Comme
je n’ai plus une très bonne vue (Eh ben quoi ? Vous verrez quand ça vous
arrivera, bande de petits malins !) , je demande à ma petite-fille de me
lire les consignes pour que je puisse participer aux « délits du
samedi ». J’aime bien c’est tout plein de jeunes gens, ça me rajeunit.
Cette
semaine ça va être très dur.
Quoi ?
De la feuille ? Dur de la feuille toi-même, espèce d’ingrat !
Non,
je disais que ça allait être difficile.
La
consigne est compliquée. Elle ne me plait guère :
Pour la
soif en thème, on vous propose de jouer à la dinette. (Bon, ça je
comprends !).
Vous
avez bien lu ! (Enfin, sauf moi, je les lis pas, les consignes, parce que
c’est ma petite fille qui…Quoi ? Comment ça je radote ? Et mon pied
au cul ?).
Samedi
prochain, sur la piste des participants, excités, les sexes consignés seront
publiés. (Quoi, toi ? Comment ça,
obsédé ? Non mais dis-donc ! J’fais que répéter la consigne
moi ! ).
Ce
sera à vous deux de diner (A nous deux ? Moi et qui ? Et ma
petite-fille ?) qu’il y a d’écrit, quoi. (Oh ben ça, c’est pas
français ! Et ça se dit amoureux des mots ! Ah laisse-moi rire,
tiens !).
Après
c’est encore pire. Voilà qu’ils me parlent de la police et de mon
caractère ! Comment ils ont su ?
Charlotte ?
C’est toi qui leur a dit pour l’autre jour ? Au sujet de la police et pour mon caractère ?
J’t’avais interdit !
Bon,
ça pour la fourchette, logique. Soif, dinette, dîner, fourchette, j’ai déjà le
champ lexical. On s’en sort pas si mal !
Ah,
non d’un chien ! J’suis foutu ! Charlotte (c’est ma petite-fille,
elle est mignonne, la gosse…) vient de me dire que le thème cette semaine
c’était la surdité. J’suis baisé, les gars, vous m’verrez pas cette
semaine ! J’suis myope comme une taupe, ça, ça me connaît, mais la
surdité, j’y connais rien ! J’vais pas pouvoir participer.
Vous
m’en voulez pas, hein ? Mes oreilles, c’est tout c’qui m’reste, alors
laissez-moi les encore quelques années, d’accord ? Parce que le jour ou je
comprendrai plus rien quand ma Charlotte me lira les consignes, eh ben vous
m’verrez pu ! Et ça m’en f’ra, du chagrin, vous savez. A part ma
Charlotte, j’ai pu que vous au monde, les copains…
Bon ça y est. Ça, c’est fait. Je
ne suis pas mécontente que ce soit terminé, on étouffait, là-dedans. Je vois
bien qu’ils me font la tête tous les deux, qu’est ce que j’ai fait,
encore ?
Ah, parfois il me fatigue, lui et son doublon ! Comme si
c’était ma faute…
.
Lui :
Bon. Voilà. C’est passé…Il paraît
que le plus dur vient après. On verra…
Roger nous fait la gueule. Je le vois bien, il ne s’est pas assis à coté
de nous. Remarque, je le comprends, elle a dépassé les bornes, cette
fois-ci ! Roger va encore me taper une crise, comme quoi j’aurais dû faire
comme lui et ne pas me faire chier avec une… pfff ! N’empêche, ce soir, en
rentrant, elle va m’entendre ! Ah ça oui, qu’elle va m’entendre ! Y’a
tout de même des limites, il a pas tort Roger sur ce coup-là !
.
Lui :
Quelle ingrate, putain ! Ça
me rend dingue ! Et Georges qui lui dit rien… A sa place je l’aurais
giflée devant tout le monde, la garce ! Elle ne mérite que ça, cette petite garce ! Pourquoi a-t-il besoin
d’elle, Georges? Je ne lui suffits pas ?
Petits, on avait promis…
.
