Autres rivages, partie huit (joye)
L’amitié de Pierre est comme une cathédrale. Elle est belle et délicate, un lieu de refuge, un abri de la dureté du monde, d’un travail prenant.
L’amour entre lui et moi est à nous, absolument et seulement. C’est comme les neiges d’hiver, les neiges d’antan. On les oublie un peu au printemps et en été, mais quand les environs retombent dans leur froidure cruelle, la chaleur de nos sentiments nous ravive. Elle nous souffle de la joie, des reflets des lumineux, des chuchotements et des sourires au fin fond de sa sacristie.
La structure de notre amitié a des spires, il y a un gros bourdon et des petites cloches qui rappellent l’esprit mystérieux qui communique silencieusement entre nous.Ce n’est pas un lieu pour des prières ni des attestations de foi, juste des occasions pour faire communier nos cœurs.
Il y a aussi une crypte pour les reliques des moments rares passés ensemble. Un jour, ils auront une fin, comme la chandelle allumée, scintillant dans la noirceur des faux serments des autres.
En attestant ces mots, je redéfinis et renouvelle mes croyances, je ressens le parfum épicé des encens. Je lisse les bords rugueux, j’entends encore les catéchismes que je fredonnais dans d’autres abbayes, dans d’autres églises, dans un autre monde.
Voyez-vous, je n’ai jamais cru en Dieu, mais je crois absolument au pouvoir des cathédrales. Et en Pierre.