Tata Mi (Thérèse)
Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours vu des boîtes remplies de boutons dans les tiroirs de la commode chez Maman. Des noirs, des blancs, des gaufrés, des striés, des nacrés... Elle a même poussé le luxe à assembler certains d'entre eux par un fil ou un brin de laine pour qu'ils ne se perdent pas au milieu de leurs congénères. Héritage d'amies et de famille, au fil des années, s'est amassé un trésor de couleurs miroitantes et l'on n'a plus qu'à piocher dedans pour se servir quand le besoin s'en fait sentir.
Aujourd'hui il existe tellement de collections différentes qu'on a même inventé un tas de noms tarabiscotés pour les différencier. Après tout, on peut très bien conserver tout et n'importe quoi. Qui peut se targuer de ne pas avoir, dans un coin de sa maison, un amas de bibelots ou de peluches ? Des timbres ou des pièces de monnaie ancienne ? Des photos tapissant les murs et recouvrant les meubles ?...
J'en connais qui aiment tellement les vaches qu'ils ont rempli leur maison de ces bestioles à un point qu'on ne voit plus qu'elles : on se croirait presque dans un pré. Ça va de la salière de la cuisine jusqu'à la couette de la chambre en passant par le porte-brosse des WC. Il est des collections qui ressemblent plus à des obsessions et il faut reconnaître que parfois, ça frise le ridicule.
Je me souviens d'une époque où j'avais rendu visite à ma fille qui habitait alors à Dijon. Ce jour-là, elle me dit : "Tata Mi m'a téléphoné pour me demander d'aller en ville, chez une dame, récupérer un truc qu'elle a commandé sur internet." Tata Mi, c'est ma sœur qui vit à Paris. Et c'était quoi, ce truc, me direz-vous ? Hé bien, je vous le donne en mille : un jouet "Kinder" ! Vous savez, ces fameux sujets qu'on trouve dans les œufs en chocolat ! C'est là que j'ai appris qu'on pouvait acheter de simples babioles pour trois fois rien et les revendre ensuite une véritable fortune à des gens bien déterminés. C'est vraiment incroyable ! Si j'étais vous, j'irais refaire l'inventaire de votre propre grenier : il se peut qu'il recèle quelque trésor inestimable et que vous ne le sachiez pas. De vieilles choses insignifiantes sont en fait devenues si rares qu'elles se vendent aujourd'hui à prix d'or. On ne peut pas s'imaginer le nombre de personnes impliquées dans ce commerce juteux. Il suffit d'aller faire un tour sur le site « eBay » pour se rendre compte du formidable réseau de ventes aux enchères, instauré par nombre d'internautes tellement accros que ça en devient drôle pour nous qui ne sommes que spectateurs.
Il y a quelques mois, ma sœur était venue passer le week-end chez nos parents. Malheureusement ils n'ont pas internet et malgré tous nos efforts sur téléphones ou sur tablettes, on n'a jamais réussi à se connecter sur le fameux "Google". Complètement surexcitée, ce jour-là, elle m'a presque suppliée pour surveiller, de chez moi, sur mon ordi, une vente aux enchères sur « eBay », qui était en cours. Il ne restait que deux jours et elle voulait attendre la fin pour surenchérir à la dernière minute afin d'être sûre d'obtenir l'objet convoité. Je vous avoue que j'ai bien ri quand j'ai vu le jouet ridicule qu'elle voulait acquérir à tout prix.
Un autre jour, elle m'a envoyé un mail pour me demander de chercher dans mon grenier si je ne possédais pas un de ces petits personnages : elle avait réuni tous les sujets d'une même "famille" mais il lui en manquait un avec un bateau.
Quand elle parcourt les vide-greniers, elle passe des heures à fureter dans les sacs de jouets proposés par les vendeurs. Il faut la voir, la tête plongée dans les cartons, à retourner, à triturer, à comparer, à marchander. Et c'est un plaisir de la voir discuter de sa passion dévorante avec de parfaits inconnus.
Moi ? Si j'ai une passion !? Oh, si peu : quelques jolis cailloux-souvenirs, quelques coquillages qui dorment dans un coffret, quelques cartes postales cachées dans un album. Mais ce que je préfère avant tout, c'est collectionner les sourires de mes amis. Et ça, ça n'a pas de prix.