Le vide-grenier d’Adrienne Perrault (Adrienne)
Quand ce papier froissé et griffonné est tombé dans ma boîte aux lettres, j’étais justement en train de vider les greniers en vue d’un déménagement tout proche. Le travail était déjà bien avancé et j’avais déjà fait profiter pas mal de gens de mes pieuses reliques.
Ainsi par exemple, les ronflements de l’ogre, je les avais offerts de bon cœur à celle qui était devenue la nouvelle femme de l’homme-de-ma-vie. Ils lui revenaient de droit, n’est-ce pas.
Alors que me restait-il ? Un vieux rat, mais il refuse obstinément de refaire le cocher, et d’ailleurs la dernière citrouille a été transformée en confiture juste avant l’hiver.
J’ai brûlé le balai de Blanche-Neige quand on a fait les travaux de rénovation et installé le système d’aspirateur centralisé et j’ai jeté hier les dernières cendres sur le tas de compost.
Ma mère a vendu la quenouille à un brocanteur. C’est de justesse que j’ai pu sauver de la vente le miroir-dis-moi-qui-est-la-plus-belle, c’est Francis, mon coiffeur, qui en profite.
Il y a bien longtemps que mon père a mangé les dernières tranches de pain d’épices envoyées par tonton Grimm et j’ai égaré la recette du cake d’amour. Ma robe couleur du temps ? Elle a pris un peu de patine et n’intéresse sûrement plus personne. D’ailleurs, la fermeture éclair est cassée.
Tous les crapauds du voisinage sont en train de frayer en ce moment et n’ont vraiment pas la tête à jouer au prince charmant. C’est pourtant l’époque où ils se laissent prendre avec le plus de facilité, j’en ai aidé une bonne vingtaine à traverser la route, dans la nuit de vendredi à samedi.
Il me reste bien la clé de la chambre de Barbe-Bleue, mais je ne voudrais créer d’ennuis à personne. Vous comprenez que de nos jours, avec l’ADN et la police scientifique, il vaut mieux ne pas laisser traîner ce genre de pièce à conviction.
Ah ben oui ! comment n’y ai-je pas songé plus tôt ! Je vous offre mes cailloux, vu que je compte m’acheter un GPS pour aller voir mon amie Marie l’été prochain !