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Le défi du samedi
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28 juin 2008

En plein dans le mille (Papistache)

Sept heures trente. Monsieur Lanoir ouvre les contrevents fatigués de sa maison dont le crépi lépreux s’effrite en larges squames hideux. 


Sept heures trente et une. Le long bonhomme voûté pousse la porte d’entrée ; le carillon chinois lance dans le matin clair ses cinq notes aigrelettes.

Sept heures trente et une et vingt secondes. La porte se referme doucement. Monsieur Lanoir mesure tous ses gestes.

Sept heures trente-deux. Trois galets de la terrasse, épris de liberté, sont replacés dans leur alvéole respective ; un coup de talon les enfonce jusqu’au prochain  désir d’émancipation.

Sept heures trente-trois. Le méticuleux propriétaire des lieux fait face à son portail. Une allée de vingt-deux mètres et trente-huit centimètres. Sa main droite plonge dans la poche de son caban râpé ; elle en tire un lourd trousseau de clés disparates.

Sept heures trente-trois et neuf secondes. Monsieur Lanoir inspire profondément l'air humide du petit matin. Il se concentre, se repasse mentalement le film des instants qui l'attendent.

Sept heures trente-quatre. Bras légèrement fléchi mais fermement pointé vers le portail, le sexagénaire amorce le premier des trente-sept pas qui vont le conduire au seuil du portail clos. Clos, comme les yeux de Monsieur Lanoir.

Un, deux, trois, quatre... mentalement, Monsieur Lanoir compte, comme chaque matin, les pas qui le rapprochent de la serrure, ...trente-trois, trente-quatre, trente-cinq, trente-six, trente-sept. La clé vient s’emboîter exactement dans la fente du cylindre de laiton huilé à la perfection. Exactement ! Pas un centimètre trop haut ou trop bas, exactement dans la fente !

Le 25 févier 1996, il avait neigé. Le comptable débonnaire avait mal apprécié la hauteur de la couche de neige et la clé était venue heurter le barillet un demi-centimètre trop haut. Il avait dû recommencer une seconde fois. La journée n’avait apporté que des désagréments.

Sept heures trente-cinq. Monsieur Lanoir s’en retourne vers l’entrée de sa demeure, dissimulant un sourire de satisfaction derrière son épaisse moustache blanche.

— Épouse-Jamais-Lasse, j’ai ouvert le portail !
— J’arrive, lui répond une douce voix au timbre égal, j’éteins la lumière de la cuisine. Douze, onze, dix, neuf...

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Commentaires
C
Une vie bien réglée pour un texte minuté
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F
Je suis perplexe devant ce personnage, je crois que je manque d'imagination pour le voir apparaître devant mes yeux. Snif, snif!
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S
Eh bien, il ne fait pas bon être un galet épris de liberté !
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V
L'exactitude pour certains est perfection!<br /> Pour certains...<br /> Hihihi<br /> Sourire<br /> Vanina<br /> <br /> Merci pour ce texte minutieux.
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M
Faut-il comprendre que Monsieur Lanoir fait tout par coeur,comme une habitude bien ancrée, "les yeux fermés" comme on dit ... ou qu'étant aveugle il est obligé de tout faire par coeur, ses yeux ne lui rendant plus aucun service ?<br /> J'avoue que j'hésite. <br /> Les descriptions sont excellentes ! Un régal !
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P
Ah ! Aude, si j’ai un feu, rouge ou vert, en allant travailler, c’est que je me suis trompé d’itinéraire Aux feux rouges, saviez-vous que vous annuliez le mauvais sort en retenant votre respiration ?<br /> <br /> Pandora, ce petit monsieur est un magicien qui détient les clés du monde. Qu’il vienne à faillir dans sa mission et les pires catastrophes surviennent, c’est le 25 février 1996, qu’en se rasant, un certain N*** S*** a entrepris de conquérir le poste qu’il occupe actuellement.<br /> <br /> Sage maxime Tilu, restons fous. Je ne fais que cela !<br /> <br /> Comme je comprends votre personnage, Papistache.<br /> J'ai moi-même quelques "obsessions" de la sorte.<br /> <br /> Val n’achetez pa sune piscine vou ssuffoqueriez. Oui, je sais, vous me l’avez déjà dit, vous iriez au-delà de dix. Genre dix fois dix fois dix !<br /> <br /> Janeczka, la planche a’ r’pass’ra un’ autr’ fois. J’ai écrit ma honte. Je ne veux pas paraître diminué en ces lieux si fréquentés. Songez si j’y avais laissé plus que les oreilles !<br /> <br /> Merci Joye, ces descriptions étaient là pour bien montrer que toutes ressemblances entre M. Le noir et moi n’étaient même pas envisageables.<br /> <br /> Faites comme Aude, Janeczka, secouez une fois à l’endroit ,une fois à l’envers.
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T
Je repasserai donc...
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J
Ton texte a beaucoup d'à l'heure.<br /> <br /> (c'est l'assen')<br /> <br /> Bravo !!! Des descriptions délicieuses dès le départ !
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J
Et la planche a repasser?
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V
Comme je comprends votre personnage, Papistache.<br /> J'ai moi-même quelques "obsessions" de la sorte. <br /> <br /> Quand je remplis une bouteille d'eau, ou une carafe, ou un arrosoir, il faut que je ferme les yeux et que je compte jusqu'à dix. Si à dix la bouteille n'est pas remplie ou bien si elle déborde, c'est le drame. <br /> <br /> Est-ce que Monsieur Lanoir a une Madame Yvonne à proximité? J'espère que non, parce qu'elle risque je le prendre pour un fou, non?
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T
Quand on est réglé comme une pendule, le moindre grain de sable devient un rocher... conclusion: restons fous....
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P
Je ne sais que penser de votre personnage, j'hésite entre un vieux monsieur un peu obsessionnele et un vieux monsieur parkinsonien, et j'ai un petite préférence pour la deuxième option...Mais l'épouse a l'air pareille et ces maladius ne sont pas contagieuses ;-)<br /> Difficile de vieillir, certaines manies du quotidien deviennent alors le moyen de se rassurer. Maison fatiguée pour habitants fatigués...
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A
Nous avons tous (enfin je crois) des petites manies comme ça. Si j'ai moins de 5 feux rouges pour aller au travail, la journée sera bonne!
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