Lui :
Eh ben, un peu glauque pour une
fin de soirée ! Les jumeaux Wilson , ces oiseaux de nuit, qui sortent de la crémation de leur
mère en guise de derniers clients ! Et en plus ils se parlent même
pas !
N’empêche, la belle fille, elle a
pas dû passer inaperçue avec sa robe rouge ! Elle a dû se retourner dans
son cercueil, la mère Wilson ! Ah, ah ah ! Elle a pas froid aux yeux,
la gamine ! Remarque, elle a bien raison, c’est qu’il doit en falloir, du
caractère, pour se farcir le jumeau collant de son mec à tout bout de
champ ! Enfin, c’que j’en dis…
Dense, chaude et humide. Mon nouvel amoureux a un faible
pour le bassin parisien. Je te troque contre un ticket de métro.
.
Quitte à choisir un cancer, je prends celui du bras droit.
Tant que je te porterai à ma bouche, il sera trop musclé pour tomber malade.
Salut, la clope ! T’étais un obstacle à mon cancer.
Chéri, je te quitte. Fallait pas me traiter d’infidèle. Tu
sais, tous ces amants, ce n’était que par loyauté envers toi. « Ma salope »,
que tu m’appelais, dans l’intimité. J’ai juste voulu rester conforme à l’image
que tu te faisais de moi. Tu vois, plus fidèle, y’a pas !
Je m’en souviens comme si c’était hier. Ils sont venus me
chercher en pleine nuit. Ils étaient deux, habillés en conducteurs de fiacre.
Ils m’ont laissé une demie heure pour m’habiller, m’ont ensuite pris chacun une
main et m’ont conduite jusqu’au véhicule, tracté par deux beaux chevaux. L’un des deux a pris place a coté de moi,
tandis que l’autre est monté à l’avant pour conduire l’attelage. Durant tout le
trajet, nous n’avons pas parlé. Je n’avais pas peur, je savais ou ils me
conduisaient.
Le fiacre s’est arrêté dans la cour pavée d’une habitation
cossue. J’ai su que je devais descendre seule et frapper à la porte. Je me
souviens avoir regretté d’avoir enfilé un jean à la va-vite avant de partir.
J’aurais dû prévoir…
J’ai à peine eu le temps de frapper qu’un valet est venu
m’ouvrir. Dés qu’il m’a vue, il a tourné les talons sans un mot, et j’ai su que
je devais le suivre.
Nous avons emprunté un grand escalier, puis un long couloir.
J’aurais aimé regarder autour de moi, mais la chandelle que tenait le valet
était la seule source de lumière. J’imaginais les tableaux aux murs, les tapis
qui couvraient le parquet, la délicatesse de la rampe de l’escalier, mais je ne
distinguais que l’arrière du crâne dégarni de ce valet que je devais suivre.
Il m’a indiqué une porte. J’ai frappé, il a disparu.
Personne ne m’a répondu, mais j’ai compris que je pouvais entrer. J’ai ouvert
la porte tout doucement, et je l’ai vue.
Elle était là, assise en face de moi, dans un fauteuil. Elle
m’a souri d’un air tendre et bienveillant. Je me suis approchée sans dire un
mot et ai pris place dans le fauteuil qu’elle m’indiquait de la main, juste en
face d’elle. J’aurais aimé scruter cette chambre pour en imprimer chaque détail,
mais la lumière était trop faible, une simple bougie posée sur une petite table
de chevet, juste assez pour sortir de l’ombre nos deux visages et le plateau
métallique sur lequel elle était posée, près d’une carafe en verre.
Elle m’a tendu un verre. D’apparence, on aurait dit du
cognac. Elle a allumé sa pipe et moi une cigarette. Elle n’a pas paru étonnée
de mon petit briquet Bic, ni même de mon jean ou encore de mes tennis.
Elle me regardait tout en fumant et buvant. Sans rien dire.
