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Le défi du samedi
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27 septembre 2008

Pré-histoire (Pandora)


Il a d’abord pris peur quand la sonnerie s’est déclenchée lors du passage dans le portique de sécurité. Il a pourtant bien acheté son billet, payé avec du vrai argent, au tarif étudiant justifié par une vraie carte d’étudiant. Pas un de ces trucs plastifiés qu’on se fabrique tout seul en bidouillant sur son ordinateur, une véritable carte pour le thésard en maths qu’il est. Et la fréquentation des musées n’est pas réservée aux seuls étudiants en beaux arts tout de même… Alors quand tout ce monde s’est précipité vers lui lors du déchainement de décibels, il s’est franchement demandé ce qui lui arrivait. Puis un homme à lunettes en costume sombre, avec une belle cravate rouge ornée de petites statuettes s’est approché de lui en lui tendant la main :

- Félicitations Cher Monsieur, votre numéro de billet a été tiré au sort au grand jeu des musées de France.

Venant de l’entrée, le photographe officiel du musée se précipite pour immortaliser la poignée de main célébrant l’instant et fait crépiter son flash, figeant le jeune homme dans une pause d’éberlué au visage lunaire qu’il n’est pourtant pas à l’abri des murs de son laboratoire.

La caissière qui a reconnu en ce jeune homme intimidé l’habitué des dimanches matins de renchérir :

- Et il le mérite Monsieur le Directeur, il vient tous les dimanches !

- Nous avons en plus un amateur de culture. Le sort n’a pas été aveugle cette fois. Monsieur, vous êtes le grand gagnant, bravo.

Et tout le monde autour de se mettre à applaudir ce drôle de jeune homme en duffle coat.

- … Merci beaucoup. Je ne m’attendais vraiment pas à cela.

- … ? Soulèvement de sourcils interrogatif du directeur.

- … ? Haussement d’épaule interrogatif du petit étudiant.

- Mais vous ne voulez pas savoir ce que vous avez gagné ?

- Si bien sûr. Excusez-moi. C’est à dire que je ne m’y attendais pas…

- Vous avez gagné l’œuvre d’art de votre choix dans ce musée.

Il peine à intégrer vraiment ce qu’il entend mais ce qui ce sont les grands cris dans le public qui le font réaliser. Public qui dans l’intervalle a grossi de façon exponentielle, attiré comme les papillons par la lumière des flashs mais aussi et surtout bloqué par le petit cordon d’étranglement au portique.

- Vous voulez dire que je peux choisir ce que je veux ? Comme dans un supermarché ?

- Oui, on peut formuler ça comme cela. Je vais vous accompagner dans les allées du musée, et vous allez regarder tranquillement toutes les œuvres. Et je vous fournirai les explications que vous souhaitez pour que vous puissiez choisir.

- C’est à dire que dans ce cas je sais ce que je veux.

Et le petit étudiant de rougir de confusion

- Vous avez déjà décidé de l’œuvre d’art que vous allez choisir ? En 30 petites secondes ?

- Oui. C’est pour cette elle que je viens chaque dimanche. Je reste des heures à la regarder. A contempler ses formes généreuses, son port de reine, ses traits si délicats. C’est un tel chef d’œuvre…

- Oh, laissez-moi deviner… C’est une statue de l’aile romaine, non ?

- Non p…

- Un tableau de l’aile renaissance ?

- Non Monsi…

- Pas de la période romaine ni de la période renaissance, vous m’intriguez… Où est donc cette œuvre ?

- Dans l’aile préhistorique.

- Ne me dites pas que vous voulez notre Vénus ?

- Non, je vous parle de Justine (c’est le prénom qu’il y a marqué sur son badge), la gardienne. Je crois que je suis amoureux, et mon œuvre d’art préférée, c’est elle. Je la prends sans aucune hésitation !

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13 septembre 2008

Secrets de fabrique (Pandora)

On m’a souvent demandé comment je faisais. Bien sûr, il y avait toujours en filigrane derrière cette question l’envie de me ressembler, même si ce n’était pas clairement énoncé. Comment pourrait-il en être autrement ?

