Quand j'serai grand, j'ferai Jacquemart (Vegas sur sarthe)
Quand Oncle Hubert déclara que demain vendredi nous irions en ville, l'annonce nous fit l'effet d'une bombe car le petit train des pêcheurs ne circulant plus que le dimanche entre cheu nous et Dijon on irait forcément “à la ville” avec la vieille Juvaquatre du grand-père.
Je vous passe les détails du voyage, vous n'aviez qu'à les lire sur mon blog !
Dédaignant le lac Kir sur notre droite (qui ne contiendra jamais que de l'eau) et une fois passé le pont du chemin de fer, on entra dans Dijon sous une rabasse soudaine qui vida les trottoirs de ses piétons.
La vieille rue des forges nous plongea subitement dans une atmosphère toute médiévale où Charles le Téméraire risquait d'apparaître d'un instant à l'autre à quelque borgnotte.
Nous n'écoutions plus Oncle Hubert, son orfèvrerie, ses forges, ses toits de tuiles plates vernissées aux losanges multicolores...
Déjà les trois étages de la façade gothique de l'église Notre-Dame nous écrasaient de toute leur hauteur d'où grimaçaient cinquante gargouilles inquiétantes jusqu'à ce qu'Oncle Hubert nous rassure quant à leur caractère purement décoratif.
Quiconque n'a jamais vu un jacquemart en action ne peut imaginer la magie d'un tel spectacle.
Un jacquemart est un automate de bois ou de métal qui s'anime pour sonner les heures sur la cloche d'un campanile.
On raconte qu'un jour que notre jacquemart dijonnais s'ennuyait, il oublia de sonner. On eut alors l'idée de lui offrir une femme, Jacquotte - courte jupe et chapeau en galette - pour l'aider à sonner les heures puis vinrent plus tard les enfants Jacquelinet qui sonne les demies et Jacquelinette les quarts d'heure.
Les présentations étant faites, il était dix heures pétantes et Jacquemart et son épouse s'animèrent pour notre plus grande joie.
Voir et entendre sonner dix coups était loin de nous satisfaire et Oncle Hubert comprit qu'il allait devoir patienter un quart d'heure afin d'assister au ballet des enfants.
Il nous abreuva de nouveaux détails, expliquant comment Philippe le Hardi rapporta “notre” jacquemart après sa victoire sur les Flamands en 1382...
Nos trépignements d'impatience encouragèrent Oncle Hubert à continuer en nous récitant par coeur ces vers du chanoine-maire Kir qui donna son nom au fameux blanc-cassis:
“Je suis en haut toujours de garde
Humant le bon vin, la moutarde
Et de minuit jusqu'à midi,
Tout en fumant une bouffarde,
Je sonne hardi-petit, hardi”
Autour de nous les curieux applaudissaient, certains même l'ayant pris pour un guide touristique mettaient la main à la poche.
On s'est payé une bonne tranche de rigolade et quelques unes de pain d'épice aussi quand Jacquelinet et Jacquelinette sont enfin entrés en action.
La sonnerie du quart d'heure n'est qu'une formalité mais on eut le temps d'apercevoir le p'tiot et la p'tiote dans leurs oeuvres.
“Quand j'serai grand, j'ferai Jacqu'mart” déclara le petit cousin.
Vindieu, une vocation était née !
“Parait qu'ceux d'la place saint Marc à Venise sont plus grands” osa un touriste.
Les cousins et moi, on a un regard spécial pour ça, celui qu'on réserve aux cul-terreux, à ceux qui sont pas d'cheu nous.
Oncle Hubert quitta alors son costume de guide touristique, remercia les badauds et nous annonça la prochaine réjouissance:
“On va miger (manger) au buffet de la Gare!”
On a jarté d'là, d'autant qu'une nouvelle rabasse se précisait.
“Dis nononque, comment qu'y font les Jacquemarts pour pas rouiller?” demanda le petit cousin.
Heureusement la pluie qui redoublait nous évita un cours magistral de l'influence des oxydes hydratés sur le chapeau d'la Jacquotte.
On allait finir gaugés en arrivant au buffet.
Pour la suite, veuillez vous reporter à mon blog … Article « Cancoillotte et Trou du Cru » .