À l'arrière des berlines (Vegas sur sarthe)
J'aime bien les défis, surtout quand je gagne et je n'allais faire qu'une bouchée de celui-ci.
Laconique, elle avait juste chuchoté « A minuit derrière les Citroën» et cet ultimatum m'excitait comme un adolescent qui fantasme à l'idée de s'envoyer en l'air à l'arrière des berlines.
Après bien des recherches il était presque une heure du mat et à la lueur de ma torche qui vacillait moins que mes guibolles il n'y avait que deux bagnoles planquées dans le petit bois.
La première était une Peugeot – je n'ai rien contre la marque au lion, bien au contraire – et l'autre était déjà habitée à en juger par les jambes qui dépassaient et s'agitaient par la fenêtre arrière …
Pourquoi avait-elle dit « les Citroën» alors qu'une seule suffirait à nos premiers ébats fussent-ils débridés ?
J'approchai résolument du compas qui sortait de la voiture, bien décidé à trouver le corps auquel il appartenait afin de demander à la tête s'il existait dans ce petit bois un endroit réservé aux Citroën.
Je dus me pencher à l'intérieur pour deviner la tête de cette bête à deux dos qui se démenait fougueusement sur la banquette arrière.
Entre deux « Han » et trois « Oh Oui » je distinguai un « Va t'faire foutre » qui correspondait bien au lieu et à la situation.
Comme je me permettais d'insister une masse s'extirpa de la voiture et fondit sur moi en rugissant.
Je n'ai pas pour habitude de courir vite mais je cours toujours plus vite que n'importe quel type qui a son pantalon sur les chevilles.
Au bout de cent mètres je trouvai refuge derrière une haie tandis que le type retournait à son affaire en sautillant.
A en juger à la lueur vacillante de ma torche ma haie protectrice était une haie d'arbustes somme toute rustique de la grande famille des Oleaceae dont je n'avais rien à faire à cette heure indue.
Etonnamment il s'en dégageait une forte odeur de jasmin qui me faisait vaguement penser à ce flacon de Lancôme que j'avais offert à Germaine pour notre première rencontre …
La coïncidence était ahurissante, bref j'en étais là de ma réflexion quand une furie à la bouche vorace mangea la mienne.
Je tombai à la renverse sous la sauvagerie de l'agression et récupérai ma langue à grand peine en reconnaissant mon agresseur : »Qu'est-ce que tu fais là ? »
Telle une harpie échevelée, Germaine m'étranglait : « ça fait une plombe que j't'attends derrière ces troènes ! » et elle ajouta « t'as failli m'poser un lapin dès la première fois ? »
« Euh... la deuxième fois » rectifiai-je en lui rappelant notre speed dating de la semaine passée.
Elle s'était inondée de Jasmins Marzipane et j'en eus aussitôt la nausée tandis qu'elle s'employait à rattraper cette heure perdue.
Pas facile de rattraper une heure d'extase quand on a encore à l'esprit ma course folle avec le malabar déculotté !
Je n'osais avouer ma mésaventure à Germaine mais quelque chose me turlupinait ; entre deux apnées je réussis à demander : « Au fait, elle est garée où ta Citroën ? »
Germaine se redressa, tout aussi échevelée : « Quelle Citroën ? J'ai une Mazda»
Une Mazda … à défaut de Duracell ça m'aurait dépanné pour ma torche qui vacillait de plus en plus mais je me gardai bien de lui en faire part.
J'avais dû mal comprendre et ça ne présageait rien de bon pour Germaine et moi