Mais je ne vais pas livrer aussi facilement tous mes petits secrets, pourquoi le ferais-je d’ailleurs ? Ce que j’ai découvert est à la portée de tous, il suffit de prendre la peine de chercher un peu comme je l’ai fait. Aux autres de le faire comme moi s’ils veulent me ressembler. On trouve beaucoup de choses dans les bibliothèques si on prend le temps de se plonger dans certains livres…

Non, je ne vous direz pas lesquels. (Rires)

Peut-être allez-vous me considérer comme un infâme égoïste avide et avare de son petit pouvoir. Je vous l’accorde volontiers parce que je vois encore une fois en filigrane derrière votre jugement cette envie, chez vous comme chez les autres, de me ressembler. Je peux tellement le comprendre même si je ne peux accéder à vos demandes sans quoi je ne serai plus l’Unique.

Mais je refuse qu’ « on » essaie d’accéder à mon savoir et à mes super pouvoirs par la force, qu’ « on » essaie de s’introduire dans mon esprit sans me demander la permission. Qu’ « on » viole mes pensées comme « on » le fait depuis quelques semaines… Et quand je dis « on », ne croyez surtout pas que c’est parce que j’ignore d’où viennent ces tentatives d’effraction de mes pensées. C’est pour vous protéger que je ne cite pas de nom, pour que vous n’ayez pas d’ennuis avec « eux ».

Alors, aujourd’hui, j’ai décidé de me défendre puisqu’ « on » s’en prend à moi. Mes ennuis ont commencé depuis que mon nouveau voisin a installé une antenne parabolique, je pense qu’il est avec « eux ». Sinon il l’aurait enlevée quand je lui ai demandé de le faire. J’ai bien remarqué son sourire en coin quand je lui en ai parlé, je crois d’ailleurs qu’il m’a pris certains de mes pouvoirs car je me sens plus fatigué ces derniers temps. Je ne peux donc plus attendre sans quoi je risque de devenir comme tout le monde, de redevenir comme vous. Banal et insignifiant. Je m’y refuse, bien sûr.

Ce soir je vais aller le trouver et s’il refuse d’accéder à ma demande, je m’en occuperai moi-même. Avant qu’il ne soit trop tard. Et ne me demandez pas comment je vais faire, il ne serait pas prudent vis-à-vis d’ « eux » que vous le sachiez.

Ce soir « leur » antenne parabolique aura été détruite.

Foi de Superman.

2 août 2008

Trop de la chance - Pandora

-      - Salut maman.

       - Bonjour Philaster, tu rentres déjà ?

        - Ouaip.

        - Tu ne vois pas Ambrelune ce soir ?

   - Non.       

        Je le regarde qui se sert un verre de lait de soja (le lait de vache est hors de prix depuis que la majeure partie des récoltes sert à fabriquer le bioéthanol plutôt que de la nourriture) comme quand il avait 10 ans…

        - Vous vous êtes disputés ?

  - Non maman, on n’est plus ensemble, c’est tout.

      - Plus ensemble ! Ces deux là étaient collés l’un à l’autre plus étroitement que saturne et ses anneaux, ce n’était tout simplement pas possible.

       - Mais hier encore, vous étiez là à rire ensemble…

  - Hier, c’était hier !

       Dans le genre réponse laconique, Philaster tient incontestablement de son père…

        - Mais que s’est-il donc passé de si grave ?   

       - On a vu qu’on n’était pas faits l’un pour l’autre, c’est tout.

       - Mais vous êtes tellement complices… enfin bon je sais que je me mêle peut-être de ce qui ne me regarde pas.

        Philaster se ressert un verre en me regardant d’un air goguenard :

       - Tu t’occupes TOUJOURS de ce qui ne te regarde pas maman…   

  - Ce n’est absolument pas vrai. Mais là vraiment, je ne comprends pas…

        Il me regarde en hésitant, peut-être va-t-il enfin me la cracher, sa valda. Allez fiston, dis-tout à ta mère …   

       - … C’est parce qu’elle va déménager à l’autre bout de la ville….

       - Et ?

     - Alors, elle sera beaucoup trop loin de chez nous. Maman, si vous aviez les moyens de me payer un éthylo-scooter, nous pourrions rester ensemble, mais là, ça n’est pas possible.

      - Un éthylo-scooter ? Pourquoi pas un jerrican d’essence tant que tu y es ?  Tu sais bien que nous n’en avons pas les moyens même si nous aimerions te l’offrir. Ce genre de chose est devenu hors de prix depuis la grande crise pétrolière de 2018. Et de toute façon, tu sais combien coûte le litre de bioéthanol ? Comment te le paieras-tu ?