J’en faisais de même. Mes yeux s’arrêtaient sur chaque détail d’elle. J’ai
scruté son chignon noir, ses grand yeux doux, ses seins enserrés par le tissus,
ses mains blanches, sa robe longue. L’approche silencieuse a duré presque une
heure, je le jurerais.
Lorsqu’elle eut terminé son verre, elle s’est levée et s’est
approchée de moi. Elle a pris ma main, je me suis levée. Je me tenais debout
face à elle, prête à lui poser la première question de la liste que j’avais
préparée. Lorsqu’elle a vu que j’allais ouvrir la bouche pour lui parler, elle
a brutalement plaqué ses lèvres contre les miennes. Je n’ai pas cherché à fuir
l’étreinte.
Elle m’a conduite jusqu’à son lit. Nous y sommes restées
jusqu’au petit jour. Et puis j’ai su d’instinct que je devais partir. Tant pis
pour mes questions.
Emma n’avait que faire des voitures. Elle se moquait
ouvertement de ceux qui bichonnaient leurs engins de tôle. Pour elle, c’était
le comble de la beaufferie. Elle raillait également ces pauvres mecs qui se
sentaient forts et bien montés en volant de leur grosse et puissante voiture en
érection. Elle pensait volontiers que les grosses bagnoles bien tape à l’œil
étaient le pénis de substitution des impuissants et de tous les frustrés.
.
Emma avait bien sûr une voiture, mais une toute petite, qui
était simplement pratique. Pas jolie, pas rapide, pas équipée. Juste pratique.
Ça tombait bien, c’était la seule chose qu’elle demandait à une voiture. Sa
vieille Saxo avait le même statut que son robot de cuisine : une machine
qui facilitait son quotidien. Une machine stupide, mais nécessaire. Ni plus, ni moins.
.
Elle n’avait rien demandé, cet après midi là. Elle voulait
simplement rendre service… Une voiture pour transporter des objets sales, elle
en avait une : la sienne. Peu lui importait qu’on charge son coffre de
terre ou de ciment. Une bagnole, c’est comme un robot, ça se lave !
D’ailleurs, elle avait du mal à comprendre que ses amis se refusent à charger
des choses salissantes dans leur bagnole. Une voiture, ça sert à ça, après tout !
En échange, sans qu’elle ne demande rien, on lui avait remis
le sésame. Elle avait décliné, mais les amis avaient insisté pour qu’elle la
prenne, au cas ou elle en aurait besoin…
.
Elle vit sa vieille Saxo partir, et regarda de plus près le
robot dernier cri garé dans sa cour. Elle dut admettre que la
« chose » était tout de même très belle, pour une bagnole. Une petite
sportive allemande gris métallisé, aux lignes élégantes, mais un peu trop
clinquante. Ses amis aimaient s’entourer d’objets de luxe qui faisaient leur
petit effet. Elle faillit tourner le dos à l’engin avec dédain et rentrer chez elle lorsque soudain, elle fut prise
d’une violente soif : il fallait qu’elle s’assoie au volant. Et
vite !
.
Elle ouvrit la portière brusquement, s’installa à la place du
conducteur, et sa soif était toujours présente. L’envie était trop forte. Il
fallait qu’elle aille plus loin pour l’épancher. La clef lui brûlait les doigts
comme une bouteille déposée sur une table nargue l’assoiffé. Presque malgré
elle, elle l’enfonça et la tourna.
.
Quelques secondes plus tard, elle réalisa qu’elle était sur
la route au volant de la belle allemande , comme on est surpris parfois en
portant son verre à ses lèvres et en constatant qu’il est déjà vide. Il était
trop tard pour faire demi tour. Quitte à apaiser cette soif soudaine, autant
l’anéantir complètement.
.
Elle fit un tour en ville, et il fut plutôt décevant. Sa
gorge restait sèche, presque douloureuse. L’eau tiède des ronds-points et feux
rouges ne la désaltérait pas. Elle rêvait d’un verre d’eau glacée, rempli de
glaçons, de ces gorgées qui donnent d’agréables frissons, mais aussi cette
petite culpabilité de faire quelque chose de mauvais pour soi. Boire de l’eau
glacée n’est pas très bon pour l’organisme, c’est bien connu. Mais c’est si
tentant, quand on a soif…
.
