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Le défi du samedi
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6 avril 2019

Le cursus de Rémi (Val)

 

Lorsque Rémi s’apprêta à faire sa première rentrée à l’école, la loi changea. L’école était désormais obligatoire à partir de l’âge de deux ans. L’Etat ayant pensé à raison que les parents n’étaient plus en mesure d’enseigner les fondamentaux à leurs enfants (propreté, langage...). 

Rémi s’adapta rapidement à l’école, et sortit de la maternelle à l’âge de six ans, comme ses camarades, ayant validé tous les acquis demandés. Vrai! Les cases de son dossier scolaire étaient toutes emplies de gommettes vertes. Et ce n’était pas vraiment bon signe pour son avenir. 

L’année de son entrée en CP connut également une réforme importante de l’éducation nationale. Apprendre à lire n’était plus obligatoire. En revanche, les élèves étaient évalués sur leurs capacités à utiliser une tablette et à maîtriser les nouvelles technologies en général. 

Malheureusement pour lui, ses parents étaient assez réactionnaires et lui apprirent à lire et à écrire tout de même. 

Rémi sachant s’adapter aux situations, il sortit de l’école primaire avec toutes ses gommettes vertes en utilisation des outils numériques. Bien que ses enseignants avaient relevé une curiosité un peu malsaine chez lui, notamment des envies d’apprendre à poser des multiplications à la mains, sans calculatrice. Aussi, en CM2, tout stylo lui a été confisqué. Et il était puni de papier également. Ces outils n’étant plus tolérés en classe.

Rémi entra en 6eme. Il sut s’adapter là encore. C’est à dire s’ennuyer, et ne pas se montrer trop impliqué dans son travail scolaire. Malgré tout, les professeurs convoquaient régulièrement ses parents pour les mettre en garder: Rémi avait parfois l’audace de travailler plus qu’il ne le fallait. C’était assez mal vu. 

Mais enfin, il eut son brevet et entra au lycée. 

C’est là que Rémi fit sa première véritable erreur en matière d’orientation. 

La nouvelle réforme demandait aux élèves de ne choisir que trois matières à étudier dès la classe de seconde. Le options facultatives n’étant autorisées que sur dérogation. Rémi voulu choisir la littérature, les mathématiques et la physique en priorité, et demanda deux dérogations pour la philosophie et l’économie (il apprenait les langues étrangères et l’histoire à la maison, car il était interdit de suivre plus de cinq cours différents au lycée). 

Rémi obtint ses deux dérogations mais fut très mal vu au lycée. Sa soif d’apprendre était perçue comme le signe d’une prétention insolente, et comme une sorte de nonchalance (perdre du temps à apprendre tout ces inutilités plutôt que de s’initier aux réseaux sociaux, et de s’exercer aux snaps, seules manières efficaces de trouver un travail plus tard!). 

Rémi eut son bac de justesse et au rattrapage seulement. 

Il n’avait pas mesuré qu’il partait avec un handicap de taille: si certaines options donnaient des points supplémentaires au bac, telles que le sport, les réseaux sociaux ou encore le stand-up, d’autres telles que la philosophie en soustrayaient. Ainsi il perdit dix-huit points. 

Rémi suivit ensuite des cours de langues mortes en licence de civilisations anciennes. Il n’avait jamais appris le grec ni le latin, pourtant, mais à présent on ne choisissait plus sa filière d’université. C’était un algorithme qui décidait, en fonction des options choisies et des résultats des élèves. Rémi ayant choisi un baccalauréat de pédant, l’ordinateur l’admit dans une fac de pédant. Point.

N’importe. Il apprit, bon gré mal gré, le latin et le grec. Il réussit avec brio chaque examen. C’est ce qui fit son plus grand tort. 

Les étudiants, depuis la dernière réforme de l’université, n’avaient plus le choix de leur thèse. Elle était choisie par le doyen de l’université en fonction de leurs capacités, et pour ne défavoriser personne. Ainsi, un étudiant sachant à peine écrire devait soutenir une thèse (uniquement à l’aide de photos) sur Instragram. 

Rémi était vu comme un étudiant rebelle, qui s’obstinait à étudier, et cela ne plaisait guère.

C’est donc après un baccalauréat « fondamentaux option philosophie », puis une fac de pédant, qu’il dut rédiger et soutenir une thèse sur les Zapotheques. 


Rémi obtînt tous ses diplômes. Bien sûr, il ne trouva jamais d’emploi. 

Et ça vous étonne? Un bosseur pareil, c’est honteux! Ça vit aux crochets des gens normaux, qui se contentent de savoir à peu près écrire et utiliser une calculette à bac+5. 

C’était pourtant pas faute de l’avoir prévenu... 

 

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Commentaires
P
J'aime beaucoup ton humour... si proche de la réalité...
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B
Et oui ça fait peur mais on dira bien que ça approche... J'ai suivi toute cette histoire avec beaucoup d’attention Bravo et Merci Valecrit
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V
il faut que rémy s'installe dans la silicon valley !!
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M
Dans nôtre société, ce n'est pas l'intelligence qui est mise en avant mais la capacité de chacun à assimiler certaines logiques établies par avance...Nous ne sommes tous que des exécutants avec une marge de manoeuvre si dérisoire qu'il est souvent difficile de s'épanouir, quelque soit le domaine d'activité.
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L
Mais où sont les neiges d'antan ???
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J
Texte super intéressant, Val. Un peu comme le sujet de la nouvelle "Harrison Bergeron" de Kurt Vonnegut, où personne n'a le droit d'être plus doué que son prochain.<br /> <br /> <br /> <br /> Très cool de te relire ici, j'espère qu'on te reverra très souvent.
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J
La science-fiction est à nos portes ! Et elle ne fait plus rêver, hélas !
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W
Bien qu'étant Belge, je ne suis pas trop dépaysé...
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P
C'est une charge sévère, mais imagine-ton une charge molle ou complaisante ?<br /> <br /> D'où viendra la résistance ? De l'intérieur ? De l'extérieur ? Car elle viendra. Elle viendra ?<br /> <br /> <br /> <br /> Dommage que ma mémoire me fasse une fois encore défaut, dans les années 70 (19oo!) le Livre de Poche avait publié dans sa collection « Encyclopédie de la science-Fiction » un texte traduit de l'américain que j'aurais aimé mettre en parallèle avec Ton texte. Ce n'est pas qu'il ressemblait au tien, juste que, en parallèle, il me semble qu'il aurait sa place. C'était dans le tome « Histoires de Mutants ». Hélas, ce petit livre a suivi son destin de petit livre, prêté ou donné, je ne le trouve plus sur mes étagères, du coup, j'ai oublié et le titre et le nom de l'auteur et peut-être même se trouvait-il dans un autre tome de l'encyclopédie (je ferais mieux de me taire, je sais, avec tant d'indices). J'en ai encore quelques souvenirs mais peut-être quelqu'un qui lira ton texte et ce commentaire retrouvera sur ses étagères à lui le petit bouquin jaunâtre et corné.
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L
ça me rappelle quelque chose...
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