Va, j'te pousse (Val)
Va, mon petit brun. Pédale. Avance. Ne te retourne pas. J'te pousse. Je te donne l'équilibre. Je cours derrière toi. Aie toute confiance. Je suis ta boussole. Ton appui. Ton engrais. Et tu pousses.
Je serai les roulettes que Tonton vient d'enlever à ta bicyclette.
Va, mon titi. Je te pousse. Mais ne va pas trop loin de moi. A la bonne distance. Pas plus. Tu iras loin mon petit.
Va. Je te pousse. Aussi loin qu'on le pourra. Toi et moi. Je suis et je te pousse vers le meilleur. Toujours.
Va, petite fille. Je te pousse. Encore et toujours. Je te pousse de trop. Je te pousse à apprendre les tables de multiplications, je te pousse à te laver les dents, je te pousse de toutes mes forces. Et toi, petite fille, tu me pousses à bout. Tu ne m'aimes pas, justement parce que je te pousse. Tu ne m'aimes pas parce que tu aimerais vivre chez toi. Et ce n'est pas vers ta maison que je te pousse.
C'est pas juste, tu as raison. C'est pas juste mais c'est ta réalité. Et c'est vers un avenir que je te pousse. Jusqu'à ce que tu te retrouves devant le juge. Au moins jusque là.
Va, mon grand, je te pousse. Je ne te mets pas dehors, oh non. Mais je te pousse vers l'autonomie. C'est ma mission.
Je te pousse à travailler, à te lever le matin, à penser à ton avenir. Je te pousse à prendre tes responsabilités et ton envol, car bientôt il sera l'heure. De t'assumer seul.
Je sais, c'est difficile. Mais moi non plus, à ton âge, je n'avais plus mes parents. Et pourtant aujourd'hui c'est moi qui te pousse.
Va au lycée, va au boulot. Bouge. Je te pousse. Et réussi. C'est un ordre. Je te pousse.