Elle suivit les panneaux bleus et se retrouva sur
l’autoroute. Sa soif diminuait. Maintenant, elle buvait par gourmandise. Les
cent cinquante chevaux hennissaient sous le capot. Eux aussi, ils étaient
assoiffés. C’était un cri de complainte qu’ils poussaient à chaque
accélération. « Plus d’eau, donne-nous plus d’eau. Plus fraiche, encore
plus fraiche, l’eau ! ». Les pneumatiques aussi semblaient boire le
bitume. La voiture entière avalait la route d’une gorgée. Et Emma frôlait la
potomanie. Elle but beaucoup. Beaucoup trop. Beaucoup trop vite. Elle but comme
boit un adolescent qui découvre les boissons alcoolisées. Elle but de
l’adrénaline jusqu’à l’ivresse.
.
La crise dura une bonne heure, et puis elle n’eut plus soif.
Il fallait rentrer, à présent. La voiture avait beaucoup trop bu, et comme Emma
tenait à sa réputation, elle avait pris soin de passer à la station service
avant de rentrer. Elle rangea la belle sportive à l’endroit précis ou elle l’avait démarrée, eut la précaution
de remettre le compteur à zéro et ferma la portière avec ce sentiment étrange
qu’ont les fêtards les lendemains de cuite.
.
Quand ses amis revinrent, elle leur expliqua, l’air détaché,
qu’elle avait eu une course urgente à faire, et s’excusa d’avoir touché au
compteur… elle s’était trompée de bouton !
.
Le scénario, depuis ce jour, se répète régulièrement.
Addiction honteuse, inavouable.
. La Saxo d’Emma, bizarrement, tombe très souvent en panne.
Elle a de la chance, Emma, ces amis à la grosse sportive allemande lui prêtent
volontiers la leur quand la sienne est immobilisée.
.
Emma ne se désaltère plus du premier frisson, celui de l’eau
plate, même très glacée. Sa soif est devenue plus exigeante. Elle invente et
teste désormais mille cocktails différents pour l’apaiser. Son préféré reste le
subtil mélange de l’eau de pluie et de l’épingle à cheveux. Elle prise
également les chemins creux par temps clair, mais les preuves de son vice sont
plus longues à dissimuler après la crise.
.
Ses proches, ignorant son addiction honteuse, lui
conseillent de changer de voiture, la sienne n’étant plus très fiable . C’est
vrai quoi, une voiture qui tombe en panne tous les mois, c’est du jamais
vu ! C’est pas qu’ils en ont mare de lui prêter la leur, mais la situation
n’est pratique pour personne…
.
Emma leur répond
innocemment qu’elle changerait bien de voiture, mais elle n’y attache que si
peu d’importance…
Une bagnole neuve et clinquante, c’est le comble de la
suffisance ! Et encore plus si elle est puissante
.
Non, vraiment, Emma préfère garder sa petite voiture
pratique. Les bagnoles, c’est pas son truc. Elle, elle est si sobre comparée à
ces insensés inconscients qui se croient invincibles, une fois au volant de
leurs pénis en tôle…
- Chéri, mon sèche-cheveux m'a lâché ce matin, je sais pas comment je vais faire !
- Ah oui, l'excuse bidon ! Tu ne t’es jamais séché les cheveux !
- Ah ben c'est ça, me crois pas !
- ( Allez, Mec, là, prends sur toi, faut valider valider valider !) Mais si je te crois, mon amour, enfin ! Mais tu avoueras que le sèche-cheveux n’est pas l’accessoire qui doit te manquer le plus.
- Oui, mais il fait sec là il fait froid, mes cheveux vont geler si je sors comme ça.
- Vas-y bébé, vite !Va t’essuyer et t’habiller, on est pressés. Essuie-les bien et puis ça ira, non ?
