Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le défi du samedi
Visiteurs
Depuis la création 1 053 282
Derniers commentaires
Archives
26 mai 2018

Origami honey (tiniak)

 

J-13, guéridon 8

Deux ans que je fréquente ce bar de quartier, dont l’ambiance familiale anime un public éclectique. Aux temps froids, je m’installe à ce guéridon dans un coin de la salle du fond, devant un verre de Chablis, de Cheverny ou de Mâcon, mon carnet de poèmes ouvert sous la main, avec vue sur le zinc et l’oreille aux aguets.

 

Ce jour-là, une nouvelle tête prit place au comptoir, au bout à droite. Plutôt jeune – disons, la trentaine, une silhouette féminine agréablement proportionnée habillée avec soin, une coiffure complexe encadrant un visage où persistait une rondeur enfantine; elle s’exprima avec discrétion pour passer commande et demander le quotidien local mis à la disposition de la clientèle. Dans son recoin, elle s’attela à composer le sudoku du jour. Une oie blanche dans l’agitation bruyante et familière des habitués qui l’observaient du coin de l’œil.

 

J-6, comptoir

Le printemps tarde, bien que l’on soit déjà passé à l’heure d’été depuis dix jours.

La « nouvelle » se révèle plus ouverte, pimpante et rigolote qu’il ne m’avait semblé. C’est la quatrième fois qu’elle vient. Nous nous sommes rapprochés autour du canard quotidien. A elle, le sudoku, à nous (Abel, un joyeux drille de retraité et moi-même) les mots fléchés, les mots croisés étant plutôt mon pré carré.

 

Nous sympathisons. Elle se prénomme Rébecca.

 

J-4, guéridon 16

Malgré un petit vent d’est un brin mordant, je m’installe en terrasse. Je suis fumeur, c’est pus commode. Rébecca m’y rejoins avec son tango-fraise, occupe l’autre chaise. Nous devisons. Cariste de son état, elle n’est pas dénuée d’un humour assez hommasse, goûte la blague salasse et lâche des éclats de rire spontanés, tonitruants, aux accents graves, l’œil coquin, la canine acérée. Rock’n’Roll, la poulette !

 

Ce soir, c’est vendredi. C’est « ma soirée ». J’anime le bar autour d’une sélection thématique de clips vidéos musicaux ou comiques. A cette occasion, le bar ferme plus tard. A dix heures, nous décidons, elle et moi, de prolonger la fête en ville.

 

Nous finissons la nuit chez elle, en toute amitié, échangeant des titres de pop music, de punk, de rap, même de musette – Rébecca ne buvait pas que du tango, elle le dansait aussi. Je la quitte en milieu de matinée après lui avoir rendu un petit service tandis que nous prenions un copieux petit déjeuner. Somme toute, elle n’était guère plus âgée que ma fille aînée. Sur sa table, dans un papier qu’elle a plié façon origami (un gallinacé !), j’ai laissé mon numéro de téléphone.

 

Jour-J, commissariat, salle d’audition 4

Dégoûté, fatigué, étourdi, tout à la fois, je signe ma déposition.

Le capitaine me dit, en manière de consolation, je suppose : « vous savez, M. Filoqueur, grâce à vous, nous aurons au moins la satisfaction d’avoir mis fin à ces arnaques en série ». La belle affaire ! En attendant, me voilà déplumé comme un canard à l’orange, moi ! Moi qui ai eu l’imprudence de payer un billet de train à Rébecca, pour « rejoindre (sa) mère malade, ce week-end », avec ma carte… sur son ordi…

 

Le lendemain, soit hier, dimanche à midi, je constatais avec stupeur que mon compte avait été proprement nettoyé ! « Filée » et « logée », mon Oie Blanche avait été prise en flag par la Brigade des Fraudes.

 

Dans la rue, je charge une play-list aléatoire pour regagner mon logis en me changeant les idées. Je t’en fiche ! Le premier titre qui déboule entre mes oreilles martèle : « Gimme all your money, and I’ll make some origami honey »… Le couac !!

 

Publicité
Commentaires
J
Difficile, si on fait le lien entre le clip et le récit de ne pas être atteint ensuite de coulrophobie !<br /> <br /> <br /> <br /> Trop de modernitude tue la modernitude !
Répondre
B
Voilà quand on.est trop gentil mais en même temps c'est bien de le rester malgré cette mauvaise aventure <br /> <br /> Joli texte en tous cas <br /> <br /> Merci et Bravo Tiniak
Répondre
P
Sur la forme, c'est bien amené; j'aime bien l'écriture, les descriptions, l'intrigue et le dénouement. Sur le fond, on est tous des benêts quand il s'agit des menus services... :)
Répondre
V
dans mon e book ce journal irait à merveille
Répondre
V
un billet plein de fraîcheur dans le genre ici et maintenant tout simplement génial
Répondre
W
J'aurais dû m'en douter : tiniak et arnaque, ça rime !
Répondre
T
Elle voulait sans doute plier les billets de banque en origami... :-)
Répondre
K
Quelle surprise ! J'ai cru qu'on repartait sur la lettre B comme bistrot mais c'était doublement O comme origami et oseille !:)
Répondre
V
L'affaire est pliée… et moi aussi! J'ai bien ri, l'Ami
Répondre
M
Eh bin, quelle histoire ! (Je n'aurais jamais penser ça d'elle ! :)
Répondre
J
Arnaque, quand tu nous tiens !
Répondre
Newsletter
Publicité
Le défi du samedi
Publicité