      - Je sais bien maman… Mais c’est à plus de deux heures en électro tramway et je ne pourrai pas faire tout ce trajet à roto-mollette pour aller la voir. Elle encore moins. Notre histoire n’a pas d’avenir. Il vaut mieux que nous nous séparions avant de trop nous attacher l’un à l’autre. Quand je pense que quand tu as rencontré papa, il venait te chercher en voiture. Une vraie voiture à essence. Vous aviez vraiment trop de la chance…

    Il me lance un dernier regard et sort de la pièce d’un air désolé.

    Trop de la chance ? Oui. Peut-être…

    Nous n’en avions simplement pas conscience.

 

12 juillet 2008

UNE RITOURNELLE (Pandora)

En 2018, rien ne sera plus grave, je te retrouverai sous les peupliers,

Non, rien ne sera plus pareil, le temps aura passé et tout sera oublié,

En 2018, tes cheveux auront blanchi et j’aurai perdu les derniers miens

Nous sourirons tous les deux au bonheur désormais à portée de nos mains

En 2018, tes enfants auront grandi, ils voleront de leurs propres ailes

Et comme après la pluie, l’horizon dégagé sera plein d’arcs en ciel

En 2018, je serai là au rendez vous, ne sois surtout pas en retard

Parce que cette fois je veux vraiment croire en notre histoire

Non, en 2018 il ne sera pas encore trop tard,

Pour qu’à côté de moi enfin tu viennes t’asseoir

Sur l’un de ces confortables mots verts interdits

Et qu’ensemble nous réécrivions notre nouvelle vie

5 juillet 2008

La boite de Pandora

C’est une Pandora grincheuse qui s’est retirée dans le jardin, sa petite boite posée à côté d’elle sur la balancelle. Une Pandora de bien mauvaise humeur quand quelques heures plus tôt la soirée s’annonçait pourtant si prometteuse : elle avait décidé de montrer à tous ses invités le contenu de sa boite à petits bonheurs pour partager avec eux souvenirs et émotions.

Oui mais…

Oui mais quand elle était venue avec sa jolie boite cartonnée cubique qui ressemblait à un paquet cadeau avec le ruban de velours bleu nuit noué autour, tous s’étaient levés en hurlant qu’elle ne devait pas l’ouvrir. Tous sans exception, ces gens qu’elle considérait comme des amis proches, ses familiers. Ils s’étaient écriés qu’il ne fallait pas ouvrir la boite de Pandora, qu’elle contenait tous les malheurs du monde et malgré tous ses efforts, elle n’avait pas réussi à les convaincre qu’il n’y avait dans sa boite que joies et bonheurs…

Elle s’était retirée dans le jardin et elle boudait dans son coin. Une petite voix la tira de ses noires pensées, celle d’Aphrodite, une petite fille envoyée en éclaireuse par ses courageux amis qui sentaient qu’ils l’avaient blessée. Une petite fille pour parler à la petite fille fragile qui sommeillait encore en elle.

-          Tu fais quoi ?

-          Je me balance…

-          Je peux me balancer avec toi ?

-          Bien sûr, viens …

Et Pandora prit la petite fille sur ses genoux, faisant doucement osciller la balancelle en caressant les cheveux d’Aphrodite.

-          C’est quoi cette boite ?

-          C’est ma boite à bonheurs

-          Waouw, t’en as de la chance !

-          Tu veux voir ce qu’il y a dedans ?

-          Oh oui, s’il te plait …

L’avantage avec les enfants, c’est qu’ils ne connaissent pas encore la mythologie… et qu’ils sont plus curieux que les adultes. Les yeux brillants d’Aphrodite avaient rendu le sourire à Pandora. Elle dénoua délicatement le petit nœud de velours en regardant la petite fille qui elle ne quittait pas des yeux la boite

-          Tu es prête ?

-          Oui

-          Un… deux… trois…

Et elle souleva le couvercle de la boite… Aphrodite leva un regard désolé

-          Pandora, on t’a volé tous tes bonheurs, regarde, la boite est vide

-          Mais non regarde bien…

-          Je ne vois vraiment rien

-          Et pourtant cette boite est pleine de petits bonheurs…. Tiens penche-toi, tu sens cette odeur de cannelle ? C’est la cannelle que ma grand-mère mettait sur les tartes aux pommes quand je venais la voir enfant. L’odeur de cannelle à l’entrée de sa maison annonçait le festin qu’elle nous avait préparé et je m’en léchais les babines d’avance. Et là, tu sens l’odeur de la lavande, c’est celle que nous allions tous ensemble cueillir le soir, en vacances dans le midi. Nous partions avec de grands ciseaux et ma maman en coupait quelques brassées qu’elle faisait ensuite sécher pour la mettre dans de petits sacs dans les armoires. Et là il y a une odeur d’épices, une odeur qui me rappelle mes voyages lointains. Tu ne vois vraiment rien ?