- Oh ça y est bon ben j'm'en vais, oh ! Deux secondes ! On n’est pas non plus à la minute, non !
- Oui, file ! Purée, faut pas l’inviter, celle-là ! Pas moyen que pour une fois on arrive à l’heure quelque part !
- Ah ben quand même ! Pas mal, mais en attendant, ton amour, il doit galérer 2 heures à attendre que tu daignes sortir de la salle de bain, t’es pénible !
- Oui, pardon , ça a foiré parce que j’ai filé un collant et que je me suis séché les cheveux sous le sèche-serviettes…
- Ouais ! Tu es partie trois mois, t’as vu l’heure ? On est en retard t’es chiante !
- Putain ça va pas quoi ! T’as vu comment tu me parles ? Hé oh ! Je fais de mon mieux, si t’es pas content tu pars devant. C’est pas grave, de toute façon on se voit là-bas !
- Ah ! Tu vois, je te l’avais dit ! Ah ben bravo ! Tout le monde est rentré, on est super en retard!
- Bof, de douze minutes ! C’est mieux qu’aux répétitions … la DS, mince, le gosse l’a oubliée dans la voiture, tiens !
- Han ! C’est quoi ces trucs sur sa console ?
- Ah ça ? C’est du chewing-gum !
- Et qu’est ce que du chewing-gum fout collé sur l’écran de sa console ?
- J’étais choquée aussi quand j’ai vu ça, mais finalement c’est pas bien grave, ça se nettoie, j’ai un super produit t’en fais pas, chéri.
- « Ben nan genre ya ça tu vois, chéri, ça nettoie bien, c’est pas grave, c’est rien du tout, etc, etc... » Il colle du chewing-gum sur tout ce qui bouge (surtout si c’est cher de préférence !), et toi tu ne trouves rien d’autre à dire ? Ah c’est fort !
- Hé, calme-toi. Pourquoi tu te fâches comme ça ?
- Elle est bien bonne ! Pourquoi je me fâche ? Je suis vénère parce que je croyais que c'était neuf, son machin ! D’ailleurs qu’est-ce qu’il fout avec du chewing-gum ?
- Je lui en donne le matin quand il va à l’école. Tu savais pas ?
- Hein ? Je comprends pas là, tu me répètes ?
- Quoi, c’est pas clair ? Il en emmène un peu à l’école pour la récré.
- Ah oui effectivement je pensais que c'était plus clair que ça, la façon dont tu élevais nos enfants. Tu lui files du chewing-gum, tu lui achètes un jouet à j’sais pas combien, il en colle sur sa console et toi tu dis rien parce que ça part au lavage. Non, mais tu te fous de ma gueule ?
- Non, mais il m’a dit « Maman, moi je te demande pardon ». Et après il a été adorable, il m’a tuée de rire pendant au moins 4 heures !
- C’était quand ça, cette histoire de chewing-gum ?
- Ce matin, pourquoi ?
- Et il est parti au cinéma avec sa copine quand même ?
- Puisque je te dis qu’il a demandé pardon ! T’aurais vu comme il a été sage tout le reste de la journée...
- Sage ? Non mais, je sais pas si elle les a regardés, ses mômes ! Ils font des conneries incroyables, et madame les trouve sages ! Il est peut-être temps de songer à les éduquer un peu ! Je veux bien le faire mais tu m’aides pas beaucoup !
- Ah, parce que tu t’y connais, toi, en matière d’éducation ?
- Je maîtrise pas mais je maîtrise mieux que la finance, et encore je suis capable de te dire que ce matin ton gosse a foutu en l’air 200 euros et que t’as applaudi !
- Oui, allez-y, ça va vous
détendre…à moins que ça ne vous pose un problème…
- Oui !
- Ah ? Et pourquoi donc ?
- Parce que ça ne va pas me
détendre.
- Et pourquoi ça ne vous détendrait
pas ?
- Parce que lorsqu’un un soignant me
dit « allongez-vous, ça va vous détendre », en général je me crispe.
