lactée.