-          Ah si, je crois que je sens du parfum, comme celui que papa met sur ses joues après s’être rasé et après il vient m’embrasser dans mon lit pour me réveiller le matin…

-          Et là, tu sens cette odeur de chocolat ? Ces courses aux œufs de pâques dans le jardin, ces glaces au chocolat qui annonçaient l’été et les vacances. D’ailleurs ça me donne faim, tu sais ce que j’ai préparé comme dessert ? Du gâteau au chocolat.

-          J’adooooooooore le gâteau au chocolat

-          Tu sais quoi ? Je vais te donner ma boite à bonheurs et ce soir tu y mettras cette bonne odeur de chocolat, comme ça quand tu l’ouvriras tu te rappelleras de ce moment avec moi sur la balancelle, d’accord ?

-          Mais, si tu me donnes tes bonheurs, tu vas être triste….

-          Non, j’ai d’autres boites à bonheurs à la maison, et j’ai vraiment envie de te donner celle-ci.

Et Pandora prend la petite fille à la main, qui elle-même tient précieusement contre elle la jolie boite cubique mauve. Elles rejoignent dans la maison les invités pour déguster, réconciliés et à nouveau réunis, un délicieux fondant au chocolat avec une boule de glace aux fruits rouges…

Chocolat et fruit rouge, 2 petits bonheurs de plus à mettre dans la boite.

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28 juin 2008

Retour à domicile (Pandora)

Elle pose son gros sac sur le paillasson et y fouille pour y trouver les clés de la porte d’entrée. Elle cherche du bout des doigts la consistance molle de l’animal en peluche qui fait office de porte clé et finit enfin par trouver ce qu’elle cherche. Elle sort le gros trousseau, récompense de sa pêche miraculeuse, et met la clé dans la serrure pour entrer dans son intérieur douillet. Elle balance ses chaussures du bout des pieds en les envoyant voler à l’autre bout de l’entrée et pose un peu brutalement son sac et son ordinateur portable. Le calme et le silence de la pièce la reposent déjà. Elle se dirige vers le répondeur pour regarder si la petite lumière rouge des messages clignote, lui signalant que quelqu’un a pensé à elle aujourd’hui…

[Elle pose … ce qu’elle cherche.] Elle sort le gros trousseau récompense de sa pêche miraculeuse et met la clé dans la serrure et se dépêche d’entrer chez elle en posant brutalement ses affaires. Il lui reste à peine une heure avant qu’il n’arrive et elle ne veut pas le décevoir, elle veut l’étonner. Elle a acheté des petites choses épicées et exotiques à manger et les sacs regorgent de surgelés tout prêts pour l’épater. Il faut juste qu’elle n’oublie pas de jeter les emballages …

[Elle pose … ce qu’elle cherche.]Elle sort le gros trousseau récompense de sa pêche miraculeuse et met la clé dans la serrure et pose ses affaires dans l’entrée. Une douce musique baigne l’appartement et elle sent les effluves de ce qui sera le repas de ce soir. Il sort de la cuisine, un tablier blanc serré autour de ses hanches étroites, déguisé en chef cuisinier …

[Elle pose … ce qu’elle cherche.]Elle sort le gros trousseau récompense de sa pêche miraculeuse et met la clé dans la serrure et se précipite en courant vers la salle de bains la main sur la bouche, il était moins une. Elle va acheter un sac plus petit, elle en a marre de perdre à chaque fois tellement de temps pour chercher ses clés… Vivement que ce fichu premier trimestre se termine, on l’avait prévenue, mais elle espérait vraiment que son début de grossesse serait moins pénible…

[Elle pose … ce qu’elle cherche.]Elle sort le gros trousseau récompense de sa pêche miraculeuse et met la clé dans la serrure dans le petit cosy le petit bébé s’agite et gazouille. Elle le regarde et lui sourit : ça y est bébé, on est arrivé à la maison et tourne la clé en poussant la porte. Elle rentre avec son petit trésor qu’elle dépose dans le salon avant d’aller rechercher le reste des affaires. « Voilà mon amour, maman va s’occuper de toi»….

