Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le défi du samedi
Visiteurs
Depuis la création 1 053 260
Derniers commentaires
Archives
22 octobre 2016

Les collectionneuses (par joye)

Il me regarda droit dans les yeux.

- T’es sûre ? Parce que, si t’es pas sûre…

- Oui. Je hochai la tête. J’étais sûre.

- D’accord, répondit-il. Il me prit la main. La sienne était froide. La mienne toute chaude.

Il frappa deux fois à la porte et puis nous y entrâmes.

La chambre sentait le désinfectant. Une lumière indistincte illuminait un couloir étroit au fond de la salle.  Au début, je pensais qu’on s’était trompé de squat, mais Paul resta calme, comme s’il connaissait déjà le lieu.

De nouveau, il me regarda, de nouveau il dit :

- T’es sûre ? Parce que, si t’es pas sûre…

Mais j’étais sûre. J’y avais réfléchi. Longuement. Et je n’eus aucune autre idée que de le faire faire. En ce moment, je l’aimais de tout cœur, ce jeune homme qui voulait m’aider.

D’un coup, on entendit des pas dans le couloir, et je vis s’approcher la dame. Elle ne ressemblait pas à la vieille valkyrie que j’imaginais. Son visage me rappelait une galette sucrée, lisse et ronde et sucrée. J’aimais les galettes.  Je savais que tout allait bien finir.

Elle nous fit asseoir sur un canapé vaguement gris qui sentait la poussière.

- Avez-vous des questions ? demanda-t-elle, en me prenant la main. Elle s’adressait à moi, comme si Paul n’était pas là, comme si ce n’était pas sa décision aussi.

Je hochai la tête, mais je savais qu’il fallait que je lui parle, afin qu’elle entende que j’étais d’accord.

- Vous faites cela depuis longtemps ? lui demandai-je. La honte surgit immédiatement dans mes joues. Quelle question stupide de poser à une personne comme elle, qui risquait beaucoup pour aider les autres ! Et si elle refusait ?

Mais elle me sourit. Gentiment. Je vis dans ses yeux bleu clair que je n’étais pas du tout la première à lui poser la question.

- Oui, ma douce, depuis longtemps. Tu as raison d’être appréhensive. Mais mon travail est nécessaire. Voyez-vous, depuis bientôt quarante ans, je collectionne les cicatrices et les bobos des jeunes femmes.

- Et cela fera-t-il mal ?

- Non, non, ma douce, en fait, c’est déjà fait. Tes cicatrices sont déjà les miennes. Tes bobos font maintenant partie de ma collection à moi.

Surprise, je la regardai.

Et je vis, sur cette galette sucrée, toutes les blessures que j’avais portées jusque-là.

Publicité
Commentaires
J
Une science-fiction qui met le doigt là où ça fait mal. Bravo pour ce texte, chère Joye !
Répondre
B
Une bien belle et sympathique collectionneuse une magnifique histoire Joye comme tu en as le secret Merci et bravo j'adore
Répondre
M
Très bel écrit. J'ai bien cru aux faiseuses d'anges. Mais l'idée de donner nos cicatrices à quelqu'un, c'est bien pensé !
Répondre
P
Au début, j'ai pensé à une "faiseuse d'anges". Pousser l'empathie jusqu'à collectionner les maux des autres, c'est l'oeuvre d'une sainte ou d'une sorcière. Je l'enjoins vivement d'aller collectionner dans les hôpitaux, c'en est plein... Belle trouvaille.
Répondre
T
Ca me rappelle un film qui ressemblait un peu à ça mais je ne me souviens plus...
Répondre
P
Déposer ses blessures : tu nous offres une belle leçon de résilience joliment bien dite. Merci.
Répondre
V
univers tés singulier voilà ta griffe on attend la suite avec impatience
Répondre
W
Oui, j'ai entendu parler de ces personnes étranges et aussi de certaines qui "dormaient" les maladies des autres... une sorte de chamane peut-être ? Bien raconté en tout cas joye !
Répondre
M
Etrange et BEAU !!! Bravo Joye !
Répondre
J
Bien empathique ta collectionneuse de malheurs des autres, mais je me demande si elle n’habite pas à une adresse inconnue, seuls y ont accès ceux qui veulent vraiment se débarrasser de leurs maux.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Ton récit m’a fait songer à de sombres histoires lointaines, du temps où….<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> B♥
Répondre
V
Etrange histoire que celle de cette collectionneuse des cicatrices des autres... elle a bien du mérite !
Répondre
Newsletter
Publicité
Le défi du samedi
Publicité