6 octobre 2012
Putain de Brouillard (SklabeZ)
Dans une atmosphère déjà très enfumée, l'autoradio K7 Philips crachote "Laisse-moi t'aimer", une rengaine de Mike Brant.
Au volant, une gitane au bec, Vévé est concentré sur le faisceau des phares éclairant la route.
À la place du mort, Bruno, complètement affalé dans son siège, les pieds sur le tableau de bord... il s'en fout, c'est pas sa caisse.
Entre les deux, juste au-dessus du frein à main, Mado est en position très inconfortable, une fesse sur le bord du siège chauffeur et l'autre sur le siège passager. Pour ne pas gêner Vévé dans sa conduite, elle s'est penchée et appuyée sur Bruno. Bien appuyée, même. Elle aime bien titiller et exciter les garçons, Mado est une rapide. D'habitude, il démarre au quart de tour, le Bruno, mais là, il ne réagit même pas, encéphalogramme plat… il cuve ! Faut dire qu'ils ont un peu picolé.
Au volant, une gitane au bec, Vévé est concentré sur le faisceau des phares éclairant la route.
À la place du mort, Bruno, complètement affalé dans son siège, les pieds sur le tableau de bord... il s'en fout, c'est pas sa caisse.
Entre les deux, juste au-dessus du frein à main, Mado est en position très inconfortable, une fesse sur le bord du siège chauffeur et l'autre sur le siège passager. Pour ne pas gêner Vévé dans sa conduite, elle s'est penchée et appuyée sur Bruno. Bien appuyée, même. Elle aime bien titiller et exciter les garçons, Mado est une rapide. D'habitude, il démarre au quart de tour, le Bruno, mais là, il ne réagit même pas, encéphalogramme plat… il cuve ! Faut dire qu'ils ont un peu picolé.
Sur la petite banquette arrière, Lucette et sa belle jupe blanche, Jacky, au milieu, avec son éternelle bière à la main et Marie-Lou en extase, écoutant la musique et buvant les paroles de son chanteur préféré, c'est elle qui a apporté les cassettes.
Les retours de bringue sont parfois difficiles, il doit bien être deux ou trois plombes du mat' et il leur reste encore un bout de route à faire. Dans cette campagne légumière toute argentée par la pâle lueur de la pleine lune, la petite Fiat taille la route… façon de parler. Avalant les côtes avec difficulté et reprenant un peu de vitesse dans les descentes, elle se traîne sur la départementale.
De sa main droite, Jacky tente une avancée prudente et effleure la cuisse de Marie-Lou. Bon, ça va ! Il n'a pas pris de baffe et pourtant elle a la main plutôt leste, Marie-Lou. Les yeux mi-clos, fredonnant les paroles, elle dodeline de la tête au rythme de la musique. Elle semble apprécier.
Comme s'il se doutait de quelque chose, Vévé lève régulièrement un œil suspicieux sur le rétro pour surveiller sa Marie-Lou, mais il ne voit rien. Ses yeux lui piquent... la fumée probablement. Il repose sa clope. Une odeur de caoutchouc brûlé envahit l'habitacle.
« Oh non, les gars, vous déconnez là ! Qui a foutu un préservatif dans le cendrier !? »
Vévé est énervé : « Ouais, c'est vrai quoi ! Un peu de respect ! On voit bien que c'est pas votre bagnole, vous n'avez plus qu'à dégueuler dedans tant qu'on y est ! À ce train-là, elle n'est pas près de me reprêter sa tire, ma frangine ! Tiens Mado, rallume-moi une gitane ! »
Derrière, tout le monde s'en fout. Marie-Lou continue de chantonner et Jacky nous a fait un truc incroyable, il s'est séparé de sa bibine ! Posée sur le plancher, il la maintient précieusement entre ses Clarks à semelle polyuréthane. S’il s’est débarrassé de sa canette, c’est pour une noble cause. La main droite, toujours occupée chez Marie-Lou, il entreprend maintenant, de sa main gauche toute poisseuse, une exploration en règle de la belle jupe blanche de Lucette.
Le brouillard a fait son apparition et Vévé écarquille les mirettes pour mieux voir.
« T’es sûr que ça va, Vévé ? s’inquiète Mado. Je peux conduire si tu veux !
- Fais pas chier ! » dit-il en jetant sa gitane par la fenê…
Le con ! Il a oublié de baisser la vitre. Dans une gerbe de cendres incandescentes, la clope lui revient en pleine poire et tout s’enchaîne alors rapidement. La voiture fait deux petits tonneaux, se rétablit et se met à dévaler la descente…sur le toit.
Dans un bruit métallique étourdissant elle n'en finit pas de glisser et, telle une comète, elle est suivie d'une longue traînée d'étincelles provoquée par le frottement de la tôle sur le bitume. La tête en bas, au ras de la route, Lucette ne perd pas une miette du spectacle son et lumière. Vévé s’écrie : « Putain ! la peinture ! la peinture du toit ! qu'est-ce qu'elle va dire ma frangine ! »
Dans un bruit métallique étourdissant elle n'en finit pas de glisser et, telle une comète, elle est suivie d'une longue traînée d'étincelles provoquée par le frottement de la tôle sur le bitume. La tête en bas, au ras de la route, Lucette ne perd pas une miette du spectacle son et lumière. Vévé s’écrie : « Putain ! la peinture ! la peinture du toit ! qu'est-ce qu'elle va dire ma frangine ! »
Après cette glissade qui semblait interminable, la voiture finit sa course dans un champ de choux-fleurs. Le bruit assourdissant a fait place à un grand calme. Les six occupants, la tête en bas et un peu sonnés, ne disent rien. On entend juste Mike Brant qui continue de chanter et le tic-tic-tic-criiiii du grincement d’une roue qui finit de tourner dans le vide. Le pare-brise et la lunette arrière ont été éjectés et des mottes de terre humide ainsi que des feuilles de chou ont été projetées partout dans l’habitacle, finissant de saloper la belle jupe blanche de Lucette.
Bruno ne s'étant même pas réveillé, il a fallu le secouer... ensuite, un par un, ils sortent à quatre pattes par la lunette arrière. Vision insolite sous le halo blafard de la lune, on aurait dit une troupe de marcassins sortant d'un taillis, à la queue leu leu.
Bruno s'est vite rendormi entre deux plants de choux et Marie-Lou, à genoux près de l'ouverture du pare-brise se contorsionne pour essayer de récupérer son Mike Brant dans l'autoradio qui marche encore. Debout dans la gadoue près de l'épave, avec la boue débordant de leurs orteils, Mado et Lucette, talons aiguilles à la main, essaient de calmer Jacky. Il est furax, il n'a pas retrouvé sa bibine.
Vévé lui, est dépité ! Qu'est-ce qu'il va bien pouvoir dire à sa frangine ? Sa frangine qui après lui avoir fait jurer qu'il en prendrait grand soin, avait consenti à lui prêter sa première voiture, sa Fiat 850 toute neuve, dans laquelle elle avait mis toutes ses économies.
Putain de brouillard !
Publicité
Commentaires
S
A
V
M
D
E
V
J
W
J
K
C
J