[Elle pose … ce qu’elle cherche.]Elle sort le gros trousseau récompense de sa pêche miraculeuse et met la clé dans la serrure mais elle n’a pas le temps de tourner la clé que la porte s’ouvre déjà : « Maman, on est rentrés, regarde ce que papa nous a acheté au zoo ». Des jouets jonchent le sol et elle entend crier le petit dernier depuis le salon, des enfants excités qui annoncent une soirée agitée…

[Elle pose … ce qu’elle cherche.]Elle sort le gros trousseau récompense de sa pêche miraculeuse et met la clé dans la serrure mais elle sait que personne ne l’attend ce soir, les enfants sont chez leur père ce week-end. Garde alternée. Elle est restée le plus longtemps possible au bureau mais il faut bien rentrer et affronter le silence et la solitude. Elle qui il n’y a pas si longtemps rêvait tellement de ces moments de calme ne sait pas quoi en faire ce soir. Ce qui a été son nid douillet n’a plus rien d’apaisant…

[Elle pose … ce qu’elle cherche.]Elle sort le gros trousseau récompense de sa pêche miraculeuse et met la clé dans la serrure pour rentrer ce soir, un soir comme les autres, un nouveau soir. Une nouvelle page blanche à remplir pleine de possibilités, de promesses et d’espoir. Pour qui le veut. Et elle le veut…

21 juin 2008

Somni médium (Pandora)

Encore une nuit presque blanche à m’agiter dans un demi-sommeil perturbé par une visite dont je ne garde qu’un vague souvenir. Je me rappelle simplement m’être promenée sur un beau tapis persan, les coussinets rosés de mes pattes effleurant délicatement la douceur des brins de laine, une promenade agréable mais fatigante. J’ai vraiment hâte que cette commande pour Miss Paddington, charmante Lady de 82 ans aux cheveux lilas, se termine… mais au rythme où j’avance cela augure encore quelques heures de dette de sommeil. Il faut bien payer les factures, et je dois absolument faire quelques réparations sur Caramel, ma vieille voiture. Je regarde sur la table de nuit et me lève rassurée, il manque le bleu dans son emplacement, le numéro six…. Sur la feuille de transcription, un papier recyclé un peu jauni mais on peut travailler avec les morts et se préoccuper de son avenir, je rajoute de mon écriture malhabile du matin le F de cette nuit aux lettres déjà inscrites…

Je suis médium et les esprits viennent me visiter dans mon sommeil puisqu’ils me font une vraie peur bleue et que je défaille si je les vois en journée. Je rentre dans leur corps spectral dans mes rêves en noir et blanc pendant qu’ils occupent le mien pour prendre un feutre (ou plusieurs) et délivrer leur message : somnambulisme spirito-guidé. Ils communiquent avec moi par l’intermédiaire d’une pochette de gros crayons de couleur aux capuchons dorés, rangés dans des emplacements doublement numérotés de 1 à 13 et de 14 à 26. Numéros correspondants aux lettres de l’alphabet qui vont ainsi former les mots du message en réponse à la personne qui me paye. Ça a l’air compliqué mais c’est tout simple (même les morts aux neurones pour le moins défraichis y arrivent, alors c’est pour dire), le noir dans son emplacement 1 correspond au A et s’il y a juste le capuchon d’enlevé, c’est le 14 donc le N…. vous commencez à comprendre ? J’utilise en général plusieurs pochettes de crayons de couleurs pour obtenir plusieurs lettres et ne pas y passer trop de nuits, selon l’intelligence de l’esprit mais aussi selon l’intensité du violet de mes cernes, elle-même proportionnelle à mon état de fatigue. Disons que je fonctionne entre 10 et 20 pochettes ce qui fait 10 à 20 lettres et donc quelques mots par nuit que je couche sur mon papier jauni, un message de l’au-delà pour ceux qui ont les moyens de se payer mes onéreux services, mais vous aurez noté combien je donne de ma personne. Vous vous demandez peut-être pourquoi l’esprit n’écrit pas directement sur le papier tant qu’il est dans mon corps, mais cette « occupation » provoque des transformations physiques qui me rendent incapables d’écrire lisiblement si j’en juge les feuilles noircies par des hiéroglyphes incompréhensibles que je trouvais au matin sur le bois acajou de ma table de nuit. Je passe d’ailleurs sur les autres découvertes que je peux faire à mon réveil, les esprits temporairement ré-incarnés en moi devenant parfois particulièrement facétieux et agités, ils ont ainsi tellement terrifié mon chat que ses poils sont devenus complètement blancs à mon premier contrat (il dort désormais chez ma voisine quand je me livre à mes activités de somni-médium).

