LE MIROIR DES SORCIERS (Venise)
Debout et vacillant le vieux Jules cherchait son reflet dans le miroir.
Son image, tantôt, se dérobait pour se voiler dans une chevelure cendrée.
D’une apparence cadavérique, le miroir lui tendit une coupe ciselée d’or
Les courbures du miroir le mettaient pour la première fois en contact avec les galaxies les plus lointaines.
Par mille flexions, tous les temps vécus et à vivre communiquaient entre eux.
Entre Bételgeuse et Orion, le vieux Jules frémissait d’une nouvelle jeunesse. La toute nouvelle douceur du visage la lumière particulière qui l’éclairait trompait sa mémoire.
Il croyait à nouveau posséder le jour et but à nouveau dans la coupe ciselée d’or.
Dans un silence d’aquarium, je vis soudain la bouche de Jules se tordre et le miroir qui se jouait de son reflet lui révéla brutalement la face oxydée par l’alcool.
De grands oiseaux maladroits se cognaient sur les bordures intérieures du miroir.
Le front contre le miroir Jules crut discerner une silhouette féminine qui s’enfonçait obliquement dans les ténèbres.
Le miroir se mit à rire avant de se réfugier dans un silence total. Jules avait trop voyagé, le miroir ne le reconnaissait plus !