Quand les ombres du style eurent quitté la table que le dernier rayon du brillant Apollon sur la pierre eut jeté son ultime jalon il fallut accepter, subir l'inévitable.
La table refroidie - métronome des jours - de l'équation du temps avait brouillé le jeu, du combat Jour et Nuit on consentit l'enjeu Hypnos avait sur nous posé son abat-jour.
Fixant de l'instrument, l'inutile gnomon comme le naufragé son futile timon on se prit à rêver de l'éternelle vie.
Mais en regardant mieux avec horreur on vit qu'un esprit pernicieux - frénésie meurtrière - y avait apposé au bas “Crains la dernière!”
Le cadran solaire désespère L’encadreur qui s’arrête un quart d’heure, le cadreur qu’on ne voit pas sur l’écran, Le cardeur qui a pété un cardan, Le coiffeur emprisonné dans son carcan Pour avoir profané avec ardeur A l’épiphanie, quelle horreur, L’épi fané de Fanny Ardant.
Le cadran solaire désespère De nous voir jouer les pervers Avec le temps deux fois par an : Samedi dernier encore nous l’avons arrêté, Tous ont perdu une heure De sommeil et de rêve, De repos du guerrier, De trêve De confiseur.
C’était au soir de ce concert Donné dans une boucherie Nous y avons bien ri Et mangé du dessert ; Mais plus tard dans la nuit Nous avons suivi le bœuf Des technocrates à crâne d’œuf Qui passent à la moulinette La Nature et nos amourettes Et à l’heure d’hiver ou d’été Le troupeau des moutons bêlants A qui on vole le printemps Et les ors de l’automne Sans faire de quartiers.
Seule à coincer la bulle Sans se soucier de l’heure Lina la somnambule Faisait notre bonheur Faisait notre bonne heure D’une chanson de Gainsbourg :
Le cadran solaire désespère : Pendant six mois il a tout faux Alors qu’il a toujours raison : "L’une sera notre dernière", Elle éclipsera le soleil Derrière un nuage de brume Et nos costumes Et nos coutumes Seront posthumes.
Le cadran solaire désespère Lorsque tout gris passent les jours De notre comique trip, De notre comic strip, De notre débandade, De notre destinée, De notre prébende décimée.
Le cadran solaire désespère : Avec le nez toujours en l’air Jamais il ne verra, A lui tourner autour, La petite trotteuse Aguicheuse Des montres, toquantes toquées Des orfèvres du Quai.
Jamais il n'entendra Le petit tralala D’une Suzy Delair, Le quart ou demi-tour D’une fille d’amour, D’une petite reine Qui ne lui ferait compter que les heures sereines, D'une brave Mar-gnoMonique embobineuse Qui rendrait sa vie lumineuse !