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Le défi du samedi
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16 septembre 2023

coeur de pirate (joye)

C’était comme une belle marguerite née dans le pré salé. On l’appelait Gaby, non pas pour Gabrielle, mais pour son nom de famille, Gabier. Lors des rares moments où elle souriait, on voyait sa dent tordue par la fortune. Au contraire des autres filles, Gaby restait indifférente à mes charmes masculins et cela la rendait encore plus envoûtante pour moi qui souhaitais tant piller ce butin inaccessible.

Le dimanche matin, elle faisait ses maigres courses au marché, je ne manquais pas de la saluer depuis ma table au Café de la Bourse.

- Ohé, Gaby, viens, je te paie un verre !

Mais elle ne répondait jamais. Alors, un dimanche matin, je redoublai mes efforts, sifflant ma fine et la suivant.

- Eh, Gaby, tiens, laisse-moi porter tes courses !

Mais elle ne se retourna pas, et Marine, la vieille poissonnière bourrue, bredouilla méchamment dans mon dos. « L’est pas pour toi, espèce de filou ! »

Je tremblai de colère. Et pourquoi donc ce joli petit butin blond me serait-il inaccessible ? J’avais fait tomber des proies bien plus séductrices qu’elle. C’était connu.

- On verra ça, vieille carpe ! criai-je avant de me retourner, mais Gaby avait déjà disparu dans la foule des mamies et d’autres croûtes préhistoriques reniflant les fromages du coin.

Je ne sais pas ce qui se passa, mais après ce dimanche infructueux, je ne la revis jamais, ni le dimanche, ni le mercredi, ni au marché, ni dans la rue de son voisinage. Je m’occupais alors d’autres fauches plus faciles. Normal.

Et puis un beau jour, un an plus tard peut-être, la revoilà qui passait devant ma table, plusieurs sachets lourds enserrés dans ses mains. Et je ne pus pas me retenir, bien que ma nouvelle Marthe fût assise avec moi,

- Ohé, Gaby, laisse-moi porter…

Gaby se retourna et me sourit. J’étais tellement ébloui par son ventre arrondi que j’ai failli renverser mon verre en me levant.

- Tu sais quoi, Surcouf ? fit-elle.

C’était tellement inattendu, elle connaissait mon nom de famille ! Ma mâchoire s’ouvrit grand…je n’arrivais pas à répondre. Elle sourit et je reconnus sa dent tordue. Mes yeux s’aggrandirent.

-  Dis donc, toi, tu ressembles bien à un cabillaud périmé. Il faudra un jour que tu changes d’appât, fit-elle. 

 D'un coup, un jeune homme du village prochain s'approcha d'elle et prit ses fardeaux. Son sourire pour lui m'éblouit. Alors, les deux se repartirent vers le parking.

De loin, j'entendis rire l'abominable Marine.

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Commentaires
T
en te lisant je revois des scènes jouvet et arletty <br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=KYic1U1a6yw
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E
comme quoi les poissonnières ont bien mérité leur réputation, et même les plus cruels des pirates ont un coeur de midinette. Et définitivement l'amour est aveugle
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M
Bravo pour ce beau texte, on s'y croirait.
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W
Ah, les filles du bord de mer ! Elles ont du caractère... ;-)
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K
Chouette fille du bord de mer, même avec cette dent tordue, même par la fortune... Et du caractère face à ce dragueur si lourd !,)
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