- Ça vous est déjà arrivé ?
Racontez…
- Oui, c’était pendant ma seconde
grossesse. Je m’étais inscrite à des séances de relaxation…
- Et ?
- Eh bien j’ai arrêté à la troisième
séance. Y aller était une source de stress supplémentaire.
- Etrange ! Vous ne vous y
sentiez pas à l’aise ?
- Du tout !
- Et pourquoi ça ?
- Je n’en sais rien. Plus la
sage-femme me disait « détendez-vous », et plus je me crispais. Et
lorsqu’elle m’a dit « Tiens, c’est la première fois que je vois
ça ! », ça m’a raidi encore plus, vous voyez ?
- Donc vous avez arrêté ?
- Tout à fait !
- Et un psy ? Vous en avez déjà
vu un, avant moi ?
- Hum… oui. Deux, même !
- Vous ne vous allongiez pas ?
- Jamais !
- On fera comme ça, alors…
- Merci !
- Bon. Je ne vais pas vous dire de
vous détendre, alors… Mais, essayez tout de même, si vous le pouvez, de penser
à un souvenir agréable, peut-être que ça vous mettra plus à l’aise. Je vous
sens tendue.
- Voilà, j’ai mon souvenir…
- Bien ! Vous me
racontez ?
- Je ne vais pas y arriver…
- Ah ? Pourquoi donc ?
- En fait… je n’aime pas vraiment
parler non plus. Mais, si vous voulez, je peux vous l’écrire.
- Hum… vous n’aimez ni vous
allonger, ni vous détendre, ni parler ?
- Ben… pas avec des soignants.
- Vous ne craignez rien avec moi…
- Ce n’est pas la question. Je n’ai
pas peur, je n’y arrive pas, c’est différent.
- En revanche, ça ne vous pose aucun
problème de m’écrire ?
- D’écrire, non !
- Mais… vous êtes aussi comme ça
dans la vie, ou c’est juste que vous êtes gênée ici ?
- Ça dépend !
- Il y a des choses que vous ne
savez dire mais que vous écrivez ?
- Oui, voilà.
- Avec les gens de votre
entourage ?
- Ça arrive.
- Vous avez peur de dire les
choses ?
- Je n’ai pas peur, je n’y arrive
pas, c’est différent.
- Vous craignez d’être rejetée, ou
que vos paroles soient mal interprétées ?
- Même pas. C’est mon corps qui s’y
refuse, pas moi.
- Et là, en ce moment, ça vous fait
ça ?
- Plutôt !
- Bon… et des cours de diction ou
d’expression corporelle, pour vaincre votre timidité, vous y avez déjà
songé ?
- Je ne suis pas timide. J’ai fait
du théâtre…Je vais vers les gens sans problème.
- Comment expliquez-vous que vous ne
puissiez pas me parler de ce souvenir ou d’un autre ?
- Je ne me l’explique pas.
- Bon, si vous préférez, vous me l’écrirez
pour la fois prochaine. Ça vous va ?
- Ça me va.
- Vous avez vu deux confrères avant
moi… de ça, on peut en parler ?
- Oui.
- Je vous écoute.
- Posez-moi des questions…
- Ah … Vous les avez vus pour
quelles raisons ?
- On peut commencer par une question
plus facile ? Pour celle-là il faut que je réfléchisse. Je vous dirai la
prochaine fois.
- Bon… ça c’était bien passé ?
- Je ne sais pas.
- Vous en avez bien une petite idée,
non ?
- Nous avions quelques problèmes de
communication…
- Là vous m’étonnez !
- C’est pas gentil, de se moquer…
- Pardon. Je peux vous poser une
dernière question ?
- Tout à fait.
- Pourquoi êtes-vous venue me
voir ?
- Je ne sais pas.
- Il n’y a pas de raison
particulière ?
- …
- Vous ne voulez pas me le
dire ?
- Ce n’est pas que je ne veux pas…
- Vous n’y arrivez pas, j’ai
compris ! La fois prochaine vous me le direz ?
