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Le défi du samedi
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24 février 2018

Les Marie-salopes (Vegas sur sarthe)


Si le troquet s'appelait Le Café des Sports on y rencontrait plus de pochetrons que de sportifs, des poivrots la dalle en pente et qui marchaient au communard – un rouge-cassis pas piqué des hannetons – dès neuf heures du matin en rabâchant les mêmes histoires de quartier.
Le taulier – pour ne pas dire taulard, un ancien repris de justesse pris en flagrant débit de boisson – vivait là, planté tel un meuble de sept heures du mat à minuit sans sourciller entre son zinc et la machine à caoua.
Nul doute que si son rade venait à couler il resterait le dernier à la barre, cramponné à son tiroir-caisse comme un digne commandant de bord.

J'avais commandé une roteuse qui se trouva fort entamée quand Germaine fut venue, poussant enfin la porte du boui-boui sous le regard lubrique des pochetrons.
Je la gratifiai d'un "Salut ma poulette" ponctué d'une main au panier digne de la réputation de l'établissement, un troquet qui logeait temporairement quelques "sportives" professionnelles honteusement expropriées du bois de Vincennes...

A vingt trois heures – heure où le loufiat filait son coup de cachemire sur le zinc en lorgnant sur sa tocante – il est mal vu de recommander une roteuse alors on s'est contentés de deux marie-salopes, des vodka-jus de tomate plus vodka que tomate, histoire de se mettre en jambes.
Je ne fréquentais Germaine que depuis une semaine et on avait envie de passer aux choses sérieuses après avoir épuisés les explorations préliminaires.
A la table voisine, un couple entre deux âges – plus près du deuxième que du premier – noyait sa routine dans le pastaga en remplissant un cendar de clopes à moitié grillées.
"On va quand même pas finir comme ceux-là" me souffla Germaine en glissant sa jambe entre les miennes.
Les pochetrons lorgnaient grave sur les roberts de Germaine et je me serais levé pour aller leur soigner leur strabisme si Germaine ne m'avait entrepris l'entrejambe.
Elle avait parait-il appris le langage des signes et parlait couramment des deux mains depuis sa puberté.
J'avais un besoin urgent de recharger les accus.
"On remet ça" lançai-je au taulier trop heureux de dégourdir sa patte folle.

Comme Germaine filait aux gogues se refaire une beauté, le taulier revint clopin clopant – surtout clopant – avec trois verres vu qu'il ne perdait pas une occasion de s'en jeter un derrière la cravate en compagnie du client.
"Aux Marie et aux salopes" dit-il en s'envoyant la sienne d'un trait.
Il prit pour lui les sifflets d'admiration qui ne faisaient que ponctuer le retour de Germaine munie de ses appâts.
Il était temps qu'on file avant que les soiffards n'aient des attaques cardiaques en chaîne. Si le SAMU connaissait le chemin, je ne voulais pas qu'on soient tenus responsables d'une hécatombe.
Je gratifiai Germaine d'un "Viens ma poule, on change de crèmerie"
J'envoyai la soudure; "T'as du pourliche ?" minauda t-elle.
"Du pourliche, bébé ?" dis-je à la cantonnade "tu crois pas qu'tu leur en as largement refilé en nature ?"
Le loufiat nous avait ouvert la porte, la main tendue en chistera mais rien ne tomba, ni dix balles ni même une seule... les temps sont durs pour tout le monde.
Dehors, ça caillait un max et la pointe des tétons de Germaine pouvait en témoigner; on s'engouffra à la hâte à l'Hôtel des Sports où l'on n'y croisait guère que des "sportives" professionnelles honteusement expropriées du bois de Vincennes...
Il était grand temps d'aller se réchauffer sous la couette.

 

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Commentaires
B
Belle rencontre avec Germaine ;-) <br /> <br /> Merci et Bravo Vegas sur Sarthe
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C
belle tranche et tronches pour ne pas dire trognes de vies<br /> <br /> bien écrit, on est vraiment dans l'ambiance<br /> <br /> j'ai pensé à la fontaine, aussi avec germaine<br /> <br /> fût de bière<br /> <br /> <br /> <br /> 😎
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P
Ou les chroniques ordinaires des soirées passées avec Germaine... :)
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K
Comme titre, tu ne pouvais pas trouver mieux ! Superbe !
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M
Ouf quelle écriture! Bravo!
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J
Comme toujours MDR☺☺☺<br /> <br /> <br /> <br /> Un sauve qui peu qui a failli tirer au baroud d’honneur
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E
il y a cent façons de te lire, du premier au nieme degré, de la rigolade au savant, et quand on a lu, il faut encore relire parce qu'il y a encore à saisir , comme des références presque subliminales " qui se trouva fort entamée quand Germaine fut venue"
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J
Un texte admirable, digne de "Béru et ces dames" ! Toi aussi tu t'es enfilé Dard Dard un cocktail de San Antonio à un moment de ta vie ?
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W
M'ont tout l'air de sportifs à pratiquer les bars parallèles !
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P
Germaine nous étonnera toujours et tes descriptions aussi !...
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S
Voilà un trait de caractère de Germaine que je ne connaissais pas... "sportive" :-)<br /> <br /> Mais quel humour! Je lis chaque fois tes défis en éclatant de rire...
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M
Je rejoins joye en ce qui concerne Germaine, ce café donne la nausée tant il est bien décrit, bravo !
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A
faut avoir fait seconde langue argot 1945 ;-)<br /> <br /> http://alabamamonamour.canalblog.com/archives/2017/12/16/35960543.html
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J
À l'autre bout de Paris, à la bois de Boulogne, je me promenais avec mon mari lorsqu'on a vu une petite camionnette garée stratégiquement juste à côté d'une allée. Moi, j'avais vu des professionnelles qui faisaient la garde à chaque haie, ou presque, et, en voyant le camion, mon mari a dit "Oh, tiens, regarde, c'est sans doute leur bureau !"<br /> <br /> <br /> <br /> Mais la voici, la Germaine, je l'attendais erronément dans une autre participation. Il va falloir veiller sur elle !
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