Participation de Fairywen
Une journée pour tout changer
Le village était en partie dévasté. Damon et Stella s’arrêtèrent net en découvrant le spectacle d’Apocalypse.
— Je ne voudrais pas paraître exagérément pessimiste, mais y a-t-il encore quelque chose qui tienne debout, ici ? commenta le prince faé.
— Allons voir.
Ils avancèrent en silence le long d’une rue déserte. Apparemment, ils étaient arrivés par le côté le plus touché. Le reste du village avait l’air en bien meilleur état. Damon allait en faire la remarque lorsque des sanglots enfantins l’interrompirent. Ils échangèrent un regard, puis se dirigèrent vers la source des pleurs, espérant ne pas découvrir un enfant enfoui sous les pierres.
Un petit garçon se tenait devant une maison effondrée, tentant de dégager les décombres. Stella s’agenouilla à côté de lui et le prit dans ses bras.
— Que t’arrive-t-il ?
— Mon chien… Il est coincé là-dessous. Je l’entends, je crois qu’il est blessé.
— Laisse-moi faire.
Sans attendre de réponse, Damon se mit à soulever les débris pour dégager un passage. Il ne semblait faire aucun effort particulier en évacuant les lourds parpaings. Si le petit garçon n’avait pas été aussi inquiet pour son chien, il aurait sans doute admiré la force de l’homme, mais là il ne pensait qu’à son compagnon.
Un jappement étouffé se fit entendre, et bientôt le prince faé dégagea un gros chien blanc couvert de poussière et aux poils ébouriffés. Le petit garçon se précipita vers l’animal qui remuait la queue et le serra dans ses bras. Les larmes qui coulaient sur son visage étaient des larmes de joie.
Stella adressa un sourire à son compagnon.
— Alors, ça fait quel effet de penser aux autres avant de penser à soi ?
Damon sourit à son tour.
— J’avoue que ce n’est pas désagréable.
— C’est bien, tu progresses.
— Mais ce n’est pas encore assez, c’est ça ?
L’éclat qui pétillait dans les yeux de Damon démentait l’amertume apparente de ces paroles. Stella ne s’y trompa pas. La part sombre de l’héritier déchu s’éloignait…
La journée fut aussi longue que fatigante pour les habitants du village. Bien qu’il fît attention à ne pas se trahir, la force surnaturelle de Damon fit des miracles. Quant à Stella, elle semblait être partout à la fois, virevoltante, s’occupant des hommes et des bêtes. Les talents de commandement du prince faé firent merveille pour seconder les gendarmes et organiser les secours. N’oubliant pas la situation qui était la sienne, il prit cependant garde à ne pas se comporter en despote comme il en avait l’habitude. Il rit et plaisanta avec les habitants autour d’un pique-nique improvisé, se réjouit qu’il n’y ait eu que des dégâts matériels et des blessés légers, aida Stella à mettre au monde un poulain au milieu d’une écurie à moitié en ruines et lorsqu’enfin ils décidèrent de rentrer, la nuit était tombée.
Aurore et Magali, les institutrices, voulurent les convaincre de rester au village plutôt que de reprendre la route dans le noir, mais la Sylve déclina l’invitation.
— Mes animaux là-haut ont besoin de moi.
Ils ne pouvaient pas le dire, mais l’un comme l’autre voyait parfaitement bien dans la nuit, et ils n’eurent aucun mal à regagner le chalet.
— Une douche ne sera pas du luxe, soupira Stella.
— Je suis assez d’accord avec cette idée. Honneur aux dames…
Environ une heure plus tard, ils se retrouvèrent devant la cheminée, un café à la main. Le silence régna un instant entre eux tandis qu’ils savouraient la boisson réconfortante. Damon le rompit le premier.
— Il faudra redescendre demain. Il y a encore du travail.
La Sylve lui jeta un regard moqueur.
— Tu te piques au jeu, Ta Majesté ?
— Il paraît que je n’ai pas le choix.
— On a toujours le choix.
— Alors, disons que j’ai choisi de ne pas l’avoir.
Il avala sa dernière gorgée de café et poursuivit.
— Et d’obéir à une certaine Sylve qui est semble-t-il ma dernière chance de rédemption.
— Bien qu’elle ne soit pas forcément la meilleure.
— Moi je crois qu’elle l’est.
Stella sourit, et si ce fut le hasard qui fit se toucher leurs mains lorsqu’ils reposèrent leurs tasses, elle ne se défendit pas lorsque le prince déchu noua ses doigts aux siens…