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22 janvier 2011

Une rupture de taille X Ixelles (Joe Krapov)

Ma chère Isabelle

Il m’a tiré dessus, ce con ! Avec une vraie balle d’un vrai revolver ! Tu parles d’un impair ! Il n’est pas près de me revoir ! Heureusement il n’a touché que mon poignet gauche. Ca a beaucoup saigné mais le médecin a dit que ça restait superficiel. Il n’empêche, pour l’instant le bandage est très voyant.

Je t’écris du train qui me ramène de Bruxelles à Paris. Je joins à cette lettre une carte postale représentant l’étang d’Ixelles. De Paris, je gagnerai Marseille.

101227_011Quand je pense que tout cela est parti d’une minuscule et ridicule tradition d’hospitalité belge, j’en rigolerais presque. Je sais bien qu’il y avait de l’eau dans le gaz entre Paulo et moi et c’est d’ailleurs pour nous rabibocher un peu que je l’avais rejoint ici. Mais dans la chambre de l’hôtel Blanc, ça a recommencé. Sur la table près du lit, il y avait une petite pochette verte. Paulo s’est jeté dessus, l’a ouverte et il est entré aussitôt dans une de ces phases de méditation mystique dont j’ai foncièrement horreur. Bien sûr il a encore sorti son cahier et il a commencé à noter ses réflexions autour du truc.

Ce n’est pas pour débiner mais moi, quand je viens dans une ville étrangère, ça n’est pas pour jouer au poète inspiré par deux carrés de chocolat et qui du coup, n’entend plus sortir de sa chambre avant d’avoir pondu une romance entière là-dessus. J’avais fait le voyage en train, je crevais la dalle et j’avais envie d’aller faire un tour dans les petites rues qui entourent la grand’place. Je lui ai proposé de venir avec moi mais Môssieu Paul a préféré rester là à taquiner sa muse.

101227_012Dans l’auberge où j’ai déjeuné, je me suis levé un charmant minet. Nous avons vite sympathisé, nous sommes allés chez lui et je lui ai fait son affaire bien comme il faut. Ensuite il m’a fait visiter la ville, charmante au demeurant, et sur la fin de l’après-midi je suis allé retrouver Paulo à l’hôtel. Il avait écrit une espèce de valse hésitation autour du gingembre et de la lavande, des choses, qui, je l’espère, ma chère sœur, ne te froisseront pas. Cela me semble relever, d’ailleurs, si pas du jésuitisme, au moins du plus pur catholicisme et Dieu sait si Paul et toi avez en commun d’être très friands de cela !

« Que faire devant un tel dilemme
Laisser choisir celui qu’on aime ?
S’il choisit la lavande et la tranquillité
Saurez-vous faire croix sur la lubricité
Et remettre à plus tard l’appel de Volupté ?

Si, malgré la blancheur étrange de la chambre
Il choisit la luxure, opte pour le gingembre,
Serez-vous en état d’honorer promptement
Son vil désir d’accouplement ?

S’il mange l’un, vous laissant l’autre,
Comment se mettre au diapason ?
Les chocolats du bon apôtre
Mettent le diable en la maison !

La solution la plus cruelle,
Mais la plus juste en vérité
Serait de mettre à la poubelle
Ce cadeau qui génère tant de perplexité

Ou, solution la plus gourmande,
De les avaler tous les deux.
Tant pis si l’on nous réprimande
Quand nous passerons devant Dieu,
Ce n’est pas là un crime odieux
Que d’aimer le gingembre et aussi la lavande !"

101227_013


- Il y a trois trucs qui ne vont pas ! » ai-je dit à Paul
- Ah bon ? Et quoi donc, Tutur ?
- D’une ce ne sont pas des chocolats, ce sont des préservatifs. Et de deux la position des pieds ne correspond pas réellement à nos pratiques. Et de trois, tu n’as pas préféré l’impair !

C’est à ce moment-là qu’il m’a tiré dessus. Il est fou ! Un vrai pédé, ce type ! Il a failli me faire deux trous rouges au côté droit ! Je crois que ce coup-là m’a dégoûté à jamais de la littérature et des littérateurs ! J’en ai assez soupé de ces ambitions-là ! De Marseille je gagnerai l’Afrique, on peut y faire du commerce de manière bien plus lucrative. Je crois de toute façon que je n’étais pas vraiment doué pour la poésie et que, après toutes les souillures de ces dernières années, ça n’aurait pas plu à maman que je laisse notre nom dans l’histoire littéraire.

Quant aux sanglots longs et monotones de Paulo au violon, aussi vrai que je m’appelle Rimbaud, ça me fait une belle jambe, désormais !

Je t’embrasse, chère sœur !

DDS133

L'étang d'Ixelles en 1873 (Daguerréotype d'Isaure Chassériau)

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Commentaires
Z
étang en emporte le vent ! :-)
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P
Génial
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V
A quelque chose près ça aurait pu réussir ,mais je crois que je n'ai pas compris quoi !
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T
L'étang , il t'a inspiré tout cela ...quel chemin !
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V
Forcément à l'époque de Tutur Rimbaud les préservatifs n'étaient pas au goût chocolat :)
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M
ACH SO !! Paulo a commis l'impair sans utiliser l'impair(vers) ! Vers-laine eut été préférable !<br /> O.K. J'Issaure !!!
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W
Manquait plus que Charles pour compléter la scène (obscène). Sont fous ces Français !
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B
Sacré Arthur !<br /> Mieux vaut une sale blessure au poignet, la veuve ne dira rien que de jouer les dormeurs.
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J
Super belle synthèse, Joe !!<br /> <br /> Et brave eau pour l'inspiration !
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