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Le défi du samedi
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26 mai 2012

MOISSON DE MER (SklabeZ)

 

Récolte du goémon

 

Le vent souffle sur cette lande bretonne, étendue désolée d’ajoncs et de bruyères. La nuit commence à tomber et l’on distingue à peine la cahute de pierre. C’est une construction sobre, trapue, couverte de chaume aux ouvertures rares et étroites. Isolée au milieu d’un dédale de haies de genêts et de talus, elle semble ancrée au sol, au sol de cet austère Léon en plein pays Pagan.
 
Dans une atmosphère légèrement enfumée, le maître des lieux, coudes sur la table, finit d’engloutir sa soupe au lard, sous le regard discret de sa femme. Debout dans la pénombre, elle attend et lui présentera ensuite une bouillie grossière d’orge et d’avoine.
 
Elle ne mangera qu’après son homme.
 
La journée fut éreintante pour elle aussi puisque, comme à l’accoutumée, elle participe pleinement aux travaux de la ferme. Aujourd’hui c’était la récolte du goémon. Toute la journée, nu-pieds sur les rochers glissants, armés de fourches et de râteaux ils ont ramassé le précieux varech qu’ils mettront à sécher sur la dune pour en faire de l’engrais.
 
Naufrage sur la côte bretonne Pierre-Émile Berthélémy, peintre normand (1818-1890)
Il est nerveux et se dépêche. Dehors, malgré la nuit tombée, le vent de noroît gémit et continue de forcir. Avec d’autres paganiz des hameaux environnants, ils se sont donné rendez-vous pour cette nuit, sur ce coin de côte hérissé de récifs.
 
S’essuyant la bouche d’un revers de manche, il se lève et se dirige vers l’étable attenante. Au passage il prendra aussi quelques fanaux.
 
Dans un rituel déjà bien éprouvé, ils accrocheront un flambeau à la corne des vaches pour tromper les vigies des bateaux de passage.
 
On les appelle Paganiz (païens), leur amour du pillage sans doute, mais ils ont un grand cœur. Ils laisseront la vie sauve aux naufragés, si tant est qu’ils les laissent piller leur embarcation.

Il se dit que cette terre bretonne du pays Pagan est l’épouse de l’océan. Un océan qui l’enlace tendrement, la caresse, lui souffle au visage son haleine tempérée et, à chaque marée, la pénètre intimement par les petits fleuves et les rias. Il la pénètre intimement et ne manque pas, lors de chaque tempête, de déposer sa dot sous forme de denrées, d’objets ou de trésors.
 
