Une photo déconcertante (EnlumériA)
Dans quelle galère étais-je encore allé me fourrer ? Ceux qui me connaissent déjà savent à quel point mon talent pour me fourvoyer dans des situations abracadabrantesques surpasse tous les autres jusques et y compris l’écriture. Je n’ai jamais compris comment ça m’était venu cette chose étrange que d’aligner quatre mots puis trois autres et ainsi de suite pour raconter quoi ? Des calembredaines ! Des coquecigrues de foire à la ferraille et au jambon. Des balivernes tout juste bonnes à occuper quelques instants un ennui de passage. Un peu comme un goéland traverserait l’écran d’une salle de cinéma d’art et d’essai un soir de pluie. Pendant le générique de fin ; à l’heure où tout le monde dort. Ça ne vous endort pas vous les films d’auteur ? Allons donc ! Bande de bobos snobinards que vous êtes.
Donc, pour en revenir à mes moutons – tous aussi soporifiques que le cinéma cité plus haut, comptez là-dessus – je contemplais la photo de cette semaine. Je ne comprenais pas vraiment ce que voyait mon œil agacé par des heures braqué sur un écran de la Fonction publique. Il faut bien faire bouillir la marmite comme on dit encore – et pourquoi donc – à l’ère du micro-ondes. C’est un peu comme passer des coups de fil. À l’ère du portable.
Je regardais cette photo avec, je dois le dire, un certain agacement. Et il fallait que j’écrive un billet, une histoire ou un conte, je ne sais trop quoi à propos de cette image pour le Défi du Samedi.
Hein ?
Ah oui ! Je ne vous l’avais pas dit. Le Défi du Samedi, c’est une sorte de rendez-vous sur la toile. Comme un atelier d’écriture mais sans les outils. Chaque samedi, on nous propose un thème et il faut raconter quelque chose. Un billet, une histoire ou un conte, je ne sais trop quoi… Oui, des poèmes aussi, si le cœur vous en dit. Certains le font très bien. Moi ? Non. Je suis exécrable au jeu des rimes. Et j’ai pour la poésie si peu d’estime. J’y suis imperméable que voulez-vous. Mes vers détestables ? Au tout-à-l’égout.
Le thème d’aujourd’hui ?
Des gamelles et une vieille peau clouée sur un mur. De l’inspiration quant à cette chose ? Nada. En principe, quand je n’ai pas d’idées, comme chaque semaine d’ailleurs, je scrute la photo, si c’en est une. J’en décortique le moindre détail, le plus subtil fragment. S’il s’agit d’une citation, je la mastique et la malaxe intérieurement tout au long de la semaine – tout en publiant des successions, des ventes ou des licitations suite à des divorces, des décès ou des donations. C’est mon job, vous savez ; pour faire ronronner le micro-ondes. Pas de marmite chez moi, pas non plus de gamelles en cuivre et encore moins d’épluchures de cadavre d’animaux du Bon Dieu. Diable ! Il ne manquerait plus que ça. Ce n’est pas que je sois végan. Moi, je serais plutôt Suzanne Vega. Mais quand même. Un bestiau crevé cloué au-dessus des casseroles, vous avouerez que pour l’hygiène…
En même temps, le cadavre, faut bien le mettre quelque part. Alors pourquoi pas dans une casserole. En cuivre ou en fonte. Quelle importance ? Du moment que ça cuit vrai, sans fausse honte.
Bien ! Je dégoise, j’élucubre et toujours pas l’once d’une idée. Peut-être que si j’inversais le problème. Voyons voir.
Imaginons des casseroles en fourrure et une peau de bête métallique. Ça donnerait quoi ? Un animal immangeable… à remplacer par des légumes. On aurait la peau de fer contre la pomme de terre par exemple. Oui. C’est bancal, mais ça pourrait marcher.
Ou pas.
Bon allez ! Je laisse tomber. Rien ne vient cette semaine. Peut-être que le prochain sujet sera plus motivant.
En attendant, je vais me mitonner un ragout dans une casserole en cuivre et je dégusterai ça devant la cheminée, bien installé sur une peau de bête.
Comment ? Je n’ai pas ça chez moi ?
Non, mais j’ai un four à micro-ondes et des Cordons Bleus dans le congélateur. À déguster devant la télé avachi sur une couette synthétique. Faut vivre avec son temps.
Évreux, 23 décembre 2016