- C’est que..
- Oui ?
- Je ne sais pas encore très bien si
je vais revenir…
- Ah bon ?
- Oui.
- Et pourquoi donc ?
- Finalement… je crois que je les
aime, mes tourments…
- Ah ! Et c’est donc pour cela
que vous préférez les garder pour vous, non ?
- Oui, certainement.
- Jalousement ?
- J’en offre à l’occasion, mais je
suis très économe.
- Vous ne les sortez que pour les
grandes occasions ?
Constance et Paul, jeunes mariés toujours pressés, ont
l’habitude, en semaine, de faire leur toilette en même temps le matin. La salle
de bain est un peu étroite pour eux deux, ils s’y bousculent sans cesse, mais
il leur semble qu’ils gagnent de précieuses minutes. Evidement, il y a plus
glamour que de voir son partenaire s’épiler les sourcils ou se nettoyer les
oreilles, mais après sept années de vie commune on ne prends plus vraiment
garde à ces petits détails-là.
.
Constance avait froid, ce matin-là. La chaudière était en
panne depuis quelques jours, et Paul, malgré des efforts incroyables et toute
sa bonne volonté, n’avait pas encore réussi à identifier la panne. Constance
lui avait demandé pourquoi il n’avait pas appelé un plombier, mais Paul avait
répondu qu’il n’y avait tout bonnement pas songé.
.
C’est à ce moment-là que Constance, aigrie par le froid, et
tout en se maquillant les yeux devant le miroir, pensa :
.
-Ah quelle nouille ! Ah non, mais quel con, ce
mec ! Si seulement j’avais pu épouser un génie…
.
Aussitôt, Paul disparut dans un nuage de fumée, et réapparut
quelques secondes après, vêtu d’un accoutrement bleu ciel digne d’un personnage
de la parade d’Eurodisney. Constance poussa un petit cri de surprise, et son
mari lui dit :
.
-Ah, ça, ma chérie, c’est pas gentil ! Mais
soit ! Tu es exaucée !
.
Incrédule, la bouche grande ouverte, Constance semblait
vouloir dire quelque chose mais aucun son ne sortait de sa bouche.
.
Paul reprit :
.
-Il te reste encore trois vœux : deux gentils,
et un autre moins gentil. Tu as la journée pour y réfléchir, mon amour. Tu peux
m’appeler au bureau comme d’habitude si une idée te vient. Tu sais, même les
génies travaillent, mon ange. Bisous, et à ce soir, mon adorée.
.
Paul partit au travail dans son attirail de carnaval, et
Constance, après avoir repris ses esprits non sans mal, commença à réfléchir à
ses trois vœux.
.
Sur le trajet en voiture, elle se dit que c’était le moment
ou jamais qu’il exauce son premier vœux. C’était trop bête, ce malentendu.
Après tout, qu’il soit un peu plus intelligent, c’était ce qu’elle avait
toujours souhaité. Oui, elle avait en effet voulu que son mari devienne un
génie, mais d’un autre genre.
.
Arrivée au bureau, elle l’appela aussitôt.
.
-Chéri, tu sais pour les vœux, j’ai réfléchi…
-Ah ! C’est toi ! Je t’écoute, mon
amour !
-Eh bien, on s’est mal compris, ce matin… Lorsque
j’ai pensé que j’aurais voulu épouser une génie, je ne pensais pas à ce
génie-là…
-Ah ? Et à quoi pensais-tu donc?
.
Décidément, pensa-t-elle, il n’avait vraiment aucune
jugeote !
.
-En fait, ce que j’aurais voulu, c’est plutôt… un
cerveau !
-Que ta volonté soit faite, mon amour ! Mais, tu
sais, tu es bien dure envers toi-même… T’était pas si bête que ça, tu
sais ! Faut pas se dévaloriser ainsi, ma chérie… Allez, tu as fait le plus
dur ! Il te reste maintenant les deux vœux gentils !