Luttant contre le vent en menant sa vache vers la grève, il rêve pour ses filles sauvages, d’une dot qui aurait l’apparence de dentelles, satins ou soieries de Chine
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Commentaires
S
Finir ? Eh, oh ! J'ai encore tout mon temps ! ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> Sans déc... ! Merci Walrus !
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W
C'est mieux que Loti ! Fais attention, tu vas finir à l'Académie...
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S
Comme c'est joliment dit, Lise ! <br /> <br /> Je te remercie du fond du cœur.
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L
J'aime les paysages "tourmentés" car les humains qui les habitent leurs ressemblent dans leur " appétit " de vie.<br /> <br /> Comme le funambule sur son fil, tu nous transportes, d'un bout à l'autre de la berge de nos émotions. Merci
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S
Merci Célestine.<br /> <br /> Les rias, les fameuses rias des mots croisés... et de Bretagne. Connues aussi sous le nom d'aber, comme l'Aber-Wrac'h, l'Aber-Ildut et l'Aber-Benoît, les trois plus connues de cette région du Nord-Finistère.<br /> <br /> Promis ! Maintenant j'arrête avec mes Gwen-Ha-Du ;-)
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S
Merci d'avoir apprécié, Amémone, moi je reste sur ma faim.<br /> <br /> <br /> <br /> ...je ne sais toujours pas si ces Paganiz ont réellement provoqué les naufrages, ou s'ils se sont contentés de ramasser ce qui venait au rivage. Mon grand-père paternel est né sur cette côte du pays Pagan et il m'a souvent raconté de telles histoires, des histoires de fanal promené sur la côte déchiquetée pour attirer les navires sur les récifs. Histoires que lui-même tenait de son grand-père. <br /> <br /> Certains y croient dur comme fer, d'autres disent qu'il faut tordre le cou à ce genre d'images d'Épinal qui n'ont aucune assise archivistique.
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S
Tu es trop gentille, Lorraine, merci beaucoup !<br /> <br /> Bien que je n'aie pas vérifié, je pense que ce genre d'histoire a dû être à l'origine de bon nombres d'écrits et de romans.
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S
@ katyL : La terre et l'océan ! Une relation pleine de complicité, tendresse et sensualité. Un couple inséparable, de surcroît. Je me doutais bien que tu allais aimer ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> Ah oui ! Pas mal les bisous iodés ! Je connaissais les bisous chocolatés, mais les bisous iodés, je prends aussi. ;-)
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S
C'est vraiment gentil de ta part, EVP, ça me touche.<br /> <br /> ... légende ou "réalité mal connue" ? Ce qui est sûr c'est que quand il y avait naufrage, la nouvelle courait comme une traînée de poudre et les pillages commençaient immédiatement. Il fût un temps lointain où c'était fait en toute légalité. Les choses ont changé avec Louis XIV et son ordonnance de 1681 qui réglementa les "sauvetages" et réprima les pillages ...
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S
Ravi de t'avoir comptée dans l'assistance, Venise et merci de t'être arrêtée pour me lire, j'espère que tu as apprécié.
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S
Merci du compliment, Joye !<br /> <br /> Et en plus tu m'offres un de tes chanteurs préférés ;-)
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S
@ Joe : C'est sûr qu'avec le Costa Concordia, ils se seraient régalés ! ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> Gwen Ha Du un jour, Gwen Ha Du toujours ! ;-)
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S
Merci de ton compliment, Vegas ! J'apprécie !<br /> <br /> <br /> <br /> En complément de ma réponse à MAP, on peut aussi dire que :<br /> <br /> <br /> <br /> ... à cette époque, au XVIIIe siècle, la Manche était la route maritime la plus fréquentée au monde et de nombreux bateaux espagnols, anglais, hollandais et français passaient tous les jours devant ce pays Pagan. Comme ces côtes étaient parsemées d'écueils, soumises à de violents courants et sujettes aux tempêtes hivernales, les naufrages étaient fréquents. Les cargaisons éventrées leur apportaient, vêtements, alcool, bois, denrées; un véritable don du ciel pour ces populations pauvres qui menaient une vie très rude.<br /> <br /> <br /> <br /> Les conditions de navigation étaient si dangereuses qu'il n'était même pas nécessaire de provoquer ces tragédies maritimes. Les tempêtes et les maladresses des équipages suffisaient amplement.<br /> <br /> Il y a donc controverse et l'on ne sait pas trop si le rôle qu'on attribue à ces Paganiz et à leurs vaches affublées de fanaux, tient de la légende ou pas...
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S
Grand merci MAP ! <br /> <br /> La description des scènes de la vie de tous les jours de ces paysans est, en grande partie, fidèle à la réalité d'alors. <br /> <br /> Comme dans la plupart des campagnes, ils étaient de condition très modeste, leur nourriture était chiche et le rôle de la femme était souvent en retrait...
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C
Les rias chères aux mots croisés...Je ne pensais pas les croiser un jour dans un texte. <br /> <br /> Très intense, j'adore la dernière phrase.
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A
Merci pour ce voyage dans le temps si évocateur et justement illustré SklabeZ.
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L
Un bien beau récit admirablement documenté, qui pourrait être le début d'un roman marin. On croit aux personnages très bien campés. J'ai beaucoup aimé te lire, vraiment.
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K
j'ai apprécié particulièrement le passage de :<br /> <br /> "est l'épouse de l'océan.. un océan qui l'enlace...et de trésors" magnifique!!sensuel<br /> <br /> comme le ressac des vagues, mouvement perpétuel...<br /> <br /> j'ai beaucoup aimé<br /> <br /> bisous iodés<br /> <br /> katyL
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E
Très beau texte, magnifique écriture pour une réalité mal connue...Bravo
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V
nous y sommes,dés les premières phrases nous sommes convoqués dans ce lieu si puissamment évoqué .bravo
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J
Très, très beau texte, SklabeZ !<br /> <br /> <br /> <br /> http://youtu.be/Qr57sOYoHpU
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J
- Naufrageons le Costa Concordia !<br /> <br /> - Euh, ça c'est fait, chef. Ils se sont sabordés en nous voyant !<br /> <br /> - Ah nom de Zeus ! Les satanés pirates d'Astérix !<br /> <br /> <br /> <br /> Bravo pour ton plantage de Gwen Ha Du ici, SklabeZ !<br /> <br /> ;-)
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V
Bravo pour cette évocation imagée d'une rude vie aux pratiques sauvages... comme ce pays
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M
... Et les illustrations choisies contribuent à enrichir le texte !
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M
Une magnifique remontée dans le temps !<br /> <br /> Des descriptions si justes et si précises que l'on croit assister aux différentes scènes !<br /> <br /> Un grand BRAVO SklabeZ !
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