Tout va changer (Célestine)
Quand je me réveillai ce matin-là, je sentis nettement que je n’étais plus le même homme.
Je m’observai longuement dans le miroir.
Je vis un homme vieillissant, blanchi trop tôt sous le harnais des années à supporter sans broncher les quolibets, les railleries, le harcèlement ordinaire, et la bêtise grivoise de ses congénères. Etait-ce de ma faute à moi, si la vie m’avait affublé de cette énormité ?
Je me remémorai en déjeunant les péripéties des derniers jours qui m’avait amené, du déclenchement de la procédure, longue et assez coûteuse, à la décision finale.
Mon petit déjeuner eut un goût inédit, subtil, il me sembla que le soleil brillait davantage, d’un éclat nouveau, et que le ciel ne pesait plus comme un couvercle quelle que fût sa couleur. Je me préparai à partir au travail le cœur léger. Je me surpris même à chantonner en rangeant mes affaires dans mon vieux porte-documents élimé aux entournures.
Je descendis et rencontrai ce crétin de concierge, comme à l’habitude, qui me lança son œil torve quotidien, en frisant sa moustache avec son sempiternel regard égrillard.
- Tout va comme vous voulez, Monsieur C…
- Ttt ! ttt ! Je vous arrête tout de suite ! l’interrompis-je brutalement, laissant l'autre comme deux ronds de serviette, son balai à la main. A partir d’aujourd’hui, jugement fait force de loi, enfoncez-vous bien ça dans la tête, je m’appelle Bonnard. Jacques BONNARD.
Je sortis dans l’air frais de la rue, et pour la première fois de ma vie, elle me parut chouette.