Sans respirer (Vegas sur sarthe)
Je me souviens parfaitement que nous étions le dimanche de l 'Epiphanie – ce jour si particulier où l'on tire à la fois les reines et les rois – aussi étais-je impatient de retrouver Germaine pour satisfaire goulûment à cette tradition quand le bel oiseau aux couleurs d'une compagnie battant de l'aile qui me ramenait d'un déplacement professionnel décida de chuter brutalement du septième ciel vers ce plancher qu'on attribue aux vaches à lait, drivé de la main novice d'un pilote que j'imaginais à la fois boutonneux, exsangue et cramponné à son manche, provoquant l'apparition inopinée mais non moins charmante de deux petites mais fières montgolfières appartenant ostensiblement à ma non moins charmante voisine qui entreprit de les remballer de mains expertes tout en m'expliquant par le menu l'origine du phénomène de pesanteur sur les corps célestes et ses conséquences fâcheuses dont elle mesurait le poids et la portance à chaque fois qu'elle prenait l'air mais qu'elle assumait orgueilleusement au nom de sa condition de femme libérée d'autant plus qu'elle se trouvait être directrice technique d'une grande maison de lingerie à laquelle on attribuait la découverte de cet objet pigeonnant dont j'ignorais tous les secrets et qui m'en révélait tant et tant (tant à gauche qu'à droite) au point qu'il me fallait dès notre atterrissage courir en acheter un exemplaire pour ma Germaine qui avait toujours rêvé de ressembler à Adriana Quarantedeux... voire plus et j 'en étais là de mes calculs lorsque ma pigeonnante voisine mit un point final à son discours ampliforme, nous offrant à tous deux l'occasion de respirer alors que quelques points que l'on qualifie de suspension m'auraient peut-être autorisé à prendre – si j'ose dire – les choses en main afin d'entériner sa théorie par quelques travaux pratiques.
Bref, si vous avez pu lire ce récit sans reprendre votre respiration, vous comprendrez aisément dans quel état je me trouvais et compatir aux efforts des deux ambulanciers du SAMU qui m'ont ramené à la vie sur le tarmac ...