 

Mais là, une lettre à la fois me semblait bien suffisante pour la faible intelligence du caniche abricot de la vieille Lady, et le message qui se profile me laisse craindre le pire sur ses capacités d’élaborer un discours un minimum construit.  Avec le F bleu de cette nuit, le message tient pour le moment en un mot : OUAF. C’est la dernière fois qu’on me prend à essayer de communiquer avec l’esprit d’un animal aussi stupide, même pour un aussi bon paquet de billets verts.

pandora_photo

14 juin 2008

Paul au carre - Pandora

Alors moi c’est Paulo. Paulo PAULEAU (mes parents avaient un sacré sens de l’humour, et je crois que mon père était pas mal éméché quand il m’a déclaré à l’état civil), mais bon appelez-moi "Paul au carré", c’est mon surnom.

Je suis là aujourd’hui parce que Monsieur Dutreil, votre instituteur, ben c’était aussi mon instituteur quand j’étais jeunot comme vous. Riez pas comme ça, ça fait pas si vieux que ça tout de même. Vous voyez la tour là au fond, et bien c’est là que j’habitais au 14ème étage. J’ai plein de bons souvenirs ici, j’en ai fait des bêtises, mais ce n’est pas pour ça que je suis venu. Je suis là pour vous parler de mon métier, parce qu’il semblerait que beaucoup d’entre vous croient que quand on vient de notre cité, on finit soit chômeur, soit dealer… soit en prison, mais ça c’est pas un métier pas vrai ?

Moi je ne suis rien de tout ça et pourtant je viens du même endroit que vous, mais j’ai pas mal travaillé, et avec Monsieur Dutreil, il y avait plutôt intérêt, j’suis sûr que ça a pas beaucoup changé ! Me regardez pas comme ça, je plaisante ! Alors il m’a demandé de venir dans sa classe pour vous parler de mon métier....

Je vous propose de faire un jeu, je vais vous donner des indices et le premier qui trouve, je l’emmène avec moi une journée à mon travail, et quand vous saurez ce que je fais, vous comprendrez que c’est un super cadeau. Prêt ?

Alors je fais un métier dans lequel je m’occupe de machines.

Non je ne suis pas pilote de ligne, même si ça fait rêver. Pas non plus sur un ordinateur.

Je les graisse, je les huile, je les bichonne…

Mais non, pas masseur ! Qui a dit mécanicien ? Oui, bravo, mais il faut trouver quelles machines, sinon ça serait trop facile…

Pas des trains, pas des voitures, pas des camions. Non.

Là où je fais mon métier, il y a beaucoup de bruit et de monde…

Non ce ne sont pas des avions que je répare et ce n’est pas non plus dans une usine.

Là où je fais mon métier, il y a plein de bonnes choses à manger, des choses sucrées et des choses salées, toutes meilleures les unes que les autres…

Non, je ne travaille pas dans un restaurant, ni dans une chocolaterie (tu as déjà mangé du chocolat salé toi ?) A la cantine ? J’ai dit des bonnes choses !

...

Je vais vous mettre sur la voie… Hier, j’ai réparé un grand dragon qui crachait du feu...

Qui a dit gardien de zoo ? Toi, mais gros béta, tu ne sais donc pas que les dragons n’existent plus ! Non, je ne travaille pas à Hollywood, mais j’aurais bien aimé. Non je ne suis pas médecin, c’est ta mère ou ton père qui crache du feu ?

Décidément, je crois que personne n’a envie d’aller s’amuser avec moi ce week end… Pourtant je ne reviens pas très souvent ici, seulement une semaine tous les ans. J’habite dans une jolie caravane rouge et je suis sur la route toute l’année.

Oui, je suis devenu un forain. Mais non pas dans un cirque…

Qui a dit que je réparais les manèges ? Toi, comment tu t’appelles ? Samedidéfi ?

