Torticolis (TOKYO)
Je venais de conduire 6h, j’étais lessivée.
Un torticolis me verrouillait le cou .je ressemblais à quelqu’un qui venait de rater sa pendaison.
J’avançais dans l’allée principale craignant d’être en retard pour ma conférence sur la poésie.
Les auditeurs assis attendaient avec leurs gros yeux de grenouille.
J’avais l’impression d’être l’idiote de ma propre vie.
Personne ne voulait plus de la poésie. J’accomplissais un peu la même tâche que la femme de ménage qui poussait dans l’ascenseur un chariot de draps plein de sommeil. Le même travail vous dis je et comme elle je souriais à ces somnambules.
Je regardais fixement un mandala de pavé à l’intérieur de la salle, je n’avais pas le choix mon torticolis traçait la route de mon regard.
Ce n’était plus moi qui voyais les choses c’était les choses qui me regardaient.
De jeunes gens épris de poésies s’étaient assis en chef indien au fond de la salle. Ils retenaient leur souffle à chaque strophe.
A chaque poème un grand vide se creusait au beau milieu de la salle. Avec mes mains qui jouaient comme des enfants je ne laissais pas entrer la poussière du monde.
Mon âme allait en cloche pied poussant un pave de mot sur une marelle invisible.
La barre de métal qui s’était substituait à mes muscles commençait à fondre, plus je rentrai dans la poésie et plus mon cou s’allégeait.
C’était un grand voyage que celui-ci Istamboul, paris, new york , les mots sortaient de la boite à gant et nous sauter aux visages .
La conférence terminée, mes amis se sont enfoncés dans l’allée sombre des peupliers .
Les nuages ralentissaient leur course j’étais heureuse.