LE TRIANGLE DES BERMUDES (Lorraine)
On dit que le Triangle des Bermudes hurle soudain de toutes ses vagues dressées comme des murs où se fracassent les bateaux.
On dit que les plus valeureux capitaines n’échappent pas à son étreinte d’eau et de fer.
On dit qu’affronter ce gouffre est une folie de l’homme qui viole depuis toujours l’immensité et que l’océan hostile défend ses mystères.
On dit aussi que ces mystères sont une légende et que seuls soufflent les vents contraires, entraînant dans des gorges souterraines les insensés qui bravent l’interdit.
Mais on ne dit pas que le chant des sirènes accompagne le naufrage. Certaines jouent de la harpe et d’autres du flûteau, leur corps aérien sinue et danse quand se tait la cacophonie de l’ensevelissement.
Et on ne dit pas qu’au fond de l’eau s’ouvrent de voluptueuses cavernes, tapissées de lits de mousses, où s’étendent pour toujours ceux que le bon plaisir des sirènes a choisi.
Et on ne dit pas que dès lors, ils ouvrent les yeux dans la douceur d’une vie amoureuse passionnée, mais si définitivement chaste qu’ils connaîtront à jamais l‘indicible tourment du désir…
Certains soirs, dan le Triangle des Bermudes, monte leur chant désespéré qui s’entend jusque sur les rivages. Alors, les femmes se signent et maudissent les sirènes…