La charlotte aux fraises (Venise)
En ce matin lumineux de juin, je m’étais décidé à sortir dans le jardin afin de saluer les arbres bourgeonnants.
Comme un pèlerin à l’annonce des beaux jours et longtemps confiné dans cet hiver de neige, la passion des fleurs revenait de plein droit.
Je m’assis dans l’herbe er regardai autour de moi.
Tout semblait normal quand je vis la reine d’Angleterre en personne traverser une futaie, alors que les libellules fusaient en tous sens et les hirondelles poursuivaient leur chasse interminable aux insectes invisibles en de longues boucles périlleuses.
Qu’est-ce qu’une reine d’Angleterre vient faire dans mon jardin ?
Je dévisageai la reine affublée d’une charlotte aux fraises en guise de couvre chef .
On m’a dit qu’en venant ici on rigolerait bien dit la reine. J’essayai de trouver les mots adéquats pour dire que j’étais pris au dépourvu.
Je n’avais pas prévu qu’une REINE dépressive sur les conseils de son docteur Walrus serait affublée d’une charlotte aux fraises.
J’étais dépassé par la situation et si j’avais eu affaire à un voyou je lui aurais donné une calotte et je serais parti en courant.
La reine s’exprimait comme si elle donnait une conférence et au début je dus faire de gros efforts de concentration. J’ai eu l’idée de lui servir un cognac puis deux, puis trois.
La charlotte aux fraises commençait à pencher comme la tour de Pise alors que le métabolisme de la Reine tentait en vain d’éliminer les vapeurs d’alcool .
Ça frisait la profanation ! On aurait dit une chaude lapine qui courait dans tous les sens.
Je suis allé chercher une piqûre hypodermique afin de la planter dans son arrière train.
Elle tourna immédiatement de l’œil et la charlotte aux fraise atterrit sur mes chaussures vernies.
J’étais jusqu’alors un gentleman ordinaire, sans éclat, la photo que je pris ce jour là donna à ma vie une trajectoire unique.