Rouge coquelicot (Clémence)
Ma vie avait mal commencé. Très mal. Mais j'ai eu de la chance, beaucoup de chance.
Alors, j'ai oublié les cris et les colères qui lacéraient mon visage.
Les rires et les sourires sont devenus mes compagnons. L'école était un lieu de rencontres et d'ouverture et de satisfactions.
Le collège, le lycée, la fac...Tout s'enchaînait naturellement. J'ai fait la connaissance de Julie. Une fille merveilleuse. J'en étais certain. Le bonheur était acquis.
Mais il a suffi d'une seule soirée, d'une rencontre, d'un verre de trop. Ma vie fut brisée. Net.
Julie a refusé de comprendre ou d'excuser. Au petit matin, elle est partie. Je ne me doutais de rien.
Dès le lendemain, j'ai commencé à avoir la tête à l'envers. Après le travail, je rentrais à la maison puis ressortait aussitôt. Je ne supportais pas le silence et l'absence qui m'accusaient implacablement. Les virées dévoraient mes heures de sommeil. Mon travail s'en ressentit. Une première erreur. Excusée. Une seconde. Je fus licencié. Une pente dangereuse se profilait….
Je dus puiser dans mes économies. Ce fut un premier signal. J'échangeai mes virées avinées contre de longues balades dans la ville. J'observais ce long ruban d'humains aux différentes heures du jour et de la nuit. Mon œil se prit au jeu, il captait les regards, décryptait les poses et postures, décodait les gestes anodins….Lorsque je rentrais chez moi, j'inventais mon spectacle, je ciselais des dialogues incandescents, des répartie fulgurantes. Je l'avoue, cela a été salutaire pour mettre à jour ma part d'ombre.
Chez le boulanger du coin, mon regard fut attiré par une affiche. Je notai le lieu et l'heure. Et j'attendis avec impatience….Je fus enchanté, émerveillé.
Une rencontre avec les artistes était prévue après la représentation. Je m'y attardai et cela m'ouvrit de nouveaux horizons.
Je fis quelques achats et préparatifs, quelques séances devant la porte vitrée. Après trois semaines, j'estimai que j'étais prêt.
Le soir venu, je me rendis près du mur de pierres blanches. Je déposai mon sac, montai sur un bac de fleurs et pris la pose : jambes écartées, bras repliés en un geste suspendu…
La foule passait, m'ignorait ou m'admirait.
Soudain, mon regard fut attiré par une tache de couleur. Le rouge d'un coquelicot sur une robe blanche. Julie était là, au milieu des passants. Toujours aussi rayonnante. Nos yeux ne se quittaient plus….
Je la vis se pencher gracieusement, puis se relever. Les passants s'écartèrent.
Pas plus haute que trois pommes, elle se campa devant moi. Une mèche brune s'échappait d'un bob planté sur sa tête. Ses yeux me scrutaient, cherchant je ne sais quelle faille.
Elle tendit son bras et m'offrit un coquelicot.
Mon coeur devint fou.
Je descendis de mon piédestal de fortune et m'avançais vers elles….J'en étais certain, la vie allait à nouveau nous sourire, pour l'éternité.
Version 1. … et la vie reprit son cours...
Version 2. … Une moto déboula….