En Avignon (Yvanne)
Mon Jacquemart et sa Jaquote conversent dans la tour surmontée d'un campanile, place de l'Horloge en Avignon. Comme dans chaque couple il y a parfois des disputes. Il se trouve que l'expression « ce que femme veut... » ne se vérifie pas toujours. Voici l'exception qui confirme la règle puisque, à ma connaissance, ils n'ont, à ce jour, jamais quitté leur beffroi.
- Tu as mis ton chapeau-cloche mon Jacqueminet ?
- Voyons Jaquote ! Regarde mieux : il s'agit d'un casque !
- Oh, tu sais, je ne vois pas une grosse différence entre un chapeau et un casque. Et d'ailleurs, pourquoi portes-tu ce couvre-chef ?
- Les pigeons, ma mie. Les pigeons. Ils trouvent plaisant sans doute de me chier sur la tête toute la journée. Ils me saoulent.
- Je te comprends. Et si on partait mon Jacqueminet ? On pourrait déménager à la cloche de bois. Ni vu, ni connu, je t'embrouille.
- Tu en as de bonnes ma Jaquote ! Et qui sonnera les cloches ? C'est mon travail.
- Ton travail. C'est toujours le même son de cloche. Et moi alors ? Tu penses à moi quelquefois ? Tu ne m'aimes pas voilà tout.
- Je n'ai pas envie de me faire sonner les cloches par ce foutu sacristain bossu. Il me déteste. Je ne comprends pas pourquoi. Peut-être veut-il ma place.
- Et bien voilà mon Jacqueminet. Cède-la lui. Juste pour cet après midi. Il sera ravi et nous, nous irons nous taper la cloche ce soir. C'est oui ? C'est oui. Fabuleux !
- Comme tu y vas ma mie ! Il ne faut pas acheter la cloche avant la vache.
- Je t'en prie mon Jacqueminet ! J'ai tellement envie d'une bonne omelette aux truffes !
- Ben y a quelque chose qui cloche ma Jaquote...
- Allons bon. Et quoi donc ?
- Ma jambe droite, là. Elle se pourrit. Ce bois de figuier ne résiste pas à la pluie quand elle vient du Nord. Je crains de ne pouvoir marcher.
- C'est pas grave du tout. Tu iras à cloche-pied. Et puis je te tiendrai le bras. Regarde, j'ai tout prévu : j'ai mis ma belle casaque jaune et j'ai cueilli une rose pour mettre dans mes cheveux. Tu ne me trouves pas jolie ?
- Oh si ma mie. Tu es magnifique. Encore plus que la fée Clochette. Mais je ne crois pas que je puisse abandonner mon poste. N'y pense plus.
- Allez Jaqueminet ! Fais-le pour moi. Rien qu'une fois. Je t'en supplie.
- Non, ma mie. Ce n'est vraiment pas possible. Et que ferons-nous si je ne retrouve pas ma place ? Y as-tu songé un instant ? Veux-tu que nous soyons ensuite, toi et moi de la cloche ?
- Oh et puis, j'en ai assez. Tu me donnes le bourdon tiens. Marre que tu me mettes sous cloche. Cloche toi-même !