Canicule (Adrienne)
- Viens voir ! dit-elle dès que j’ai franchi sa porte. Viens voir ce que j’ai prévu d’emporter.
Pas le temps de poser mon sac, d’ôter ma veste, de boire un verre d’eau. Dans la chambre d’amis, un tas de robes, de jupes, de blouses, de pantalons et de lingerie sont étalés.
- Tout ça ? lui dis-je, mais ça n’entrera jamais dans ta valise !
Nous passons ainsi toute une après-midi à faire le tri, à combiner les couleurs, à faire des aller-retour de l’armoire au canapé et du lit à la penderie. Tout l’appartement est plein de vêtements.
- Regarde, lui dis-je en lui montrant l’écran de l’ordinateur. Tu vois le temps qu’il fait, en Toscane ? 36° ! Je t’assure que tu n’auras besoin ni de ces pulls, ni de cette veste.
***
- Tout de même, me dis-je en rentrant chez moi, 36° ! Est-ce vraiment une bonne idée d’emmener une personne de bientôt 79 ans en Toscane en pleine canicule ?
J’en doutais de plus en plus et pensais ombre, sieste, piscine… et précautions à prendre.
***
Devinez qui n’en pouvait plus au plus fort de la chaleur ? Qui avait envie de s’asseoir sur un banc sous un arbre ? De souffler quelques minutes ?
Moi.
- Et maintenant, me dit-elle alors que nous sortions de table en plein cagnard, qu’est-ce qu’on fait ?
Je lui montre l’arbre, le banc…
- Ah ! non, non ! fait-elle avec énergie. Moi je ne suis pas venue en Toscane pour me reposer !
***
- Tu sais, me dit-elle le troisième jour, tu sais où je voudrais encore aller aussi ?
Je la regarde, il y a plus d’appréhension que de curiosité dans mon regard, j’en suis consciente.
- En Espagne ! Mais pas à la côte, hein ! pour visiter des villes !
Ce jour-là , à Madrid, il faisait 43°. J’ai vérifié.
Elle m’enterrera, ma mère.