Et bien petit, tu as gagné. Ce samedi, on va passer la journée ensemble et tu auras le droit de monter sur tous les manèges qui te font envie.

Et pour les autres, si vous voulez faire un métier qui vous plait, il faut vous en donner les moyens en travaillant bien à l’école. Mais si vous venez samedi, je vous aurai des réductions, vous en faites pas, et vous aussi Monsieur Dutreil, d’ailleurs il y a Madame Irma, la diseuse de bonnes aventures, qui rêve de vous rencontrer depuis que je lui ai parlé de vous.

Alors, à bientôt...                     

7 juin 2008

Sans titre ( Pandora )

J’attendais assise sur une petite chaise avec mon sac à mains sur les genoux. Mon genou droit tremblait sans que je puisse le contrôler comme il le faisait dans les moments de grand stress. Depuis que j’étais enfant, et ce bien que beaucoup d’eau ait coulé sous les ponts depuis. On m’avait débarrassée à mon arrivée de mon imperméable et je ne pouvais donc même pas cacher ce ridicule tic en m’en recouvrant. J’étais donc parfaitement mal à l’aise et l’ambiance glacée en ors et marbre de ce hall n’avait rien pour me rassurer. Que m’avait-il donc pris de répondre à cette annonce pour un entretien d’embauche, moi qui ne vais habituellement à cette page que pour la grille de sudoku ? J’étais alors tombée sur cette offre d’emploi inhabituelle sur une demi-page et en couleurs, un format bien inhabituel pour notre petit journal régional, qui avait attisé ma curiosité tout en m’irritant pas son caractère très intrusif.

 

« Cherchons femme d’âge mûr pour poste de maitresse de maison. Veuve ou célibataire sans enfants à charge. Compétences domestiques et culinaires indispensables. Culture et bonnes éducations requises de même qu’une grande moralité. Beauté non indispensable mais un physique avenant serait un plus apprécié. » Suivait le numéro de l’annonce sans autre renseignement.

 

J’avais été intriguée mais c’est Ginette, ma meilleure amie, qui avait relancé le sujet lors de notre partie de dames quotidienne, me demandant avec un petit sourire en coin si j’avais lu le journal ce matin et vu l’annonce. « Tu corresponds parfaitement au profil et cela mettrait un peu de beurre à ta pension de réversion, lance-toi et raconte moi tout, la vie est tellement ennuyeuse ». J’avais des travaux d’électricité à faire, un ravalement de façade avait été voté par la copropriété et je n’avais pas un sou devant moi. J’avais besoin d’argent, c’était certain, mais pas à n’importe quel prix. Je décidai cependant de répondre à l’annonce qui après un premier entretien avec réalisation de photos réalisé chez le notaire du bourg principal m’avait conduite ici. Pour « l’entretien de qualification » pour reprendre les termes de Maitre Cachotin. Au manoir, dans le hall duquel j’attendais depuis quelques minutes avec une appréhension croissante.

 

L’homme qui m’avait ouvert et que je pensais être le majordome (c’est en tout cas comme cela que cela s’appelait dans les téléfilms que j’avais pu voir) revint alors vers moi en me disant de le suivre, que le comte était prêt à me recevoir. Nous montâmes à l’étage et me il conduisit dans une grande bibliothèque aux murs garnis de rayonnages, claire et lumineuse, qui sentait bon le tabac à pipe. Au centre de la pièce trônait un magnifique bureau ouvragé où était assis un homme aux cheveux blancs qui se leva à mon arrivée Grand et altier, le nez chaussé de petites lunettes d’écaille mais souriant et avenant, il vint à ma rencontre pour m’accueillir.

 

« Ma chère, vous êtes donc venue ? »

 

Et comme je ne répondais pas, surprise par cet accueil et plutôt mal à l’aise, il enchaîna

 

« C’est donc vous que mes petits-enfants voudraient que j’épouse ? »

 

Rouge de confusion et très embarrassée par sa méprise, je lui répondis alors que j’étais simplement là pour l’entretien d’embauche de maîtresse de maison ce à quoi il éclata d’un grand rire sonore en me prenant la main.

 

« Ma chère, je crois que nous sommes vous et moi victimes d’une drôle de machination montée par mes farceurs de petits enfants. Mais puisque vous êtes là, pourquoi ne ferions nous pas connaissance ? »

 

Quelques mois plus tard, je signai mon CDI avec le comte de Marigny en l’épousant…

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