Issu de mon imagination farouche, drageonnant dans le terreau de mes rêves, le loup est apparu. Ses oreilles tendues vers mes mots vétillants, les crocs oringués dans la lumière blafarde, il palote à l'ombre des mauvais rêves, il houssine dans le silence de mes nuits, il croupionne pour mieux me rudenter. J'ai appris à l'ébousiner, il peut toujours licher, je ne me laisserai plus moitir.
Le loup sorgue maintenant et je folichonne sereine, plus de mauvais café pour godronner mon sommeil.
Tu es moi. Ou… suis-je toi ? Tu sais mes désirs
refoulés. Tu perçois et comprends mes fantasmes contenus.
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Tu es mon autre, et pourtant, nous communiquons si peu…
Tu me fais des signes amicaux et discrets que je ne traduis
pas toujours bien.
Tu es présent dans tous mes rêves. Tu te glisses dans mes
mots, dans mes phrases, dans certains de mes gestes.
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Tu es mon autre. Tu te faufiles habilement dans mon quotidien,
tu me fais commettre des impairs que je nomme mes lacunes.
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Notre relation ne saurait être polluée par tout ce qui
corrompt celles entre les individus. Notre union est pure, sans mensonge. Je
suis à toi dans ma nudité parfaite. Je ne peux rien te cacher. Tu sais tout. Et
tu es le seul, au fond. Tu en sais tellement plus que moi…
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Tu es mon autre. Tu ne tolères aucune censure. Toute
confidence t’est due, et je te la livre de gré ou de force.
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Tu es mon autre. Infiniment. Et j’aimerais te comprendre
comme moi tu me comprends. Et j’aimerais être à ton écoute, et t’offrir une
oreille attentive et une attention sans limite.
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Tu es mon autre. Je ne rêve que de te recevoir, de
t’accueillir et te de prendre tel que tu es.
Je ne te jugerai pas.
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Tu es mon autre. Tu es le moi immense que je cherche en vain
à toucher du doigt.
Je sais déjà qu’un jour, je viendrai te chercher. Je
fouillerai en toi jusqu’à ce que j’y lise comme dans un livre ouvert.
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Dès lors, j’apprendrai à conjuguer tes désirs et les miens,
et à les accorder. Enfin, nous regarderons dans la même direction, toi et moi,
en frères aimants et inséparables.
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Tu es mon autre. Tu
es mon inconscient.
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Et pour l'oubli des verbes imposés, ce n'est pas ma faute mais la tienne: un acte manqué!
Un étonnant papillon léger et
aérien flotte dans les airs, il s’amuse comme un folichon à licher quelques
gouttes de miel dans les fleurs.
Qui aimerait s’accrocher à
ses ailes pour se poser de cœur en cœur entre la terre et le ciel ? Qui
aimerait franchir la clôture et découvrir le monde ?
A l’aurore sur la plage, la
mer a déposé ce merveilleux coquillage coloré. Modeste et sans prix, il s’est
transformé en une porcelaine japonnée que l’eau a sculpté et poli jour après
jour. Celle-ci semble nous inviter à un voyage…
Seul
à sa table de travail, Pierre veille. Lui, jadis auteur fécond,
sourire las et yeux fatigués, espère que sa muse, angelot peint par
Raphaël, animera sa plume.
Hélas, ce soir, comme tous les soirs depuis cet autre soir, de l’âme de Pierre ne sortent que volutes ectoplasmiques.
Indigentes pensées que l‘obscurité souligne.
Le néon brutal de sa lampe l’accable. Il est las. Las et vieux et
triste. La nuit s’infiltre en lui. Elle pèse sur ses épaules. Pierre
veille.
L’encre
qui se refuse à aligner trois mots coule sur la feuille immaculée.
Miroir de son âme ravagée. Vide intersidéral de sa pensée asséchée.
Pierre veille. Aucune idée ne lui vient. Bol immense qui grouillait
jadis. Bol vide et creux qu’il liche en vain et sur
les parois duquel il ne trouve plus un atome divin. Cette matière qu’il
croyait infinie, ce jus qui irriguait la moindre de ses soirées, nuque
penchée sur son travail. Pierre devient la nuit. Nuit de Pierre. Son
dos est raide, raide est sa fin.
Que tourne la roue !
Qu’une fois, une fois seulement, il retrouve la
grâce qui l’animait du temps d‘avant, d‘avant sa solitude et son
veuvage. Du temps où, auteur prolixe, il vétillait à l’envi. Elle est là pourtant. Sa muse est là, mais regardez, elle noue sa gorge.
Pierrot pathétique à la tête surmontée d’une raie moqueuse.
Que d’une trique arrachée à la haie vive, elle lui houssine une fois encore et l’âme et les joues ! Rien ! Pinocchio debout, dressé mais dérisoire et enveloppé d’ombre et de nuit.
Le simulacre écarte ses ailes et d’un sourire édenté
fait cascader son rire. Pinocchio, coiffé du poisson-requin, sent venir
la flamme qui le réduira en cendres.
Noir
et obscur destin de Pierre sans sa Colombine. Crachent leur venin les
vieilles qui pèsent sur ses épaules. Morve qui coule en filets gras sur
son cou. Pierre redresse la tête et n’écrit plus. Sa muse s’est tue. Du
temps où féconde sa pensée drageonneait en mille directions, il lui suffisait d’attraper une bribe et la magie opérait. Voyez le désert de son imagination tarie.
La cheminée du volcan ne crache plus qu’un souffle
d’air corrompu. Pierre n’écrira plus. Déjà son souvenir se disperse. On
l'a oublié. Il s'est oublié. Elle l'a oublié...
Prenez une feuille de papier, pliez-la en deux, ouvrez-la, jetez quelques
gouttes d'encre sur un des plis et refermez en pressant. Ouvrez et dites ce que
vous voyez. Vous pouvez rejouer autant de fois que vous voulez, vous pouvez
montrer les images obtenues (scanneur, photographie, dessin) ou pas. Si vous
n'avez pas d'encre, vous avez du chocolat, de la confiture, de la teinture pour
cheveux, du sirop de menthe, de grenadine, du miel, du ketchup, de l'huile
moteur, du sang de bœuf, de la peinture, du vernis...
Attention, bien sûr il y a des contraintes:
Décrire ce que vous voyez sans utiliser une seule fois le mot 'tache'
L'emploi de quelques verbes rares, comme bolchéviser, croupionner, drageonner,
ébousiner, folichonner, godronner, houssiner, issir, japonner, licher, moitir,
oringuer, paloter, queuter, rudenter, sorguer, tarmacadamiser, urger, vétiller,
warranter, ziber...
Trois ou quatre au moins, mais pour les plus aventureux, pourquoi pas... TOUS?