Retard (Marco Québec)
- Bonjour monsieur.
- Bonjour, votre nom s’il-vous-plaît.
- Où suis-je?
- Vous êtes au ciel.
- Est-ce que je suis mort?
- Je suis désolé de vous l’apprendre, mais c’est bien le cas.
- Oh!
- Et votre nom, s’il-vous-plaît.
- Émile Larivière.
- Alors voyons cela. Larivière, Émile, Montréal, accident d’automobile, heure du décès : 16h02.
- Oh!
- Il est 16h32. Vous arrivez donc au ciel avec une demi-heure de retard, ce qui n’est pas du tout dans les normes, monsieur Larivière. Je vais devoir en référer à mon supérieur.
- Est-ce que votre supérieur, c’est Dieu?
- Vous blaguez, monsieur. Avec toute la bureaucratie qu’il y a ici, vous n’imaginez tout de même pas que Dieu soit mon patron. D’ailleurs, entre vous et moi, je n’ai pas encore rencontré Dieu.
- Oh!
- Avez-vous votre formulaire?
- Quel formulaire?
- Le Si-L.
- Je n’ai aucun formulaire.
- Non, mais ce n’est pas possible. Une demi-heure de retard et pas de formulaire.
- Je suis désolé, monsieur…
- Monsieur Lange.
- Oh!
- Attendez un instant. J’appelle mon supérieur… Pas de réponse évidemment. Depuis qu’ils leur ont installé des afficheurs, je les soupçonne de filtrer les appels.
- Monsieur Lange, est-ce que je peux aller à la salle de bain?
- Pourquoi donc?
- Bien, j’ai un peu envie.
- Non, mais je n’en crois pas mes oreilles. Vous voulez dire que vous n’avez pas eu la mise à jour préalable à votre entrée au ciel.
- Si vous le dites.
- Non, mais on se demande ce qu’ils font les fonctionnaires à l’accueil.
- Et pour la salle de bain?
- Vous allez devoir attendre.
- Oh!
Monsieur Lange appelle donc la secrétaire à l’accueil.
- Bonjour madame Marie-Ange. Ici Lange, au ciel. J’ai un type, un dénommé Larivière, qui nous est arrivé avec une demi-heure de retard. Il n’a pas son formulaire et on ne lui a pas fait la mise à niveau préalable. En plus, il croit que mon patron, c’est Dieu. Vous pouvez me dire ce qui se passe à l’accueil aujourd’hui.
- Vous n’êtes pas au courant?
- Au courant de quoi?
- Tout le personnel est en rencontre pour le lancement de la nouvelle planification stratégique. Vous n’êtes pas sans savoir que celle-ci revoit de fond en comble nos procédures et fixe nos nouvelles cibles de performance.
- Je n’ai jamais entendu parler de cela.
- Je peux les informer de cette faille dans leur plan de communication.
- Et qu’est-ce que je fais avec Larivière?
- La section des refoulés est déjà complète. Je ne vois pas d’autre solution que de le retourner sur terre. D’où vient-il?
- De Montréal.
- Laissez-moi vérifier. Pour Montréal, nous n’avons pas encore atteint notre quota de retour. Vous pouvez le retourner sans aucun problème.
- Je vous remercie, madame Marie-Ange.
- Monsieur Larivière, les services d’accueil tiennent aujourd’hui une activité de formation de la plus haute importance. Voilà ce qui a occasionné tous vos petits ennuis.
- Oh!
- Nous allons devoir vous retourner à votre vie à Montréal.
- Mais il n’en est pas question, monsieur Lange. Je suis mort et je veux le rester.
- Que tout cela est embêtant!
- Moi je n’ai rien demandé. À vos services de trouver une solution.
- Qu’est-ce que vous faisiez comme travail à Montréal?
- J’étais consultant en gestion, en réingénérie des processus d’affaires, etc.
- Ah! Je vois. Je crois que j’ai une solution pour vous.