OBJETS TROUVES (Lorraine)
On m’a trouvé sur la plate-forme du tram, accroché à la barre. Elle avait pourtant juré qu’elle ne m’oublierait jamais !
« Il est trop beau, disait-elle à ses amis, c’est un modèle des années 70, tout fleuri, au long manche recourbé. J’adore ! C’est plus une ombrelle qu’un parapluie, je trouve ! »
N ’empêche, me voilà aux « Objets trouvés ». Comme vous, je vois.
- Oui . M’oublier, moi, la valise du week-end, sur un quai de gare ! Je fulmine ! Le chef de train fulminait aussi et elle, par la vitre baissée, faisait de grands gestes inutiles. Elle filait vers le soleil ; moi j’ai filé jusqu’ici !
La paire de gants sourit dans son coin. C’est la deuxième fois qu’on la perd. Elle aime assez, elle fait des rencontres. Tenez, ce foulard de soie rose s’agite sur l’étagère, indigné. Il était choyé, parfumé, jeté négligemment sur l’épaule ou sagement noué dans le décolleté accueillant. Et le voilà à côté d’une casquette à carreaux pas très propre, d’une poupée unijambiste, d’un porte-carte bourré et d’un panier à provisions vide. Un roman de Marcel Proust baille discrètement, aligné près d’une pile de romans policiers à deux sous. Voici un agenda, trois porte-monnaie, un cardigan très printanier, un beauty-case, une serviette d’homme d’affaires et une paire de chaussons.
Leur destin ? Attendre que les maîtres écervelée songent qu’il existe un bureau d’ »Objets Trouvés » et viennent les récupérer.
Sinon ? Eh bien, un an et un jour plus tard, on les mettra en vente. Pour un nouveau destin ?...