Un autre souffle (Clémence)
Depuis une année déjà, les dates des deux festivités maritimes étaient retenues.
Jeudi midi, tous les propriétaires des pointus et leurs accompagnants étaient réunis sur le quai. Grande discussion . Il fallait décider de l'heure du départ groupé. C'est un spectacle grandiose quand une armada de pointus, toutes voiles dehors entre dans un petit port méditerranéen.
Nouvelle venue dans cette association, j'allais naviguer avec deux amis sur un pointu de 9 mètres.
15 heures, le départ dans la joie sous un ciel bleu, un vent léger.
Nous devions partir en dernier . Je ne me souviens plus de la raison invoquée.
16 heures, nous étions toujours à quai. Nous attendions un retardataire.
Le ciel se couvrait, le vent se levait. Je voyais les mines soucieuses.
Pierre arriva et largua les amarres. Nous fîmes de même.
A peine installée, je fus prise de nausées, mais je crânais. Je ne voulais pas passer pour une mauviette, même si mes deux amis savaient que j'étais une vraie « terrienne ».
Le ciel était de plus en plus sombre, le vent de plus en plus fort.
Nos regards se portaient tour à tour vers le large et vers les côtes escarpées.
Le pointu de Pierre tanguait et gîtait devant nous. Vagues et houle. Un signe de la main. Tout va bien. Nous tenons bon.
Nous avions les yeux rivés sur les flots, nous ne nous aperçûmes pas immédiatement que Pierre ralentissait.
Quelques minutes plus tard, il fut derrière nous et la distance se mit à croître.
Mes amis, en alerte, l'interpellèrent. Le vent emporta les paroles. Seules les mimiques traduisaient les difficultés.
Les vagues se bousculaient, j'étais accrochée au plat bord, le cœur au bord des lèvres. Je grelottais. Je me fis toute petite car je savais que je serais inutile, voire une gêne.
Notre bateau changea de cap. Nous virons et partons à la rencontre de Pierre. Notre embarcation tournait autour de la sienne, avec précaution. L'information nous parvenait , hachée par le bruit du vent et de notre moteur.
Les téléphones portables entrèrent en jeu. Entre les deux bateaux et entre les Sauveteurs en mer. Les informations se croisaient et se contredisaient.
Nous continuions de tourner autour du pointu de Pierre. Lui, dérivait dangereusement. Il fallait à tout prix lancer une amarre.
Un de mes amis hurla : « Il va se fracasser sur les rochers ».
Ma panique était au maximum. Mon estomac ne résista plus. Je me penchai par dessus-bord.
Pierre attrapa l'amarre.
Étrangement, le vent retomba.
Je me mis à crier. Un méli-mélo de plastiques et de cordes filait droit vers l'arrière de notre bateau, menaçant l'hélice. La gaffe entra en jeu, à temps.