.
Constance, devenue en quelques secondes très intelligente,
comprit immédiatement la méprise, mais il était trop tard.Mince, elle avait encore gâché un vœu, et
son mari était toujours aussi bête !
.
Elle n’avait pas eu la tête au travail de la journée. Elle
n’avait fait que réfléchir à ses deux prochains vœux. Il fallait vraiment
qu’elle trouve le moyen d’utiliser ses deux derniers vœux à rendre son époux un
peu plus intelligent. Surtout maintenant que ses capacités intellectuelles à
elle avaient décuplé. Le soucis était que ce vœux devait être gentil…
.
Comme elle était devenue très astucieuse, l’idée ne tarda
pas à venir.
.
Au soir, elle rentra chez elle et déclara à son époux
qu’elle avait trouvé pour son troisième vœux.
.
-Mon amour, j’aimerais que tu aies le même cerveau
que moi, afin que l’on se comprenne mieux, toi et moi.
-Oh, ça, c’est gentil, ma chérie !
Exaucée !!
.
Effectivement, ils passèrent tous les deux une excellente
soirée. Il s’entendirent sur tout, plaisantèrent et firent l’amour
furieusement, comme au début de leur relation.
.
Grisée par quelques verres de champagne, les bons mots de
son époux et l’orgasme qu’elle venait d’avoir, Constance lui susurra amoureusement,
au creux de l’oreille :
.
-Chéri c’était parfait. Je t’aime encore plus qu’au
premier jour. Mais je t’aimerais encore un tout petit peu plus si tu voulais
bien ne plus porter ce costume ridicule. Il ne sied pas aux hommes aussi
brillants que toi, tu sais. Bonne nuit.
.
Et elle s’endormit.
Le lendemain matin, ils prirent ensemble une douche
brulante, aussi longue que terriblement érotique. Ils en sortirent un peu
engourdis, mais terriblement comblés, et de très bonne humeur.
Paul, qui avait froid en s’essuyant, s’exclama :
-Oh, mince, mon amour ! Sais-tu ce que tu aurais
dû me demander hier ?
-Non ? Quoi ?
-Eh bien de réparer la chaudière ! Cela aurait
été si simple avec les vœux..
-C’est inutile, Paul, maintenant que tu es si
intelligent, tu vas pouvoir le faire, non ?
-Je ne pense pas. Tu oublies que dorénavant, j’ai un
cerveau de femme…
Thème : Comment devenir intelligent Genre : Nouvelle en 5 lignes
Passez une journée entière à poster, lire, commenter et rédiger des poèmes. Vers vingt trois heures vous aurez perdu toute raison. Les mots, les phrases, n'auront plus un sens évident. Vous devrez réfléchir à grand peine, les yeux cernés.
Dans moins d'une heure, j'parie qu'en guise de défi je publie mon carnet de vaccination.
Thème: tout ce qui dépasse sera raccourci Genre: alexandrins
Il était très très cochon, son vicieux patron! "Toute jupe qui cache le pubis sera raccourcie". Elle était très peu farouche la jolie Lucie Elle vint au travail la chatte à l'air... pardon!
Les voyageurs de défis ont ce souvenir De leur chère amie aux cheveux d'ambre Qui n'a pas su produire une forme d'opale Pour la consigne des ombres de Roscharch
Elle regardait le ciel sans doute Ce matin-là, devant sa tasse de café Elle aurait aimé pourtant... le vent ailleurs l'a poussée Si c'est carré, c'est pas Klo.
Thème: eau dans la cave Genre: nouvelle en cinq lignes
Moi, j'aime l'odeur d'humidité et de renfermé. Madeleine que cette odeur que tout le monde s'accorde à trouver désagréable. Elle me rappelle la cave de mon vieux grand-père, qui maintes fois fut inondée par l'Huisne, trop près. Jamais il n'a réussi à totalement désodoriser les murs de sa réserve à légumes. C'est tant mieux. Rien pour moi n'a plus le parfum de l'enfance.