EVENEMENT INSOLITE (Lorraine)
C’est le soir, je regarde les informations à la télé. Une légère odeur m’arrive, je dis machinalement “Tiens, le voisin a oublié son dîner sur le réchaud” et à ce moment précis, mon alarme se déclenche. J’ai toujours maudit et bénit en même temps la loi qui oblige à installer le détecteur de fumée. Il se déclenche parfois pour rien et comme il est installé en hauteur, inaccessible, je me résigne alors à l’entendre jusqu’à la fin.
Mais ici, pas de fin, il hurle à tout casser. Inquiète, j’ouvre la porte donnant sur le palier...et je suis refoulée par un tourbilon noir d’épaisse fumée qui, en un instant, a envahi le hall , le living et se dirige allègrement vers ma chambre. Au même moment les sirènes de la rue me le confirment: il y a un incendie dans l’immeuble. Aïe! Que faire?...
Dans la rue, trois voitures de pompiers, une ambulance, la police. Et moi, sur le balcon telle Soeur Anne qui ne voit rien venir, m’obligeant à rester calme tout en évaluant le danger. Mon détecteur de fumée me casse les oreilles. Il ne me fera grâce qu’époumonné après trois quarts d’heure ! Un pompier est hissé dans sa cabine jusqu’à l’appartement de gauche. Viendra-t-il vers moi? Non. Je m’imaginais déjà en héroïne descendant les étages enroulée dans une couverture et serrée contre la robuse poitrine. Nenni! Il ne s’intéresse en rien à mon sort ; on redescend sa cabine. Et j’assiste en témoin résigné, aux agissements de l’équipe, concentrée au rez-de-chaussée. J’apprendrai plus tard que le feu avait pris dans une voiture et une pile de papiers entreposés là on ne sait par qui.
En conclusion, trois heures plus tard j’ai vu partir les voitures à tour de rôle. Et, ouvrant précautionneusement ma porte d’entrée, j’ai constaté que le sol était imprégné de ce que j’ai supposé être de la neige carbonique: un tapis blanchâtre marqué par l’empeinte bien nette de pas cloutés qui s’arrêtaient juste devant chez moi. J’appris plus tard qu’un pompier avait gravi tous les étages pour inciter les locataires à descendre. Le concert des détecteurs de fumée avait empêché sept autres habitants et moi d’entendre la sonnette ! Je sais que trois de ces prisonniers du feu ont été si secoués qu’ils eurent besoin de soins.
Moi je m’en suis tirée avec une bonne migraine la nuit suivante. Cela se passait début juillet. Maintenant encore, dans l’ascensseur, persiste un parfum de fumée...